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3,85

sur 276 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Pour le dire le plus simplement possible, c'est l'histoire d'un polygame qui a une liaison". Mais comment Golden Richards, pilier de l'Eglise Mormone et à la tête d'une famille composée de 4 épouses et 28 enfants, s'est-il retrouvé dans une situation si inattendue ?

Il faut dire que Golden, depuis qu'il suit la voie du Principe de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a une vie bien ordonnée. Enfin, disons qu'elle est bien ordonnée par Beverly, qui, en sa qualité de première de ses épouses plurales, amène ses co-épouses à décider dans quelle maison il dormira, et auprès de qui, de ce qu'il mangera et où, quels travaux il devra effectuer en premier, auprès de quel enfant il passera quelques minutes... Golden s'est inventé une comptine pour se rappeler l'ordre de naissance et les prénoms de sa nombreuse progéniture. le reste du temps, en semaine, il profite de la liberté octroyée par son travail sur des chantiers et du confort relatif de sa caravane-dortoir.

Il est bien embêté pour expliquer à ses confrères mormons et à ses femmes sur quel type de chantier sur lequel il travaille actuellement... La conjoncture est difficile, et l'argent sur le compte en banque file vite, il a donc accepté de prendre en charge la construction de l'annexe d'un... bordel, tout en assurant à ses femmes et à ses condisciples du Principe qu'il s'agit d'un bâtiment qui accueillera des personnes âgées. Entre faux alibis et demi mensonges, la petite machine bien huilée de sa vie modèle est en train de s'enrouer...


Le polygame solitaire est un petit (enfin, un gros) bijou d'humour et d'émotion, avec une analyse fine et très juste des comportements et des sentiments humains.

Les évènements nous sont relatés par Golden, le "patriarche" sans peur et sans reproche par qui tout arrive, et nous découvrons son enfance, les retrouvailles avec son père Royal, sa rencontre avec la foi et avec Beverly, son désenchantement, sa solitude sentimentale également. Nous suivons également le parcours de Trish, la femme "numéro" quatre, jolie encore, qui n'accouche que d'enfants morts-nés et qui cherchait et pensait trouver la sérénité dans sa nouvelle famille. Enfin, nous découvrons également la vie dans cette communauté au travers du regard d'enfant rebelle de Rusty, qui en pince pour sa belle tante Trish et qui s'invente des histoires pour, enfin, être autre chose qu'un numéro dans une fratrie sans fin.

Pour ma part, j'ai appris pas mal de choses sur la vie des Mormons, leurs croyances, leurs rites, leurs difficultés à co-exister avec "le monde normal", quand les enfants vont à l'école par exemple. Je me suis prise d'affection pour... tous les personnages, tant ils sont humains et attachants (même le "dragon" Beverly !). Un des tours de force de Brady Udall est cette faculté d'amener le lecteur vers un drame dont on sent qu'il arrivera au travers d'évènements en cascade qui, paradoxalement, sont drôles voire désopilants.

Un autre point fort de ce livre est de montrer toutes les nuances que peut revêtir la solitude, la vrai, cette solitude intellectuelle et affective, que l'on peut tous ressentir à un moment ou à un autre, que l'on soit entouré ou pas. Je trouve également intéressant que, partant d'une situation "exceptionnelle", une famille Mormone, on puisse autant se reconnaitre dans les personnages ou les situations décrits, que ceux-ci soient si "normaux", ou en tout cas, communs.

