Le tabouret calé sous le postérieur, il est rivé à l'oeilleton de sa porte d'entrée et observe sa voisine d'en face, une vieille chouette bancale qui se donne des airs de bourgeoise avec sa coupe à la Simone Veil.
Là-bas, il le sait, on va tenter de l'infantiliser, de le transformer en papy guimauve. Et puis, toutes ces vieilles harpies... Ras le bol, de ces bonnes femmes !
Ferdinand, lui, pense à la longue journée qui l'attend le lendemain. Au test de compatibilité. Bien qu'il n'y ait rien de pire que les examens médicaux pour lui, il n'a pas peur. Il est même serein. Il aimerait vraiment faire cela pour son petit-fils, pas par compréhension ou jalousie. Juste parce que sa famille a besoin de lui, et que, pour la première fois de sa vie, il peut être utile, lui, Ferdinand Brun. Il peut faire quelque chose de bien. Pour quelqu'un d'autre.
Je pensais pas non plus partir un jour à l'étranger, et encore moins pour m'y installer. Mais j'aurais en tout cas l'impression de servir à quelque chose, même si au fond je me sens complètement impuissant. C'est vraiment horrible cette boule que l'on ressent jusque dans ses tripes quand quelqu'un de proche est malade. C'est tellement injuste; je suis un vieil hypocondriaque! Que je serve à quelque chose ou à quelqu'un, pour une fois dans ma vie!
-Très bien, comme vous voudrez, Monsieur Brun. Donc, juste une coupe [de cheveux] alors?
-Il faut vous expliquer longtemps, mais vous comprenez vite, Christine.
-Désolée Monsieur Brun. Alors, comment voulez-vous qu'on vous les coupe aujourd'hui?
-En silence...
Cela fait des années que Ferdinand vit seul, sans visite sans ami. Il l'a voulu en un sens. Tout au long de son existence, Ferdinand a toujours fait ses choix seul, rarement les bons d'ailleurs.
En tous cas, Mme Suarez ne laisse rien au hasard. Ses cheveux sont sous contrôle. La perfection de ses boucles peroxydées doit tout à la mise en plis nocturne qu’elle exécute avec assiduité. Chaque soir, le filet bleu maintient l’ensemble en place, ce qui a l’avantage non négligeable de décourager toute envie téméraire de son mari de l’honorer, aussi efficacement que le ferait une ceinture de chasteté.
C’est la double peine, cette maudite sonnette : c’est moi qui paie l’électricité pour qu’on me dérange…
« Chieuse » n’est pas dans le dictionnaire. C’est la meilleure ! Il faudra qu’on m’explique pourquoi on y met que des mots qui servent jamais ! Est-ce qu’on se sert de « chiffe » ou de « chiton » ? C’est peut-être mon dictionnaire qui est trop vieux. 1993. Les chieuses existaient déjà, non ?
"Chieuse" n'est pas dans le dictionnaire. C'est la meilleure ! Il faudrait qu'on m'explique pourquoi on y met que des mots qui servent jamais ! Est-ce qu'on se sert de "chiffe" ou de "chiton" ? C'est peut-être mon dictionnaire qui est trop vieux. 1993. Les chieuses existaient déjà, non ?