Le bachelier/
Jules Vallès (1832-1885)
Dans le Bachelier,
Jules Vallès continue de raconter sa vie à travers celle de son héros et narrateur Jacques Vingtras. Plus encore que dans L'Enfant, l'auteur décrit jusqu'aux moindres détails les vicissitudes d'un provincial né au Puy en Velais et débarquant à Paris plein d'illusions. Deuxième volet de la trilogie, succédant à « L'enfant » et se poursuivant par « L'Insurgé », ce roman paru en 1879 raconte les premières années de l'âge d'homme de Jacques Vingtras, en décrivant le milieu politique dans lequel il évolua et prospéra, celui des républicains.
D'entrée, Jacques annonce la couleur avec un en-tête évocateur qui dédicace ce récit à tous ceux qui nourris de grec et de latin sont morts de faim. Il écrit plus loin : « Oui, je me suis heurté contre les stupidités de la bachellerie qui m'a laissé la tête gonflée de grec et le ventre presque toujours vide en face d'un monde qui me rit au nez. »
Nous sommes en 1849. Quittant Nantes, où son père a été nommé professeur au collège royal, avec juste une petite malle, mais avec son éducation, s'échappant de l'étouffante tutelle de ses parents, plein de haine pour la bourgeoisie et de convictions républicaines, il rejoint Paris où il fait connaissance de jeunes activistes politiques. Il a dix-sept ans, il a vingt-quatre sous et « des épaules de lutteur, une voix de cuivre, des dents de chien, la peau olivâtre les mains comme du citron, et les cheveux comme du bitume. Il se dit maître de ses gestes, maître de sa parole et de son silence. Il pense avoir une tournure de sauvage, mais une timidité terrible qui le rend malheureux et gauche. Il renonce à faire ses études de droit et ne trouve pas de travail avec seulement son bac, et ne connaît que des amours éphémères.
Rapidement il connaît la misère et la faim et mène une vie de bohème. Ne dédaignant pas l'humour pour évoquer ses galères, Vingtras se raconte sans complaisance. Apprenti dans une imprimerie, il vit au jour le jour ne songeant pas plus au lendemain que s'il avait des millions en poche. Il écrit : « On était simples comme des enfants, presque graves comme des hommes, on n'était pas poètes, artiste ou étudiant…Je ne voyais pas éclore mon avenir et je voyais pourrir mes fleurs. »
Il reconnaît alors que lorsqu'il n'est plus poli, il devient casseur, violent, aveugle, insoumis. Battu toute son enfance, il a accumulé une haine qui ne demande qu'à s'extérioriser. Il se veut satiriste, insoumis, révolté. Il écrit : « je cherche à devenir dans la mesure de mes forces le porte-voix et le porte-drapeau des insoumis. Cette idée veille à mon chevet depuis les premières heures libres de ma jeunesse… Je suis un révolté. Mon existence sera une existence de combat. Je l'ai voulu ainsi…J'ai vécu et je vis comme un loup. »
Vingtras aime ceux qui souffrent, cela est le fond de sa nature et ce qui a pris possession du plus grand coin de son coeur, c'est la foi politique, le feu républicain. Avec ses quatre amis du même âge que lui, ils ont un siècle à eux cinq et ils veulent sauver le monde, mourir pour la patrie.
le 2 décembre 1851 voit arriver
Napoléon III à la tête du pays. Jacques fuit Paris un temps afin de ne pas se faire arrêter comme activiste opposé au régime. de retour plus tard à Paris, il cherche du travail : surveillant, cours particuliers, mais jamais bien longtemps.
Il découvre finalement la prison pour avoir participé à un complot contre
Napoléon III. À sa sortie de geôle, il connaît la misère avant de se lancer dans le journalisme, mais son talent à cette époque ne suffit pas à le faire vivre. Poussé à bout et tenaillé par la faim il en vient à se battre en duel contre son meilleur ami.
La Commune se profile à l'horizon et en attendant de pouvoir réaliser ses rêves révolutionnaires, lui l'insoumis, il redevient surveillant de lycée car il faut bien vivre.
Ce deuxième volet de la trilogie est un ouvrage témoignage sur une époque et aussi sur un homme qui ne renonce jamais à ses idées. Écrit dans un style haché et passionné comme un journal intime, ce récit ne manque pas d'humour même dans les pires situations. Il met en lumière finalement la naïveté d'un homme esclave de ses convictions face à la dureté du monde.
Jules Vallès qui plus tard fut journaliste, écrivain et homme politique fut le fondateur du journal « le Cri du peuple » et fit partie des élus de la Commune de Paris en 1871. Condamné à mort, il s'exila d'abord en Suisse puis à Londres jusqu'en 1880 et mourut à Paris en 1885 à l'âge de 53 ans.