Itinéraire d'un homme qui se cherche, ce livre est, comme son nom l'indique, tout en paradoxes, entre aspiration intellectuelle, spirituelle, affective, physique, besoin de reconnaissance, d'autonomie, d'accompagnement, analyse des rapports amoureux et familiaux, des modèles éducatifs, et toujours, le rire et l'émotion. Je ne peux que vous le conseiller, c'est magnifique !
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Pourquoi diable un homme aurait-il envie de devenir polygame ? Pour le sexe? Un des personnages réfute catégoriquement cette hypothèse (de fait, le héros n'a pas l'air de s'éclater prodigieusement) et en propose une autre: parce que les femmes comme il faut sont légion, contrairement aux hommes bien...
Ce livre insolent, généreux, hilarant et tragique est le grand roman des responsabilités. Et les mormons apparaissent comme le laboratoire idéal d'un refus collectif (quoique plutôt masculin) d’y faire face.
Déjà, c'est pratique: Dieu décide. Ensuite, c'est encore mieux, les femmes gèrent. Les hommes, délestés de la fatigue de choisir (ni leur vie puisque Dieu décide, ni leur épouse puisqu'ils peuvent les additionner, ni leur métier que la communauté valide), délestés également de la nécessité des multiples arbitrages de la vie quotidienne et familiale (domaine féminin) sont prêtres et puis voilà.
Mais parfois, ça dérape. Une enfant qui meurt, une entreprise qui bat de l'aile... Golden veut fuir l'impassibilité à laquelle le contraint son mode de vie. On n'embrasse pas son enfant quand on sait que 27 autres vont se précipiter pour obtenir la même faveur.
Fuyant l'impasse de l'impassibilité, Golden découvre le désir. Le sien. Celui des autres. Et ce n'est pas triste. Effrayé, infiniment reconnaissant quand il croit que Dieu lui sauve la mise avant de s'apercevoir que la situation ne fait qu'empirer (pour la plus grande joie du lecteur qui se hâte de se gausser, se doutant bien que la catastrophe arrive à grands pas), Golden se débat en toute ingénuité entre principes et libido. Aux maisons (il y en a presqu'autant que d'épouses), son émouvant et drôlissime fils Rusty cherche, lui aussi, à s'émanciper en faisant les 400 coups (et ultimus necat).
Et si tragédie il y a, Udall en exonère Dieu: l'homme est libre, donc responsable et éventuellement coupable. Les enfants qui meurent dans le ventre de leur mère, ou qui naissent lourdement handicapés ne sont pas des anges créés par une volonté divine incompréhensible : l'histoire se déroule 25 ans après les explosions atomiques expérimentées à ciel ouvert dans le désert du Montana. L'homme est libre, donc responsable, et il est comptable de de chaque radiation mortelle, de chaque femme frustrée et de chaque enfant rejeté. Qu'il cherche à le nier et à se délester de ce fardeau n'y change rien.
La fin du roman, douce-amère, annonce une nouvelle fuite en avant du héros qui achète un peu de répit avec encore plus de femmes et plus d'enfants et on ne voit pas ce qui pourrait empêcher un tome II assez rigoureusement identique au premier.
Lequel mérite qu'on s'y rue pour rire et pour pleurer - ou pas. Après tout, vous êtes libres.
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Arrêt sur image sur une bourgade perdue aux USA dans les années 70 où notre personnage principal, fidèle mormon malgré lui, pratique la polygamie.

4 femmes et 28 enfants, ça occupe ! Et Golden, pauvre diable pris en otage dans un écheveau de noeuds impossible à démêler, mène sa triste petite vie qu'il n'a pas choisie. Dès que l'occasion se présente, il fuit cette flopée de de conflits, de disputes, de drames et de malheurs.

Absent de corps et d'esprit, il va cumuler les gaffes et les complications. Plus il essaie de s'en sortir, plus il plonge tête la première dans l'incapacité à régler ses problèmes. Il a une tendance particulière à en acquérir de nouveaux. Il rêve d'évasion et néglige sa famille.

Le style est piquant mais tout de même crédible, comme un bonbon acidulé qui pique mais qu'on aime savourer.

Quelques personnages sortent du lot pour notre plus grand bonheur et ponctuent allègrement le château de cartes qui est devenue la vie de tous ces pauvres hères : Rusty, un enfant en manque d'amour et doté d'une imagination débordante. Incapable de dépasser ses colères et ses pulsions, il aura un destin tragique. L'épouse n° 4 qui se rebelle, conteste cette triste réalité et ose rêver d'une naissante histoire d'amour extra-conjugale est très touchante.

Brady Udall signe ce deuxième opus en maître incontesté du brossage de portraits décapants d'une société et d'un mode de vie à la dérive et au bord du cataclysme.

Humour et tendresse grincent de concert dans cette fable qui barde le réel de fantaisie et d'humour pour mieux le désamorcer.

