Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, pour laquelle une connaissance superficielle de Batman et des Tortues Ninjas suffit à l'apprécier. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016, écrits par
James Tynion IV, dessinés et encrés par
Freddie Williams II, avec une mise en couleurs de Jeremy Colwell. Il se termine avec les 46 couvertures variantes et originales produites pour ces 6 épisodes.
À Gotham, un laboratoire de recherches travaillant sur un générateur nouvelle génération est attaqué par une horde de ninjas. Ces derniers sont contrés par 4 adeptes des arts martiaux portant chacun un masque de couleur différente. Quelques heures plus tard, Batman interroge une des laborantines sur un toit de Gotham, sans bien réussir à rétablir ce qui s'est passé. Non loin de là, un livreur de pizzas laisse un carton avec des pizzas sur un trottoir près d'une bouche d'égout, décontenancé par le lieu de livraison. Dans la Batcave, Batman explique à Alfred Pennyworth qu'il a identifié les types de technologie recherchés par les cambrioleurs et qu'il a amorcé un piège. Dans les égouts, Killer Croc (Waylon Jones) et une équipe progressent vers leur objectif : un autre laboratoire à cambrioler.
À partir de là, les choses se précipitent. Killer Croc et ses acolytes tombent sur la chambre des Tortues alors qu'elle est occupée. le piège mis en place par Batman fonctionne et il se retrouve face à une horde de ninjas lançant des shurikens, et à leur chef Shredder. Ces échauffourées se terminent rapidement, mais débouchent sur un face à face entre Batman et les 4 Tortues qui ne se comprennent pas du premier coup. de son côté, Shredder poursuit sa recherche de technologies qui lui permettraient de revenir dans son monde, avec l'aide d'Oswald Cobblepot (Penguin). Heureusement Maître Splinter a réussi à prendre un peu de recul sur la situation.
En découvrant une histoire consacrée à la rencontre entre Batman et les Tortues Ninjas, le lecteur a conscience qu'il s'agit d'un événement artificiel voulu et créé par les 2 éditeurs, DC Comics pour Batman et IDW pour les Tortues Ninjas. Il sait également que le récit devra respecter les règles clairement établies en la matière : pas de conséquence pour les personnages, un temps d'exposition égal pour Batman et pour les Tortues, la possibilité d'intégrer des personnages issus de chaque franchise au récit. Ayant intégré ces contraintes, le lecteur se demande ce que le scénariste pourra tirer de cette rencontre. Pour commencer,
James Tynion IV a construit une intrigue basique et facile à suivre. Par un concours de circonstances, les Teenage Mutant Ninja Turtles (en abrégé TMNT) se sont retrouvés avec leur ennemi et leur mentor à Gotham, et tout ce beau monde souhaite réintégrer son univers d'origine. Sur cette trame, il brode des intrigues secondaires, à commencer par la rencontre attendue entre les personnages, mais aussi sur le fait que Shredder n'est pas le dernier à saisir une opportunité. Ensuite, il exploite avec discernement les opportunités offertes par la possibilité de jouer avec d'autres personnages. Côté TMNT, il fait apparaître les 2 plus évidentes. Côté Batman, il situe une séquence dans l'asile d'Arkham, trop brève pour être satisfaisante.
Par contre, l'auteur a la bonne idée de mettre en scène Damian Wayne et le face à face avec les Tortues est assez savoureux. Tynion IV sait rendre compte de la personnalité des protagonistes au travers de leurs dialogues et de leurs attitudes. Batman est sombre et sérieux à souhait, Il est déterminé et focalisé. le scénariste n'oublie pas d'introduire un petit élément personnel qui évoque sa dimension tragique. Alfred est sarcastique et moqueur, sans rien perdre de sa compétence. Damian est fonceur et un peu insolent. de son côté, Maître Splinter est calme et posé, introverti et réflexif. Tynion IV tire parti de ce caractère pour le différencier de celui de Batman, et montrer que cela lui permet de comprendre des situations qui ne se résolvent pas par la force. Il en remontre ainsi en douceur au détective plus dans l'action qu'est Batman. Bien sûr les Tortues assurent le spectacle et vole la vedette dès qu'elles apparaissent.
