Bon, autant commencer par le commencement : j'ai rarement lu un bouquin aussi violent. Et pourtant vous parlez à une fan d'Easton Ellis et d'
Irvine Welsh. Violent parce que l'auteur sonde les tréfonds de la solitude face à la pornographie et s'adonne pour ce faire, à des descriptions à la limite de la gerbe. (A ne pas mettre entre toutes les mains donc, clairement.)
Mais c'est une écriture qui s'avère finalement indispensable pour décrire une Australie à la dérive, le cul entre deux décennies, qui ne fait aucune place aux « métèques », les personnes issues de l'immigration grecque et italienne, et qui donne naissance à des erreurs dans le genre de Tommy, conditionnées par un profond mal-être, par la violence et par la consommation facile et putride : télévision, alcool, drogue et sexe en solitaire. Parce que la pornographie ne se résume pas aux vidéos dans lesquelles Tommy s'anéantit, mais réside aussi dans la surenchère de faits divers décrits à la télé, dans les journaux, avec une complaisance insupportable, dans la junk-food avalée honteusement… le tout se superpose jusqu'à l'écoeurement, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien que le désespoir. C'est dans ces parallèles que l'auteur révèle à mon sens tout son talent.
La narration est particulièrement intéressante, à plusieurs voix : les histoires des frères Stefano s'enchainent : Dominic, Tommy et puis Luigi, le petit dernier, le seul qui dit « je » et peut-être l'unique espoir d'une famille grecque marquée par une étrange malédiction, perdue au beau milieu d'une Australie hostile.
Jesus man est une lecture éprouvante, crue, définitivement sombre et pessimiste dont on ne ressort pas indemne : et c'est tant mieux. Amateurs de réalisme insupportable mais utile, foncez.
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