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Citations sur L'Enfant (145)

J'ai le respect du pain.
Un jour je jetais une croûte, mon père est allé la ramasser. Il ne m'a pas parlé durement comme il le fait toujours.

«Mon enfant, m'a-t-il dit, il ne faut pas jeter le pain; c'est dur à gagner. Nous n'en avons pas trop pour nous, mais si nous en avions trop, il faudrait le donner aux pauvres. Tu en manqueras peut-être un jour, et tu verras ce qu'il vaut. Rappelle-toi ce que je te dis là, mon enfant!»
Je ne l'ai jamais oublié.

Cette observation, qui, pour la première fois peut-être dans ma vie de jeunesse, me fut faite sans colère, mais avec dignité, me pénétra jusqu'au fond de l'âme; et j'ai eu le respect du pain depuis lors.

Les moissons m'ont été sacrées, je n'ai jamais écrasé une gerbe, pour aller cueillir un coquelicot ou un bluet; jamais je n'ai tué sur sa tige la fleur du pain!

Ce qu'il me dit des pauvres me saisit aussi et je dois peut-être à ces paroles, prononcées simplement ce jour-là, d'avoir toujours eu le respect, et toujours pris la défense de ceux qui ont faim.
«Tu verras ce qu'il vaut. »
Je l'ai vu.
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Je vais toujours rôder dans une écurie, qui est près de chez nous, et où je connais des palefreniers, avant d'entrer en classe, et je n'ai pas seulement du crottin aux pieds, j'en dois avoir aussi dans mes livres.
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Fainéant !—Parce que, dans le silence glacial de la maison, ce travail de bachot et cet acharnement sur les morts m'ennuient, parce que je trouve les batailles des Romains moins dures que les miennes, et que je me sens plus triste que Coriolan! Oh! il ne faut pas qu'il m'appelle fainéant!
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C'est que je sors du pays du charbon avec ses usines aux pieds sales, ses fourneaux au dos triste, les rouleaux de fumée, la crasse des mines, un horizon à couper au couteau, à nettoyer à coups de balai...
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C'est qu'il m'est égal de regarder des jouets, si je n'ai pas le droit de les prendre et d'en faire ce que je veux ; de les découdre et de les casser, de souffler dedans et de marcher dessus, si ça m'amuse…
Je ne les aime que s'ils sont à moi, et je ne les aime pas s'ils sont à ma mère.
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Mon père, qui n'est pas domestique, ménage, avec des frissonnements qui font mal, un pantalon de casimir noir, qui a avalé déjà dix écheveaux de fil, tué vingt aiguilles, mais qui reste grêlé, fragile et mou!
À peine il peut se baisser, à peine pourra-t-il saluer demain…
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Ah oui! je préférerais des sabots! j'aime encore mieux l'odeur de Florimond le laboureur que celle de M. Sother, le professeur de huitième; j'aime mieux faire des paquets de foin que lire ma grammaire, et rôder dans l'étable que traîner dans l'étude.
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Je maudis l’oignon…

Tous les mardis et vendredis, on mange du hachis aux oignons, et pendant sept ans je n’ai pas pu manger de hachis aux oignons sans être malade.

J’ai le dégoût de ce légume.

Comme un riche ! mon Dieu, oui ! — Espèce de petit orgueilleux, je me permettais de ne pas aimer ceci, cela, de rechigner quand on me donnait quelque chose qui ne me plaisait pas. Je m’écoutais, je me sentais surtout, et l’odeur de l’oignon me soulevait le cœur, — ce que j’appelais mon cœur, comprenons-nous bien ; car je ne sais pas si les pauvres ont le droit d’avoir un cœur.

« Il faut se forcer, criait ma mère. Tu le fais exprès, ajoutait-elle comme toujours. »

C’était le grand mot. « Tu le fais exprès ! »

Elle fut courageuse heureusement ; elle tint bon, et au bout de cinq ans, quand j’entrai en troisième, je pouvais manger du hachis aux oignons. Elle m’avait montré par là qu’on vient à bout de tout, que la volonté est la grande maîtresse.

Dès que je pus manger du hachis aux oignons sans être malade, elle n’en fit plus : à quoi bon ? c’était aussi cher qu’autre chose et ça empoisonnait. Il suffisait que sa méthode eût triomphé, — et plus tard, dans la vie, quand une difficulté se levait devant moi, elle disait :

« Jacques, souviens-toi du hachis aux oignons. Pendant cinq ans tu l’as vomi et au bout de cinq ans tu pouvais le garder. Souviens-toi, Jacques ! »

Et je me souvenais trop.