Freddie Williams II capture parfaitement l'apparence massive des Tortues, ce qui les impose dans leur environnement, et leur confère une présence incontournable face à Batman. Il a choisi la version avec des masques de couleurs (chacun d'une forme différente), mais sans les lettres sur la boucle de ceinture. Il fait en sorte qu'ils sourient régulièrement pour montrer leur entrain allant de pair avec leur jeunesse. de son côté, le scénariste leur a conçu des scènes sur mesures : chamailleries entre Donatello et Raphael, Michaelangelo incapable de résister à une pizza (même en plein affrontement), Leonardo faisant la démonstration de sa technique d'arts martiaux face à Batman, les Tortues faisant la preuve de leur dextérité avec une manette de jeu vidéo, Raphael prônant l'offensive, etc. le familier des Tortues éprouve le plaisir de les voir correctement caractérisées, et bien mises en valeur. Dès leur première rencontre,
James Tynion IV a trouvé la bonne mesure pour que les personnalités de chacun s'expriment et qu'ils puissent coexister sans que l'un n'écrase l'autre.
La couverture montre que
Freddie Williams II maîtrise bien les postures iconiques des Tortues Ninjas. Il gère également avec aisance leur positionnement dans une même case, de manière à ce qu'elle n'ait pas l'air trop tassée, et que le lecteur puisse distinguer chacun, grâce à la couleur (et la forme) de son masque, mais aussi des lanières pour l'étui de son arme. Leur corps est vraiment massif et trapu, avec 3 doigts à chaque main, sans oublier leur carapace. Il n'y a que dans une séquence où il éprouve des difficultés à réconcilier leur épaisseur et un avaloir d'égout, le bras de Raphael semblant trop gros pour pouvoir passer par l'ouverture, pour récupérer la pizza laissée sur le trottoir. Il représente maître Splinter comme un rat anthropomorphe avec une fourrure et des incisives supérieures proéminentes, pour une apparence remarquable d'étrangeté (et lui a bien 4 doigts par main).
L'histoire se déroulant dans la continuité dite New 52, le dessinateur a opté pour une apparence de Batman découlant de celle établie par
David Finch, relativement sobre (si ce n'est pour la ceinture jaune), mais avec des cuisses énormes. Il est donc massif, mais pas trapu comme les Tortues, et son masque porte des oreilles courtes incurvées vers l'avant. Damian Wayne et Alfred Pennyworth ont des morphologies plus normales sans cette hypertrophie des cuisses. Par contre, Shredder souffre de la même déformation des cuisses. le temps d'une poignée de pages, l'artiste peut s'amuser à créer des croisements entre les supercriminels de Gotham et des animaux, pour des apparences très réussies dans leur mélange (en particulier un Penguin magnifique, et un Bane très réussi).
Conformément aux usages en vigueur dans les comics,
Freddie Williams II s'affranchit régulièrement de représenter les arrière-plans, en particulier lors des affrontements physiques. Par contre, il s'y investit dans les autres moments. le lecteur a donc le plaisir de pouvoir contempler une Batcave avec les gadgets habituels (trop cool un dinosaure, s'exclame Michaelangelo), des pièces luxueuses dans le manoir Wayne, 2 belles Batmobile, une belle vue aérienne du restaurant du Penguin (Iceberg Lounge), un portail magnifique de l'asile d'Arkham, des façades usées par le temps dans Gotham (dessinées à la manière de
Peter Laird &
Kevin Eastman), et le toit de l'immeuble du commissariat avec le bat-signal. Cet artiste est également chevronné dans l'art de positionner les personnages dans des postures iconiques, et dans la manière de donner de l'allant aux attaques. Il sait également retranscrire l'enchaînement de mouvements propres aux arts martiaux. Enfin, Jeremy Colwell effectue un travail de mise en couleurs consistant, en donnant plus de volume et de texture à chaque surface, en intégrant des effets spéciaux, et en transcrivant l'ambiance lumineuse particulière à chaque endroit.
Le tome se termine donc avec les nombreuses couvertures. Chaque épisode en bénéficiait d'au moins d'eux : une réalisée par
Freddie Williams II, et une autre par
Kevin Eastman (un des 2 cocréateurs des TMNT) et Tomi Varga. le lecteur découvre également celles réalisées par Rafael Alburqueque, Gabriele Dell'Otto,
Kenneth Rocafort,
Carlos d'Anda, Stanley Lau,
Neal Adams, David Wilkins,
Ivan Reis,
Tyler Kirkham, Eddie Nunez,
Cliff Chiang,
Michael Allred, et
Nick Dragotta. Il y a également 5 pages de crayonnés d'études préparatoires de
Freddie Williams II.
Comme il est de coutume dans les crossovers, celui-ci ne révolutionne ni le genre, ni les personnages.
James Tynion IV &
Freddie Williams II réalisent un bon travail qui met en avant les particularités de chaque personnage, avec un bon degré d'interaction, sur la base d'une intrigue simple et bien construite. 4 étoiles sans bouder son plaisir.