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EAN : 978B0000DVSSB
292 pages
Flammarion (30/11/-1)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Flammarion - 1973
Traduit de l'italien par Giancarla Arfeuillere.

"Enquête effectuée au cours de 600 confessions pour connaitre la position actuelle de l'église catholique sur les rapports prénuptiaux et extra-conjugaux, la limite permise des ébats amoureux entre conjoints, le plaisir solitaire et le contrôle des naissances".
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre date de 1973, au milieu du pontificat de Paul VI, cinq ans après mai 68 et cinq ans après la chape de plomb de l'encyclique Humanae vitae de juillet 1968, interdisant la contraception, mais curieusement, la lecture de ces témoignages humains est encore plus enrichissante et instructive en 2018, avec le recul, qu'à l'époque.
En 1966, un article de l'hebdomadaire Témoignage chrétien cité en p. 14, révélait que 83% des péchés confessés relevaient du sexe, obsession enfoncée dans la tête des fidèles, qu'on ne retrouve pas dans les évangiles, et qui est à la base de l'enquête faite par les auteurs.
Ceux-ci ont enregistré dans toute l'Italie, au magnétophone, 636 confessions (477 femmes et 159 hommes, respectant le fait que les ¾ des personnes qui se confessent sont des femmes). Pour obtenir un reflet objectif de la réalité, les confessions ont été enregistrées à l'insu du prêtre, et portaient sur les relations sexuelles avant le mariage, les pratiques permises aux fiancés et aux époux, les rapports hors mariage, la masturbation, la limitation des naissances et la situation des divorcés vivant une nouvelle relation. Il ne fut question ni de l'IVG ni de l'homosexualité. C'est donc la voix de la base de l'Eglise, celle qui est au contact direct des fidèles au quotidien et leur façonne leur conception de la religion.
J'ai trouvé ce livre capital pour la compréhension de l'évolution de la société, des conséquences psychologiques et sociales des règles auxquelles beaucoup de nos parents et grands-parents ont cru devoir se soumettre par peur de l'enfer ou des convenances, et qu'ils ont parfois cru devoir transmettre. Cela éclaire aussi tout un pan de la littérature, et l'exorbitant pouvoir des prêtres d'avoir le droit absolu d'accepter ou de refuser l'absolution.
Les auteurs rappellent (p. 283) qu'on ne trouve de traces de pénitence ecclésiastique qu'à partir de l'an 589 et que le confessionnal ne date que du XVIIIème siècle. Quant au péché, il leur semble nécessaire à l'Eglise parce qu'il lui donne sa raison d'être (p. 285) alors que certains théologiens préfèrent une morale positive, une morale de la personne sans automatisme et fondé sur la conscience (p. 286).
Comme on peut s'y attendre, beaucoup de confesseurs de cette enquête sociologique – l'immense majorité – ont encore en 1973 une position rigide, intolérante, inhumaine, donc opposée à la compréhension manifestée par Jésus, par exemple envers la femme adultère. La majorité a condamné les personnes sans tenir compte du vécu individuel, et leur a refusé l'absolution, les condamnant donc à l'enfer éternel en cas de décès, non sans réaction de leur part (p. 274 : «L'Eglise qui codifie de telles situations, absurdes sur le plan humain et social, ne peut pas être une Eglise juste»).
Quelques confesseurs, plus compréhensifs, accordaient l'absolution en demandant aux couples non mariés d'aller communier discrètement dans une paroisse éloignée «où on ne vous connait pas» (p. 268, Pistoia) pour éviter le «scandale» (p. 271, Foggia – «Les personnes qui te connaissent, qui sont au courant de ta situation familiale, ne doivent pas te voir confesser, communier... Aussitôt, ils se retourneraient contre nous, pauvres prêtres, qui au contraire nous efforçons à comprendre les gens avant de les juger».
Plusieurs confesseurs trahissent leur malaise en disant que comme hommes, ils comprenaient mais que comme prêtres, ils n'en avaient pas le droit (p. 123, Venise - p. 230, Palerme et p. 237, Rome : «Je peux très bien l'admettre, mais ce ne sera jamais admis»). Quelques-uns avaient heureusement une écoute réellement réceptive et humaine, et approuvaient même des couples reconstitués que la majorité des confesseurs condamnait à l'abstinence totale et au recours à la «prière, au sacrifice aimé de Dieu, et à la volonté de dominer les sens»: (Rome, p. 88 «Il n'y a pas de différence devant Dieu, entre vous deux et deux personnes légalement mariées... Dieu est avec vous». – p. 268-270, Pistoia – «Et moi, je devrais troubler cette sérénité ? Certainement pas... je pense ne pas devoir troubler cet équilibre... Seul Dieu peut juger... n'aies pas de crainte, continue de vivre avec cette femme».
Curieusement la fréquentation des prostituées était parfois suggérée comme alternative préférable à la sexualité hors mariage (p. 65, Bolzano : «Et Dieu l'approuve-t-il - Dans ce cas-là, il ferme les yeux» - p. 79, Salerne : «Si l'on ne peut pas s'en passer,... le péché avec une mauvaise femme est sans doute moindre que l'offense » à sa fiancée» - p. 96, Milan : «Il y a d'autres moyens... les femmes des quartiers réservés»).
Une réflexion-type du refus de prendre la réalité en considération est: «Si on ouvrait les digues, tout le monde en profiterait» (p. 36, confesseur de Modène). Réponse cinglante du pénitent : «Le Dieu en qui je crois a davantage le respect de l'homme».
