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EAN : 9782359251364
350 pages
La Découverte (31/08/2017)
4.27/5   35 notes
Résumé :
L'enquête de terrain d'Anna Lowenhaupt Tsing commence dans les forêts dévastées de l'Oregon aux États-Unis, où les grands pins ponderosas ont été coupés pour alimenter l'insatiable industrie du bois, et se termine dans celles du Yunnan, où la marchandisation fait des ravages dans les campagnes, après être passée par la Laponie et le Japon. Le sujet du livre ? Le matsutake, un champignon très cher au Japon qui ne pousse quasiment plus sur l'archipel nippon et qu'il f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Capter la senteur des communs latents et cet arôme d'automne insaisissable

Des histoires de champignons – les matsutakes – d'arbres, de forêts, de paysages dévastés, de ruines, de temps perdu… Les êtres humains et l'environnement, le refus des simplifications et la prise en compte des enchevêtrements, les ruines du capitalisme, les collaborations pour vivre…

De la richesse foisonnante des analyses, un remarque et quelques éléments. Anna Lowenhaupt Tsing fait le choix de personnaliser les végétaux. Cela permet une lecture fluide mais entraine une certaine ambiguïté. Constater des évolutions est une chose. Les déplacements ne sont cependant pas des « faire » (et encore moins, la conscience de faire). Les passés et le(s) futur(s) étaient et seront construits par des interactions, des « collaborations » cachées, des histoires multi-spécifiques, que les être humains devraient mieux étudier, pour en comprendre les liens, les contradictions, les possibles toujours ouverts dans les contraintes précédemment « constatées ». Mais parler des « vivants » n'implique pas que ceux-ci puisse « faire »…

Dans sa préface, Isabelle Stengers interroge « comment sortir dudit « Anthropocène » aussi vite que possible, avant que les conséquences en cascades de ce que nous avons appelé le « développement » ne détruisent irrémédiablement notre monde ». La préfacière aborde, entre autres, les paysages désolés, les ruines « pour apprendre à saisir ce qui discrètement s'y trame », la piste du matsutake, l'historicisation des circonstances, les « frictions – tensions, contradictions, malentendus, raccords bricolés – », les contingences, « la manière dont les vivants composent entre eux, sont susceptibles de tisser les uns avec les autres des rapports qui inventent des possibilités de vie », les enchevêtrements, les résistances derrière les défaites, les mutilations de l'imagination, les mondes multiples que « les vivants continuent à fabriquer les uns avec les autres ».

En espace d'avant le prologue, Anna Lowenhaupt Tsing revient sur la « Nature » magnifiée, passive, mécanique et universelle dans la philosophie occidentale. Elle présente son livre, le choix de chapitres courts, « un excès en abondance, un appel à explorer, un toujours trop ». le futur n'est pas une direction particulière qui ouvre le chemin. de multiples futurs apparaissent et disparaissent dans le champ des possibles. L'autrice parle de « polyphonie temporelle ».

Les matsutakes, le parfum, les conditions d'« apparition », des champignons et aujourd'hui des marchandises mondiales, « En suivant le commerce et l'écologie des matsutakes, ce livre aborde l'histoire des modes de vie et des environnements précaires ». L'autrice discute, entre autres, de l'hétérogénéité de l'espace et du temps, des écologies issues des perturbations, des enchevêtrements, de la survie collaborative, des rencontres imprévues et des transformations induites, du concept d'« agencement », des histoires divergentes, stratifiées, combinées…

Contamination, collaborations, emmêlements, cacophonie d'histoires troubles, relations co-transformatrices, Anna Lowenhaupt Tsing souligne que « La diversité contaminée n'est pas seulement particulière et historique, toujours changeante, elle est aussi relationnelle ».

Le capitalisme comme sytème de traduction, les chaînes d'approvisionnement et de sous-traitance, l'accumulation par captation, les aspects contradictoires des procès socio-économiques. D'autres facettes du fonctionnement local et global d'un système…

L'autrice insiste sur les relations interspécifiques, l'impossibilité de comprendre l'un sans penser le tout et d'examiner les différentes relations et leurs changements. Il n'y a pas d'auto-création ou la « reproduction y est autosuffisante, auto-organisée et échappe à l'histoire ». Pour comprendre, il nous faut souvent changer d'échelle, regarder du coté des rencontres « entre un organisme et son environnement », analyser les interactions avec d'autres espèces, prendre en compte les co-développements, ne pas dédaigner les rencontres fortuites… L'écologie ne peut-être qu'historique et multi-spécifique.