J’aimais les poireaux.

Que voulez-vous ? — Je haïssais l’oignon, j’aimais les poireaux. On me les arrachait de la bouche, comme on arrache un pistolet des mains d’un criminel, comme on enlève la coupe de poison à un malheureux qui veut se suicider.

« Pourquoi ne pourrais-je pas en manger ? demandai-je en pleurant.

- Parce que tu les aimes », répondait cette femme pleine de bon sens, et qui ne voulait pas que son fils eût de passions.

Tu mangeras de l’oignon, parce qu’il te fait mal, tu ne mangeras pas de poireaux, parce que tu les adores.

« Aimes-tu les lentilles ?

- Je ne sais pas… »

Il était dangereux de s’engager, et je ne me prononçais plus qu’après réflexion, en ayant tout balancé.

Jacques, tu mens !

Tu dis que ta mère t’oblige à ne pas manger ce que tu aimes.

Tu aimes le gigot, Jacques.

Est-ce que ta mère t’en prive ?

Ta mère en fait cuire un le dimanche. — On t’en donne.

Elle en mange froid le lundi. — T’en refuse-t-on ?

On le fait revenir aux oignons le mardi — le jour des oignons c’est sacré — tu en as deux portions au lieu d’une.

Et le mercredi, Jacques ! qui est-ce qui se sacrifie, le mercredi, pour son fils ? Le jeudi, qui est-ce qui laisse tout le gigot à son enfant ? Qui ? parle !

C’est ta mère — comme le pélican blanc ! Tu le finis le gigot — à toi l’honneur !

« Décrotte l’os ! ce n’est pas moi qui t’empêcherai d’en manger, va ! »

Entends-tu, c’est ta mère qui te crie de ne pas avoir de scrupules, d’en prendre à ta faim, elle ne veut pas borner ton appétit… « Tu es libre, il en reste encore, ne te gêne pas ! »

Mais Dieu se reposa le septième jour ! voilà huit fois que j’en mange ! J’ai un mouton qui bêle dans l’estomac : grâce, pitié !

Non, pas de grâce, pas de pitié. Tu aimes le gigot, tu en mangeras.

« As-tu dit que tu l’aimais ?

- Je l’ai dit, lundi…

- Et tu te contredis samedi ! mets du vinaigre, — allons, la dernière bouchée ! J’espère que tu t’es régalé ?… »

C’est que c’est vrai ! On achetait un gigot au commencement du mois, quand mon père touchait ses appointements. Ils en mangeaient deux fois ; je devais finir le reste — en salade, à la sauce, en hachis, en boulettes ; on faisait tout pour masquer cette lugubre monotonie ; mais à la fin, je me sentais devenir brebis, j’avais des bêlements et je pétaradais quand on faisait : prou, prou.
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Je reste quelquefois longtemps sans la voir, elle garde la maison au village, puis elle arrive tout d'un coup, un matin, comme une bouffée. "C'est moi, dit-elle, je viens te chercher pour t'emmener chez nous! Si tu veux venir!"
Elle m'embrasse! Je frotte mon museau contre ses joues roses, et je le plonge dans son cou blanc, je le laisse traîner sur sa gorge veinée de bleu!
Toujours cette odeur de framboise.
Elle me renvoie, et je cours ramasser mes hardes et changer de chemise.
Je mets une cravate verte et je vole à ma mère de la pommade pour sentir bon, moi aussi, et pour qu'elle mette sa tête sur mes cheveux!
Mon paquet est fait, je suis graissé et cravaté: mais je me retrouve tout laid en me regardant dans le miroir, et je m'ébouriffe de nouveau! Je tasse ma cravate au fond de ma poche, et, le col ouvert, la casquette tombante, je cours avoir un baiser encore. Ça me chatouillait; je ne lui disais pas.
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"Serre, je te dis! Serre-moi plus fort!"
Et je la serre sous son fichu peint semé de petites fleurs comme des hannetons d'or, je sens la tiédeur de sa peau, je presse le doux de sa chair. Il me semble que cette chair se raffermit sous mes doigts qui s'appuient, et tout à l'heure, quand elle m'a regardé en tournant la tête, les lèvres ouvertes et le cou rengorgé, le sang m'est monté au crâne, a grillé mes cheveux.
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