Les «pénitents» n'ont pas manqué de souligner une sorte de loterie, vu la grande diversité des réactions des confesseurs les rejetant ou non de l'Eglise suivant le hasard des circonstances, les bandes magnétiques révélant des voix dures, modérées, embarrassées, obsédées, émues, mais «très peu de voix compréhensives, à la hauteur de notre époque» (p. 287), «beaucoup de ces règles prétendument d'origine divine et donc immuables sont en fait d'origine ecclésiastique et donc révisables... malheureusement, à l'intérieur du confessionnal on ne trouve que de très légères traces de cette évolution» (p. 288).
L'enquête montre le désarroi des confesseurs, l'impossibilité de la majorité d'entre eux à trouver des solutions humaines, admises par la hiérarchie, aux questions posées, ne pouvant prendre de recul par rapport aux règles qu'on leur avait enseignées et qui ne souffriraient aucune relativité. On se prend même de pitié pour ces prêtres confrontés à des situations impossibles qui les dépassent et qui se raccrochent à la règle comme le naufragé à une planche, ou qui se montrent sans courage défaitistes, et prisonniers de la hiérarchie qui pense pour eux, et d'une mentalité qui avait cours lors d'une période révolue (p. 282 – «Que voulez-vous que je vous dise» «C'est la loi, et je ne puis la changer»).
Tous les confesseurs interdisaient les relations avant le mariage et seuls 14% admettaient les caresses, à condition qu'elles n'aillent pas trop loin. 8 confesseurs sur 116 seulement accordaient l'absolution à des fiancés qui avaient des relations sexuelles et refusaient d'y renoncer, les autres ordonnant de cesser ces relations, sous peine d'enfer (p. 60). Pour un confesseur de Florence, «vous n'aurez peut-être pas d'enfants, justement pour vous punir» (p. 70). Réflexion du pénitent : «Si les moralistes avaient eu une femme, ils n'auraient pas fixé autant de restriction à la morale» (p. 72). Les auteurs citent plusieurs théologiens en avance sur ces confesseurs comme le bénédictin Charles Morandin pour qui il faut juger «de façon neuve les rapports prématrimoniaux. Jusqu'ici, les manifestations affectives entre fiancés étaient permises à condition de ne pas arriver au rapport sexuel complet. Pourquoi cette exclusion» ?
Les confesseurs - frustrés de sexe – compensent parfois par une curiosité morbide pour les détails qui choquent les pénitents car «Combien de fois» et «Comment» sont nécessaires pour évaluer la faute. (p. 114, Naples : «Vous caressez-vous avec les mains ou utilisez-vous d'autres moyens»? - p. 153, Naples : «Employez-vous... une glace » ? – p. 172, San Remo - «Que préférez-vous, le vagin ou le derrière» ? – p. 242, Palerme - «Combien de fois la première nuit» ? L'histoire ne dit pas s'ils se confessent pour cette forme de voyeurisme.
Pour les femmes seules d'âge moyen, veuves ou célibataires, sur 96 confesseurs, 60 n'admettent qu'une absolue chasteté et 36 essaient de comprendre (p. 108, San Remo, «Le Seigneur, si bon et si miséricordieux, ne peut me condamner – Si, il vous condamne» - p. 131, Agrigente – «Quelque chose se prépare. Espérons que ce sera réalisé... Il y a des situations vraiment pénibles devant lesquelles même le confesseur ne sait pas quoi dire... Faites ce que vous croyez le mieux... c'est le Seigneur qui juge d'après les intentions, et pas d'après les faits» - p. 139, Rome – «Je vous donne l'absolution, car de toutes façons... après, c'est Dieu qui décidera») – p. 256, Gênes «Demandez directement à Dieu qu'il bénisse votre nouvelle union» - p. 263, Pistoia – «Peut-être que Dieu vous comprend mieux que nous autres, les hommes. Nous vous condamnons suivant les principes de la loi morale telle que nous la connaissons... donc les hommes peuvent vous condamner, mais il se peut que Dieu ne vous condamne pas».
Malgré les risques de surpopulation, la doctrine de l'Eglise est toujours d'avoir le plus possible d'enfants. Pour 32 confessions sur 104, seule la méthode Ogino ou la chasteté sont légitimes pour limiter les naissances, quelle que soit la situation (p. 217, Bologne – «Je voulais savoir vos arguments pour justifier que deux époux en soient réduits à cette alternative : ou bien avoir des dizaines d'enfants ou ne plus faire l'amour»). Ici aussi, les auteurs apportent le témoignage d'un théologien plus ouvert, le père Valsecchi (p. 222).
Sur 123 cas de familles recomposées, 21 confesseurs ont fermé les yeux et accordé l'absolution. Pour les autres, l'immense majorité, la solution absurde est du style «rompre ta liaison actuelle et tout recommencer avec ton mari» (p. 227, Palerme), même quand le mari est remarié et que le premier mariage a été un échec complet.
Les auteurs réfutent (p. 11) l'idée qu'il existerait une vérité absolue, définie une fois pour toute, et pour toutes les époques.
Ils montrent le décalage énorme entre l'idéologie officielle et la réalité, ainsi que certaines contradictions de l'Eglise. Certains pénitents font état de l'évolution de celle-ci qui interdisait autrefois le baiser entre fiancés («Tant de lois qui autrefois étaient attribuées à Dieu», p. 47), se heurtant aux confesseurs proclamant que les lois morales sont intangibles car reçues de Dieu, lequel n'a pourtant jamais eu l'occasion de se prononcer sur la pilule. On admire d'autant plus les confesseurs qui renoncent à culpabiliser leurs ouailles et qui cherchent à les comprendre.
La situation de 2018 n'est plus celle de 1973 et l'Eglise en paie le prix fort. Elle est faite d'hommes comme les autres, tributaires des préjugés ambiants dont elle tarde à interroger la compatibilité avec la règle première de l'Evangile «Vous serez jugés sur l'amour».
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