Encore un triangle amoureux : Samir, Samuel et Nina. L'Arabe, le Juif et la Belle. Mais cette fois c'est à travers les enjeux du pouvoir et de la réussite, atouts maîtres du jeu social actuel, que se rejoue ce thème éternel de la littérature romanesque…Pour réussir, il faut tricher, avancer masqué, cacher ce que l'on est, s'inventer une vie…Le marqueur identitaire joue donc aussi à plein dans ces jeux de l'amour et du mensonge.
Samir Tahar, brillant avocat, ne parvient à décrocher un entretien d'embauche que le jour où il transforme son prénom de Samir en Sam... Cette tmèse signe son ascension sociale et professionnelle. Mais comme le dit un proverbe cité par le roman « Avec le mensonge, on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir ».
Menteur, Samuel l'est aussi : il se découvre enfant adopté de parents juifs orthodoxes, et après avoir renié ses parents et son éducation marquée par les valeurs du judaïsme, il bâtit son succès de romancier sur une judéité indûment revendiquée, et sur une position victimaire sensée lui attirer pitié et sympathie…
Quant à Nina, ballotée de l'un à l'autre, elle joue elle aussi des rôles : celui de la consolatrice auprès de Samuel, celui de la femme entretenue auprès de Samir.
La vérité viendra comme une déflagration ébranler tous ces édifices fragiles…
La faiblesse du livre vient de quelques tics d'écriture insupportables : celui de mettre systématiquement trois ou quatre synonymes séparés par des slashes en lieu et place du mot juste, et choisi …barrez la mention inutile ! Ou celui d'émailler le récit de notes en bas de pages concernant les personnages de troisième plan, comme pour accréditer l'authenticité de la fable romanesque.
Mais surtout, emportée par la matière même de son sujet , comme Pinocchio par ses affabulations, l'auteure passe les bornes…on se passerait vraiment de l'épisode Guantanamo- al Quaida, et consorts..
Autre faiblesse –et non la moindre- l'enjeu amoureux est vraiment maigre : Nina, objet des désirs de ces deux Machiavels du mensonge, n'a vraiment rien pour elle si ce n'est cette beauté extraordinaire…qui a fait d'elle Miss Castorama !!! Elle n'a ni personnalité, ni désir propre, se laisse manipuler par l'un puis par l'autre, pour échouer finalement dans un foyer pour femmes sans ressources.
Triste métaphore du livre : plein de promesses, qui se lit d'un trait, mais qui, une fois refermé , se révèle truqué/ fabriqué/ en toc (pour singer les tics d'écriture de
Karine Tuil).
le carrosse redevient citrouille, les princes charmants sont en paille et en fer-blanc comme dans le magicien d'Oz et la princesse s'habille chez Tati …J'aimais mieux dans son genre, le Bûcher des Vanités où la mécanique impitoyable de l'ascension et de la chute était diaboliquement et minutieusement démontée…Petites causes, grands effets. Chez
Karine Tuil, ce serait plutôt l'inverse…