Epoustouflant moment de lecture.

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J'avais beaucoup aimé le Destin miraculeux d'Edgar Mint de Brady Udall, et quand je suis tombée sur un autre pavé du même auteur, je n'ai pas résisté malgré l'épaisseur du livre ! le titre, un oxymore plein d'humour, le Polygame solitaire, a piqué ma curiosité. Dès les premières phrases, l'auteur nous dévoile ce dont il s'agit : « Pour le dire le plus simplement possible, c'est l'histoire d'un polygame qui a une liaison. Mais bien sûr, c'est beaucoup plus compliqué. La vie d'un polygame, même dépourvue de mensonges, de secrets et d'infidélités, est tout sauf simple. » Voilà donc l'histoire de Golden Richards, quarante-cinq ans, quatre femmes, vingt-huit enfants, trois maisons, entrepreneur en bâtiment dans le Middle-West, et dotée d'une embarrassante propension à laisser les autres décider pour lui.
***
En voyant le graphique proposant les prénoms des quatre femmes de Golden suivis de ceux de leurs enfants, j'en ai fait une photocopie. C'est tout à fait inutile : on repère très rapidement chacune des femmes et on ne suivra en détails que trois des enfants, essentiellement Rusty, un peu Faye et Glory. Brady Udall est lui-même issu d'une famille de mormons, mais pas des mormons polygames (son arrière-arrière-grand-père paternel l'était cependant). le roman est dédié à ses huit frères et soeurs et dans une intéressante interview donnée à bookbrowse (https://www.bookbrowse.com/author_interviews/full/index.cfm?author_number=792), il explique qu'il a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Rusty et qu'il y a transposé une part de ses difficultés à exister au sein d'une si grande fratrie. Pour écrire ce livre, l'auteur a dû se documenter sur la polygamie contemporaine qui, selon lui et l'intervieweur, semble exercer une certaine fascination sur les Américains. Pourquoi ? le sexe, répond-il brièvement…
***
Dans ce style de vie atypique, difficile à concevoir (pour moi), évoluent pourtant des personnages qui nous ressemblent beaucoup. Si le quotidien demande une gestion sans faille, celle d'une communauté plutôt que celle d'une famille classique, les relations humaines se révèlent remarquablement semblables. Comme dans le Destin miraculeux d'Edgar Mint, une très grande place est accordée à l'enfance et à ses traumatismes dont on ne se relève pas, ou alors bien mal, amputé d'une part de soi. C'est le cas de Golden, de ses quatre femmes, plus particulièrement Beverly et Trish, tous traînent leurs blessures et leurs carences dans leur vie d'adulte. C'est aussi le cas de Rusty qui, éperdu par son besoin d'amour et de reconnaissance, fait tout ce qu'il peut pour qu'on le considère, et obtient des résultats contraires à ce qu'il espérait. Il est beaucoup question de solitude. le titre nous invite déjà à réfléchir sur ce point, et le sujet est abordé sous plusieurs angles. Brady Udall aborde un douloureux sujet dont peu d'auteurs traitent : les essais nucléaires qui ont eu lieu dans le désert du Nevada et leurs conséquences sur la santé des habitants des États limitrophes. Je réalise que ce commentaire est assez sombre. le roman l'est parfois, mais il est toujours plein d'humour. J'ai beaucoup souri, mais j'ai aussi éclaté de rire (le chewing-gum !), et ça ne m'arrive pas si fréquemment en lisant… Un roman pareil, j'en redemande !
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Je ne connaissais ni le roman, ni l'auteur mais, les jours passant, je devais absolument lire un livre dont le nom de l'auteur commençait par U pour achever le challenge ABC de cette année !
Ayant beaucoup aimé le film le destin miraculeux d'Edgar Mint, j'empruntais à la bibliothèque le polygame solitaire.

Dès les premières pages, je sus que ça allait être un énorme coup de coeur ! Golden Richards, mormon polygame, est un personnage complexe, attachant, pudique, sensible, complètement dépassé par un coup de foudre, lui qui a déjà 4 épouses et 28 enfants.

