Je suis douée d'une extraordinaire capacité à cloisonner mes émotions. D'aucuns appellent ça du déni ; je crois quant à moi qu'il faut un certain talent pour pouvoir mettre de côté ce qui nous déplaît afin de passer à autre chose.
Si on vous laisse seul avec vos pensées dans une pièce inhospitalière, sans rien pour distraire l'attention, c'est pour vous forcer à réfléchir. A vous demander pourquoi vous vous retrouvez là, ce que vous savez ou ce que vous avez fait. Et aussi ce que eux peuvent bien savoir. Le but est de vous mettre dans un tel état d'inquiétude ou d'angoisse que, au moment où ils reviendront vous voir, vous ressentiez le besoin de vous confesser.
Si vous persistez à vouloir déterrer le passé, il refusera de se laisser enfouir de nouveau.
Un enfant offensé par l'un de ses parents attend toute sa vie qu'on reconnaisse le mal qu'on lui a fait, la véracité de sa douleur, qu'on lui présente des excuses et qu'on essaie de se racheter auprès de lui. Si personne ne reconnaît le passé, l'enfant attend toute sa vie, incapable d'avancer, incapable de pardonner. De cette impuissance naît une rage destructrice.
La lèvre inférieure du barman disparaissait entièrement sous une rangée d'anneaux en argent. C'était affreux. J'ai tendance à ne pas faire confiance aux gens qui se piercent dans des endroits sensibles. La vie n'apporte-t-elle pas son lot de douleurs ? Ne laisse-t-elle pas suffisamment de cicatrices ?
La dépression, ça n'a rien de dramatique, mais c'est absolu. ça a un côté sournois - au début, vous ne remarquez presque rien. Tel un monte-en-l'air, elle s'introduit chez vous par une fenêtre ouverte pendant votre sommeil. Elle vous dérobe d'abord des babioles : votre appétit, votre envie de rappeler les gens. Puis elle revient récupérer le pactole, par exemple, votre envie de vivre. Un beau matin, sans comprendre comment, vous vous réveillez avec deux boulets attachés aux chevilles. Soudain votre vie n'a plus de couleur, plus rien qui brille, rien de joli. Ce qui vous faisait rire vous semble factice et ennuyeux comme la pluie.
Suffisamment impliquée pour faire exister la relation mais suffisamment à l'écart pour y voir quelque chose. Peut-être que les gens s'en rendent compte, s'aperçoivent que je garde toujours mes distances, même inconsciemment.
Nous ne choisissons pas toujours ce qui nous arrive, ni d’où on vient, mais nous choisissons bel et bien de réagir de telle ou telle manière aux évènements qui surviennent dans notre vie. Nous choisissons d’être anéantis ou de nous assagir.
Les sirènes de New York et celles de Londres sont radicalement différentes. Celles de Londres, avec leurs modulations croissantes et décroissantes, sont bien plus courtoises. "Attention, on arrive", semblent-elles avertir, "prière de nous laisser passer". Les sirènes de New York, elles, insistent, avec un culot pas possible. "Mais qu'est-ce que vous foutez, encore là ?" hurlent-elles. "Barrez-vous du passage, vous voyez pas que c'est une urgence ?" Quand vous vivez à New York, le son de ces sirènes résonne constamment à la périphérique de votre conscience. Ambulances, camions de pompiers, voitures de police - c'est à croire qu'il y a toujours quelqu'un en danger dans cette ville, et toujours quelqu'un prêt à porter secours. On ne l'entend plus, à la longue, ça fait partie de la musique de la ville.
Les sirènes de Londres sont lugubres. "Quelque chose de terrible vient de se produire et nous allons tenter de réagir au mieux, mais il est probablement trop tard". Alors que celles de New York clament effrontément qu'elles peuvent sauver le monde.
Ils firent pivoter mon fauteuil et, en levant la tête vers eux, je vis qu'ils portaient des cagoules de ski noires. C'était une vision cauchemardesque, une expérience que je ne souhaite à personne. Le mec qui a inventé les cagoules de ski pensait à tout sauf au ski, c'est pas possible. C'est macabre comme objet, c'est fait pour filer la trouille.