Didier van Cauwelaert, auteur prolifique et prix Goncourt 1994 pour
un aller simple, dit de lui-même qu'il est un « romancier de la reconstruction ».
En 2008, avec La nuit dernière au XVème siècle, il livre un roman absolument fascinant, extrêmement bien construit, aux rebondissements permanents qui peuvent donner au lecteur l'impression de ne plus savoir où il va. Pourtant l'auteur, lui, sait parfaitement où il nous mène.
Jean-Luc Talbot est contrôleur des impôts dans le Berry et vit avec Corinne une vie plutôt insipide. Un contrôle – sur dénonciation – d'une société d'insecticides bio installée dans un château, signe pour lui le début d'une sacrée aventure doublée d'un sacré merdier ! Que vient faire une amoureuse du XVème siècle dans sa petite vie cadrée du XXIème siècle ? Lui aurait-on jeté un sort ? Où se situent les frontières du réel et celles de l'irmaginaire?
J'ai ressenti le plaisir délicieux qu'avait pris l'auteur à parodier le quotidien de ces contrôleurs du fisc (cela ne m'étonnerait pas qu'il ait eu à subir lui-même un contrôle…)
le pauvre Jean-Luc a été muté dans le Berry où « la psychologie locale du contribuable » est à prendre très au sérieux. Son collègue est pétri d'anxiété contagieuse quant à leur devenir s'ils ne se protègent pas contre les sorts qui auraient déjà coûté la vie à plusieurs de ces fonctionnaires exemplaires. On ne plaisante donc pas à la brigade avec les moyens de protection et on ne sort jamais sans son pendule ! Pas question d'oublier de changer régulièrement l'oignon dans sa poche droite non plus. Et chaque nouvel arrivant obtient une figurine à son effigie… L'ambiance semble assez morbide, les risques du métier, eux, sont élevés.
Mais Jean-Luc, méfiant et semblant inspirer l'antipathie, apprécie son métier : « La franchise de la haine que je lis dans le regard de mes contrôlés est un facteur nécessaire à mon équilibre ».
Il va se voir propulsé d'un instant à l'autre dans un univers qui lui est inconnu, chez des gens étranges dont les centres d'intérêt sont à l'opposé des siens. Confronté au monde de l'occulte, de l'ésotérique, des médiums, il va d'abord imaginer qu'on cherche à « l'envoûter » pour mieux le berner.
Mais combien de temps cet homme désabusé qui arrive dans ce château, caché derrière un voile de tristesse peut-il refuser d'écouter les signes de l'au-delà qui veulent à tout prix le faire sortir de sa zone de confort pour lui faire côtoyer la physique quantique, le karma, l'hypnose et les régressions ?
Mais on ne plaisante pas avec le monde de l'irrationnel ! Et la belle Isabeau a un plan. Mais lequel ? Et qui est-elle ? Que veut-elle ?
L'auteur a su à merveille créer un monde déjanté et fixer dès le départ les règles de la folie. On rit beaucoup, on s'interroge sur la véracité de certaines méthodes, on tente de démêler l'intrigue en vain.
Van Cauwelaert aurait-il déjà vécu d'autres vies pour maîtriser si joliment son art ?
Force est de constater qu'il s'amuse autant avec nous qu'avec jean-Luc.
« Quand la folie des autres devient notre réalité, il n'y a d'autre solution que de la refuser, se laisser emporter ou remonter à la source ».
Quelle solution Jean-Luc choisira-t-il, selon vous ?
Et surtout, pour laquelle des trois citées plus haut opterez-vous ? :
–Refuser la lecture du livre
–Croire tout ce que vous lirez et plonger tête la première dans le monde de l'occulte
– Dévorer le livre d'une traite jusqu'au dénouement de l'intrigue