La « nature » n'est pas un monde-bulle figé hors du temps, « les perturbations réalignent des possibilités de rencontre transformatrices », l'autrice revient sur les agencements polyphoniques, les accordages multi-spécifiques, les changements contingents, l'absence d'état initial harmonieux, les hétérogénéités, ce qui fait histoire ensemble, les coordinations inattendues, les connexions mondiales, les communes dépendances, les accordages ratés et ce qui fait raccord, l'environnement et non la localisation, le « désordre qui règne dans des mondes-en-train-de-se faire », la « mutualité évanescente »…

Il ne s'agit donc pas seulement d'histoires de champignons, d'arbres, de forêts, de paysages dévastés, de ruines, de temps perdu… mais de la possibilité de construire un autre temps, un temps retrouvé…

D'autres lectures, convergentes ou divergentes, sont possibles ; d'autres éléments pourraient être critiqués ou soulignés. Je tenais au moins à rendre compte de l'intérêt de cet ouvrage. Il convient de sortir des terrains battus pour mieux comprendre notre monde, rendre apparentes les complexités et donc les possibles émancipateurs…

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Voici un livre passionnant, étrange et déroutant. Un livre dont le héros est un champignon, ce n'est pas banal. de plus un héros plutôt ambigu. D'un côté il aide les arbres à pousser sur des sols plutôt hostiles, recréant un milieu de vie là où tout semblait irrémédiablement compromis. D'un autre il accompagne la surexploitation en ne prospérant que dans les forêts ravagées par la surexploitation, ou profondément dégradées par une activité humaine plus traditionnelle, mais elle aussi facteur de perte de biodiversité. Donc, certainement pas un bon élève pour les conservateurs de la Nature, ce champignon.
Autre étrangeté, s'il touche à l'écologie des interactions ce livre est écrit par une anthropologue, le deuxième personnage est donc l'humain, sous-espèce Homo oeconomicus. Encore un personnage ambigu puisque par sa cupidité illimitée il détruit les forêts à l'échelle planétaire, les réduisant à des paysages désolés, cependant que grâce à son activité d'agro-paysannerie il favorise la pousse de notre héros (super-champignon) qui lui n'aime pas les terres trop riches. L'autrice ne cache d'ailleurs par son empathie pour les différentes catégories d'humains qui regardent pousser, cueillent, vendent, achètent le champignon. Des créatures s'efforçant de vivre ou survivre, tantôt coopérant, tantôt purs prédateurs, comme le font tous les autres êtres vivants avec qui elles partagent des coins de planètes. Un plaidoyer pour un retour à la coopération avec la nature. de très belles pages d'écologie sensitive !
Deux personnages ce n'est pas beaucoup pour un livre qui touche à autant de grandes questions : la globalisation, l'épuisement des ressources naturelles, la marchandisation du monde, la captation des ressources par le capitalisme, les politiques de protection de l'environnement, la gestion des forêts, l'organisation des circuits économiques, les migrations humaines, etc. Toutes ces intrigues sont donc tissées autour d'une symbiose très particulière : un champignon, qui serait un peu comme une truffe, rebelle à la culture intensive, à haute valeur gastronomique et culturelle, qui aide certes les pins et les humains à gagner leur vie mais notre héros-champignon semble un peu seul face aux enjeux. On ne sait pas trop si l'humain va être sauvé ou si le champignon basculera dans le camp de la marchandisation… Alors, on termine la lecture avec plus de questions qu'avant d'avoir ouvert le livre, mais n'est-ce pas l'une des caractéristiques d'un très bon livre ?
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Un livre hybride, l'auteur, anthropologue de formation je crois, promet d'ailleurs d'autres études collectives. En étudiant l'univers du matsutake, ce champignon qui pousse sur des ruines, quand les pins peuvent pousser car d'autres espèces qui leur faisaient de l'ombre ont été abattues, en symbiose. On y trouve cette notion abordée dans La Vie secrète de l'arbre : les êtres vivants collaborent. Une charge contre le capitalisme, l'industrie de la captation : l'essentiel de son enquête se déroule dans l'Oregon, auprès des cueilleurs de champignon. Cueilleurs qui ne trouvent plus leur place dans le système ; l'Oregon qui a subi de plein fouet la crise de l'industrie forestière. L'auteur s'intéresse à la fabrication du monde et considère que le meilleur moyen de l'appréhender est par le biais d'histoires. Elle souligne la nécessité de travailler ensemble et l'effort que cela impose pour y parvenir d'être capable de prendre en compte d'autres paradigmes que les siens (traductions). Beaucoup de notions, d'idées intéressantes ; notamment que dans un monde de précarité tel que le nôtre, chaque rencontre impose un changement.
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« Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme »
Le livre décrit une forme de renaissance dans les ruines industrielles. de nouvelles formes de vies cherchent à s'immiscer dans un monde en pleine destruction.

