Citations sur L'Enfant (144)
C’était de voir qu’ils étaient des simples comme mes grands-parents, et qu’ils avaient les mains couturées comme mes oncles ; c’était de voir les femmes qui ressemblaient aux pauvresses à qui nous donnions un sou dans la rue, et d’apercevoir avec elles des enfants qu’elles traînaient par le poignet ; c’était de les entendre parler comme tout le monde, comme le père Fabre, comme la mère Vincent, comme moi ; c’était cela qui me faisait quelque chose et me remuait de la plante des pieds à la racine des cheveux.
Le geôlier, en sa qualité de voisin, est un ami de la maison ; il vient de temps en temps manger la soupe chez les gens d’en bas, et nous sommes camarades, son fils et moi. Il m’emmène quelquefois à la prison, parce que c’est plus gai.
Ai-je été nourri par ma mère ? Est-ce une paysanne qui m’a donné son lait ? Je n’en sais rien. Quel que soit le sein que j’ai mordu, je ne me rappelle pas une caresse du temps où j’étais tout petit ; je n’ai pas été dorloté, tapoté, baisotté ; j’ai été beaucoup fouetté.
Puis je sentais bien que cela faisait plaisir à ma mère de me faire du mal ; qu'elle avait besoin de mouvement et pouvait se payer de la gymnastique sans aller au gymnase
C'était de voir qu'ils étaient des simples comme mes grands-parents, et qu'ils avaient les mains couturées comme mes oncles ; c'était de voir les femmes qui ressemblaient aux pauvresses à qui nous donnions un sou dans la rue, et d'apercevoir avec elles des enfants qu'elles traînaient par le poignet ; c'était de les entendre parler comme tout le monde, comme le père Fabre, comme la mère Vincent, comme moi ; c'était cela qui me faisait quelque chose et me remuait de la plante des pieds à la racine des cheveux.
Il a toujours été question de pauvreté autour de moi ; mon père a été humilié parce qu’il était pauvre, je l’ai été aussi, et voilà qu’au lieu des discours de Caton, de Cicéron, des gens en o, onis, us, i, orum, je vois qu’on se réunit sur la place publique pour discuter la misère, et demander du travail ou la mort." ( P282)
Je ne sais pas ce que c’est que la liberté, moi, ni ce que c’est que la patrie. J’ai été toujours fouetté, giflé, — voilà pour la liberté ; — pour la patrie, je ne connais que notre appartement où je m’embête, et les champs où je me plais, mais où je ne vais pas.
Je me moque de la Grèce et de l’Italie, du Tibre et de l’Eurotas. J’aime mieux le ruisseau de Farreyrolles, la bouse des vaches, le crottin des chevaux, et ramasser des pissenlits pour faire de la salade. ( P 227)
D’abord, je gâche trois feuilles de papier à compliments : j’ai beau tirer la langue, et la remuer, et la crisper en faisant mes majuscules, j’éborgne les o, j’emplis d’encre la queue des g, et je fais chaque fois un pâté sur le mot « allégresse ». J’en suis pour une série de taloches. Ah ! elle me coûte gros, la fête de mon père !
Enfin, je parviens à faire tenir entre les filets d’or teintés de violet et portés par des colombes, quelques phrases qui ont l’air d’ivrognes, tant les mots diffèrent d’attitudes, grâce aux haltes que j’ai faites à chaque syllabe pour les fioner !
Ma mère se résigne et décide qu’on ne peut pas se ruiner en mains de papier ; je signe — encore un pâté — encore une claque. — C’est fini ! (P 70)
Il me semble qu'il me restera toujours, de ma vie d'enfant, des trous de mélancolie et des plaies sensibles dans le coeur!
Ils ne savent pas que la vie m'embête, qu'un duel est comme un paletot neuf non choisi par ma mère, que c'est la première fois que je fais acte d'homme.