La description de ce mode de vie, des relations intra-familiales est extraordinaire et on se laisse presqu'aller à comprendre les motivations de ces mormons restés attachés à la famille plurale, en dehors de toute légalité. On suit particulièrement, parmi tous les membres de cette immense famille, Trish, épouse numéro 4, à la maternité douloureuse qui a perdu deux enfants, éprise de Golden qu'elle doit partager, souffrant d'une solitude immense malgré la présence de ses soeurs-épouses.

Il y a Rusty, une dizaine d'années, surnommé le « terroriste de la famille », fils de la 3ème épouse, qui ne trouve pas sa place au sein de la fratrie et le manifeste par des comportements drôles mais inadaptés. L'enfant, rejeté par tous, trouve un peu de réconfort auprès de Trish et de son nouvel ami, June. Udall évoque avec beaucoup de talent les émois de l'enfant, son besoin de reconnaissance et d'attention ainsi que les pulsions vengeresses qui l'animent à l'égard de ses proches.


Comment peut-on être polygame, à la tête d'une si grande famille, et solitaire à la fois ? C'est bien la thématique du roman : chacun doit gérer ses frustrations, mettre en sommeil son individualité, ses désirs et attentes au profit du collectif qui toujours supplante la personne. Golden est écrasé par le poids des responsabilités : il doit subvenir aux besoins de sa famille plurale, contenter chacune de ses épouses, être un père attentionné pour ses enfants dont il se répète en litanie les prénoms quand il doit s'armer de courage. Jusqu'à la rencontre avec Houila, qui chamboule tout, qui l'amène à reconsidérer ses choix, à devoir arbitrer entre ses désirs individuels et la communauté - sa communauté.

Au coeur du roman, à la moitié, le récit de la mort de Glory, une des filles de Golden. de l'évitement initial lié aux malformations et troubles du développement de l'enfant, puis quand Beverly lui impose en douceur d'assumer l'accompagnement des soins, au déploiement d'une relation précieuse, de qualité avec la fillette très déficiente qu'il se prend à aimer peut-être plus ou mieux que les 27 autres. Magnifique passage de l'évocation du chagrin inconsolable d'un père, des manifestations de sa culpabilité insurmontable.

J'ai dévoré ces 700 pages dans lesquelles l'auteur excelle par les dialogues, les descriptions, les intitulés de chapitres à maintenir une vigilance chez ses lecteurs, à questionner leurs valeurs et leurs croyances. La polygamie ? Quelle horreur ! Et pourtant, ici, malgré les impasses (les enfants ne sont que des numéros, ils aspirent à avoir leur fête d'anniversaire, leurs vêtements, l'attention de leurs parents ; les épouses se languissent à attendre les faveurs de leur époux, leur tour pour bénéficier d'un peu d'affection …) ; les frustrations et souffrances de chacun des membres, le projet social est plutôt intéressant, pas si patriarcal au final : c'est bien Beverly, 1ère épouse, qui fixe les règles…

Je sors émue et enthousiaste de la lecture de ce roman ! Parce que la structure familiale décrite est éloignée de la nôtre, l'auteur vient interroger avec acuité nos certitudes, notre vision des relations conjugales, filiales. Avec beaucoup de délicatesse, de tendresse pour ces personnages Brady Udall nous entraîne dans une histoire rare et précieuse. Un grand roman, à ne pas louper.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
Challenge ABC 2020-2021