Un livre sur les liens sociaux, l'entraide et la symbiose. Une belle philosophie pour tenter de reconstruire le monde.
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Formidable étude sociologique, parfois ardue, parfois un peu longue, mais très enrichissante intellectuellement.
Comment au travers du matsutake faire (re)découvrir au lecteur la subtilité des liens entre les éléments, minéraux, végétaux et humains. Les connaissances primordiales, mal comprises, mal interprétées par les tenants du progrès et les prédateurs économiques de toute époque, se retrouvent explorées par l'auteur.
Tout se mélange, tout est relié dans cet ouvrage, scientifique, historique, géographique, économique qui frise par moment avec un road movie passionnant.
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
12 février 2018
À travers l’étude de la collecte et du marché du matsutake, l’anthropologue Anna Tsing décrit un monde qui a renoncé au progrès, où la survie dépend de collaborations précaires entre les hommes et le monde qui les entoure.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
NonFiction
04 décembre 2017
Un essai d’anthropologie qui invite, grâce à son sens du récit, à repenser notre monde et ses mutations de manière nuancée.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeMonde
11 septembre 2017
L’Américaine Anna Tsing analyse les relations entre les humains et leur environnement à travers l’écologie très particulière du savoureux « matsutake ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
 
 
[…] la diversité contaminée est compliquée, souvent rebutante, voire intimidante. La diversité contaminée implique des survivants pris dans des histoires de cupidité, de violence et de destruction environnementale. Le paysage embrouillé que l’exploitation commerciale du bois a engendré nous rappelle les irremplaçables géants, pleins de grâce, qui existaient avant. Les vétérans nous rappellent les corps qu’ils ont enjambés – ou tués – pour venir jusque chez nous. Nous ne savons pas si nous devons les aimer ou les haïr. Les jugements moraux simplistes ne servent à rien.

[…] Écouter et raconter des histoires qui se bousculent est une méthode. Et pourquoi ne pas oser une déclaration forte et appeler cela une science, une science à ajouter au panel de la connaissance ? Son objet de recherche est la diversité contaminée ; son unité de base est la rencontre indéterminée. Pour apprendre quoi que ce soit, elle a à revitaliser les arts de l’observation […].

/Traduit de l'américain par Philippe Pignarre
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L'un des projets de privatisation et de marchandisation les plus étranges du du début du XXIème siècle a été l'opération de faire de la connaissance une marchandise. Il en existe deux versions étonnamment puissantes. En Europe, les gestionnaires exigent de exercices d'évaluation qui réduisent le travail des chercheurs à un chiffre, une somme censée exprimer toute une vie faite d'échanges intellectuels. Aux Etats-Unis, on demande aux chercheurs de devenir des entrepreneurs, se produisant eux-mêmes comme une marque et cherchant la célébrité depuis le premier jour d'étude où l'on ne sait encore rien. Ces deux projets me semblent insensés et, plus, oppressants. En privatisant ce qui ne peut être qu'un travail collaboratif, ces projets visent à étouffer la vie qui fait partie intégrante d'un trajet de recherche.
Tous ceux qui développent un véritable souci pour les idées sont donc obligés de créer des espaces qui vont au-delà de la "professionnalisation" ou lui échappent, c'est-à-dire échappent aux techniques de surveillance propres à la privatisation. Cela signifie concevoir une recherche qui requiert des groupes enjoués et des constellations de collaborations : non pas des congrégations d'individus calculant les coûts et bénéfices mais bien plutôt une fine érudition qui émerge grâce aux collaborations. Une fois encore, penser à partir des champignons peut être d'une aide précieuse.
p.409
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Nous sommes contaminés par nos rencontres: elles changent ce que nous sommes pendant que nous ouvrons la voie à d'autres. [...] Nous sommes tous porteurs d'une histoire de contamination; la pureté est impossible. Une des raisons de garder la précarité à l'esprit, c'est qu'elle nous rappelle que changer en fonction des circonstances est le terreau de la survie.
Mais qu'est-ce que survivre? Dans l'imaginaire populaire américain, survivre consiste à se sauver soi-même en repoussant tous les autres. [...] La "survie" est synonyme de conquête et d'expansion.
Ce n'est pas de cette manière que j'utiliserai ce terme. Je vous demande de faire l'effort de vous ouvrir à un autre usage. Dans ce livre, rester en vie, quelque soit l'espèce considérée, signifie que sont requises des collaborations viables. Collaborer implique que le travail collectif se réalise au delà des différences: ce qui constitue bien la marque de fabrication des contaminations. Sans collaborations, nous sommes tous morts.
p.66
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comment sortir dudit « Anthropocène » aussi vite que possible, avant que les conséquences en cascades de ce que nous avons appelé le « développement » ne détruisent irrémédiablement notre monde
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En France, ils ont deux choses : la liberté et le communisme. Aux États-Unis, il n'en ont qu'une : la liberté.
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[La minute de l'éditeur] Le Champignon de la fin du monde - A.L. Tsing
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