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Paradoxe non, d'être à la fois un polygame doté de quatre femmes et vingt huit enfants et d'être esseulé ? Pourtant c'est le cas de Golden devenu mormon un peu par hasard et qui se voit plus ou moins imposer tous les éléments de sa vie, son métier, ses femmes. A la tête d'une entreprise de bâtiment, il doit aller de plus en plus loin pour trouver des chantiers afin de pourvoir aux besoins essentiels de sa famille. Mais cela ne lui déplait pas tant que cela, il peut ainsi, lui, échapper à l'absence d'intimité, au bruit incessant, aux querelles au sein de sa nombreuse famille.
Ce qui ressort le plus dans ce roman est la quasi absence de libre arbitre. Les enfants ayant été élevés dans des familles polygames choisissent plus ou moins volontairement de rejoindre à leur tour une famille polygame ou de vivre dans une totale solitude. Golden, mari de quatres femmes, est réparti entre elles selon leurs règles, l'enfant surnommé ”le terroriste de la famille” ne peut s'empêcher d'agir de façon à exaspérer tout le monde…
En fait ce livre de plus de 700 pages qui m'a tout à fait absorbée, m'a surprise dans sa description d'une famille mormone. le père loin de régner sur sa famille est balloté, perdu, ne sait comment agir et réagir.
L'histoire, vue par différents membres de la famille, est prenante.
L'humour est très présent et je ne me suis pas ennuyée.
Je me suis demandé si l'auteur avait lui même été élevé dans une famille polygame ou s'il en connaissait de près. D'après l'interview (en anglais) lié à l'article de wikipédia, il a grandi dans une famille mormone de neuf enfants mais monogame. En revanche il a fait des séjours dans diverses familles polygames pour écrire ce second roman.


Challenge ABC 2016-2017
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Golden Richards est un père de famille nombreuse, en effet, il a 28 enfants de 4 femmes différentes...car Golden est polygame et cela n'a rien de facile à vivre dans l'Amérique d'aujourd'hui !
Entre les guerres domestiques que se livrent ses épouses et sa trop grande progéniture à élever, Golden voudrait bien un petit peu de sérénité !!!
Il compte donc sur son travail pour le « reposer » mais là aussi, tout se complique toujours quand Golden est là !
Car le chantier qu'il gère n'est pas du tout la construction d'une maison de retraite comme il l'a dit à toute sa famille, mais une maison close !

Ce « pavé » de plus de 700 pages devrait ravir les dévoreurs de livres car l'humour y est présent à chaque page.
L'auteur a su nous raconter le quotidien débordé de cet homme sincère, qui au fond, ne désire qu'une seule chose, une vie sereine et honnête.
Nous apprenons également à mieux connaître certaines de ses épouses et de ses enfants, leurs divers points de vue apportent alors un éclairage nouveau sur cette drôle de famille.
J'ai dévoré ce gros roman à toute vitesse, et j'étais presque triste de devoir tous les quitter.
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Avis chrono'

Un roman qui entérine une fois pour toute mon amour pour la littérature étasunienne! Une saga familiale d'une grande qualité littéraire, tendre et réaliste, qui aborde avec l'humour et la distance nécessaire le sujet de la polygamie telle que pratiquée par les fondamentalistes américains. Pour autant, l'intrigue ne se résume pas à cela... Une fois n'est pas coutume, je vous invite à lire l'intégralité de mon avis!

_____________

Existe-t-il des branches distinctes au sein de la littérature U.S.? Dont l'une porterait un écriteau "ici, tout ce que Sound aime" ? Je ne suis pourtant pas une adepte de la société américaine, mais dès qu'on quitte les grandes métropoles pour l'Ouest, je fonds. Je pense par exemple à Blessés de P. Everett, aux Nouvelles histoires du Wyoming, d'A. Proulx et maintenant au Polygame solitaire. Trois coups de coeur.
Nevada, Montana, Wyoming, Utah... J'ai vérifié sur une carte, c'est tout dans le même coin! Impossible d'y voir un hasard.

Brady Udall, c'est l'auteur du Destin miraculeux d'Edgar Mint, que je n'ai toujours pas lu, mais c'est tout comme. Depuis le temps qu'il est dans ma wish-list! On s'aime déjà profondément lui et moi, comme ça, à l'instinct, avant même de se connaître vraiment.

Le polygame solitaire, c'est Golden, le père d'une famille nombreuse, quatre femmes et vingt-huit enfants. Si j'ai bien compris, c'est une branche particulière des Mormons, qui pratique la polygamie, en dehors des lois américaines, bien sûr.
Ce que j'ai aimé, c'est que les pistes sont suffisamment brouillées pour qu'il me soit impossible de porter un jugement sur ce mode de vie, ou même de clairement savoir si l'idée était d'en donner une image positive ou négative. (Mais n'est ce pas cela, justement, le réalisme?)

Ce n'est surtout pas une ode à l'Amour, dégoulinante de religiosité. C'est acide et critique. Ce n'est pas non plus une défense de la toute puissance masculine et encore moins un récit graveleux dans lequel le mâle de la maison enchaîne les relations sexuelles en passant d'une chambre à l'autre.

A l'inverse, il ne s'agit pas non plus de célèbrer l'abandon de soi à la volonté divine et de s'appitoyer "Oh le pauvre mari malheureux de quatre femme, comme il souffre!".

C'est quelque chose entre les deux et j'aime que l'on évite à la fois le prosélytisme et le voyeurisme.

Golden n'est pas heureux, comme le titre le laisse entendre. Il erre un peu au sein de sa famille comme un fantôme. Il ne parvient pas à se partager entre tous et les disputes et les dissenssions sont légion. C'est un personnage passif, sans consistance, sans volonté.

Il n'est pas à l'honneur, dans le roman, et partage d'ailleurs la vedette avec quelques unes de ses femmes ou certains de ses enfants. Plusieurs chapitres sont décentrés et s'attachent à eux, aussi bien dans leur présent que dans leur passé. Et là encore, j'ai adoré cette façon (qui pour une fois ne m'a pas semblée artificielle) de nous promener dans les souvenirs des personnages, pour comprendre comment ils se sont formés, comment ils se sont retrouvés intégrés à cette famille hors-normes.

Tellement de thèmes sont abordés que je me sens incapable de les citer tous. Pourtant, aucun n'est balancé comme ça, n'importe comment. Tout est parfaitement cohérent, rattaché à l'intrigue principale.

Par exemple, l'un des thèmes secondaire les plus importants est celui des essais atomiques qui ont lieu dans le désert proche. C'est un motif qui traverse toute l'oeuvre, en semant ici ou là ses germes délétères: maladies, malformations, fausses-couches... Très bien fait, très touchant. Et pas "écolo à deux balles". Si seulement tout pouvait être dénoncé avec une telle diplomatie...

Il y a aussi le thème du deuil, particulièrement celui qui suit la mort d'un enfant.

Et puis Rusty, le garçon terrible de la famille, l'un des seuls qui n'est pas pour nous un numéro alors que paradoxalement il est le symbole dans le roman de l'enfant invisible qui ne reçoit pas assez d'amour et tente en multipliant les bêtises de se démarquer de ses trop nombreux frères et soeurs, sans y parvenir.

Le sexe aussi, s'il n'est que peu pratiqué dans le récit, est au coeur des interrogations. Avec l'amour.

Ajoutez encore des maisons pleines de gosses incontrôlables, des mexicains déjantés, un bordel, des explosifs, une autruche et des tonnes de sentiments très variés...

Ce roman est aussi triste que joyeux, rassurez-vous (j'ai déjà dit que c'était parfaitement équilibré, non?). La scène de la visite aux impôts, ou Golden doit justifier à une employée horrifiée que non, il n'y a pas d'erreur dans les dates de naissances de ses enfants, il y a en a bien trois de nés le même mois, mais pas le même jour... c'est amusant comme tout.

"Elle lui jeta un regard par dessus ses lunettes tandis que la vérité semblait se faire jour en elle: il n'était pas un de ces salauds qui ont eu seize enfants de femmes différentes et qui ont le culot inouï de les déclarer comme personnes à charge. Il était marié à toutes ces femmes. [...] C'était un de ces polygames!"

On devine, même si l'auteur ne s'y attarde pas, les relations difficiles de cette famille avec le reste de la société "normale", dans les précautions que prennent les enfants à l'école pour ne pas trop en dire sur leurs parents, ou Golden lui-même dans ses relations professionnelles.

J'ai été touchée par ce roman parce qu'il traite d'un thème qui m'est cher, celui de l'équilibre à trouver. C'est à mon sens un bel hommage aux concessions, aux petites organisations du quotidien, à la fragilité des relations humaines. Qu'est ce que c'est "aimer"? Comment aimer? Combien aimer?

La plus belle image, c'est Rusty qui la donne:

"Les anniversaires, comme tout au sein de cette famille, étaient une affaire compliquée. Ici, on était jamais libre. On aurait cru qu'ils étaient tous liés par un fil invisible, pensait Rusty, et quand une personne voulait faire une chose ou aller quelque part, elle tirait tout le monde de son côté, mais une autre essayait de faire autre chose ou d'aller autre part, et ainsi de suite jusqu'à ce que tout le monde s'emmêle, trébuche et se débatte comme une bande de singes dans un filet."

Golden ne sait pas plus comment gérer cette multitude d'identités distinctes et préfère ne plus essayer.

Conclusion:

Grand auteur et grand roman! Comme tout livre d'importance, il a soulevé en moi quantité de questions, auxquelles je n'ai pas encore vraiment répondu. La principale étant de savoir si ce mode de vie est considéré comme sectaire et si le roman en fait l'apologie.

Dernière qualité, non des moindres, c'est un énorme livre! 735 pages. Qu'est ce que ça fait du bien de lire des gros livres parfois. Ce qu'on perd en confort de lecture, on le regagne dix fois, puisqu'on peut faire durer le plaisir.

Est-ce que ça tente quelqu'un une pétition: Ne publions plus de livres de moins de 500 pages??

Lien : http://talememore.hautetfort..
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Je craignais qu'un livre de 750 pages parlant d'une famille polygame de 28 enfants souffre de longueurs et de complexité. Soyez rassurés, il n'en est rien, bien au contraire. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde et le scénario est parfaitement maîtrisé, bien que le flux ne soit pas toujours linéaire.
Brady Udall raconte cette histoire avec beaucoup d'humour et de tendresse et il ne détaille que certains personnages de la famille. Par contre, ceux-là, comme Golden, le père de famille et Rusty, le jeune fils turbulent, sont très bien analysés et sont très attachants.
Rusty est un jeune garçon qui se sent mal aimé, et cela se comprend dans cette famille où l'amour doit se partager. Il essaie donc d'attirer l'attention sur lui en cumulant les bêtises, quelquefois dangereuses.
Golden, le père, ne sait plus où il en est. Il n'a jamais su prendre une décision. C'est sa première femme qui régit toute la maisonnée. Après le décès de Glory, une de ses filles lourdement handicapée, il est déstabilisé car il avait fini par adorer cette jeune enfant. Il se sent responsable de cet accident et de son handicap, sûrement causé par sa contamination lors d'essais nucléaires dans la région.Il s'isole et s'enferme dans les mensonges successifs pour retrouver un peu de liberté et d'émotions.
Outre l'originalité de ce type de famille qui vit sous les bases du Principe (fondamentalistes), les situations sont souvent cocasses. J'ai fini par comprendre ce qui pouvait pousser des femmes à vivre ainsi. L'amour est infini et peut se partager. Ce qui est certain, c'est qu'elles sont toujours occupées et qu'elles ont toujours quelqu'un à qui se confier.C'est une communauté avec ses joies et ses peines, ses jalousies et ses amitiés mais c'est une famille rassurante.
C'est un roman drôle, original et émouvant et j'ai adoré passer autant de pages avec cette famille.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Superbe saga familiale sur une seule génération ! Bah oui, une seule génération suffit pour faire une saga familiale quand la famille est composée d'un père, de quatre épouses et de vingt-huit enfants ! le zoom est mis tour à tour sur le père : lâche, incapable de prendre une décision, se laissant porter par le courant, mais attendrissant tout de même quand il parle de sa fille Glory, handicapée et décédée suite à un accident ; la quatrième épouse, Trish, désespérée de ne pouvoir donner d'enfant à Golden ; et enfin, Rusty, 11 ans, fils n°5, surnommé "le terroriste de la famille", tellement avide d'amour et d'attention qu'il ne peut être heureux dans une famille polygame où l'on doit tout partager : l'espace, sa mère, à plus forte raison, son père... Il y a beaucoup d'humour, grâce à quelques situations inattendues et frôlant l'absurde. La narration n'est pas chronologique, on revient sur le passé de Golden, son enfance, le départ de son père Royal, sur sa rencontre avec Beverly, la première épouse... Mais le récit est très bien maîtrisé et l'écriture vive de Brady Udall maintient notre plaisir et notre intérêt tout au long de ses 700 et quelques pages. Je suis presque triste de devoir quitter la famille Richards ! (juin 2011)
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