Une voiture abandonnée phares allumés, en pleine nuit, près d'un étang ? Étrange.
Sous les yeux d'une fillette évanescente, les policiers en recherchent l'occupante. Agatha a disparu.
Je me suis laissé tenter par cette bande dessinée, dont je pensais qu'elle allait, comme l'ont déjà fait bien d'autres auteurs, broder sur ce qui s'était passé lors de l'escapade inexpliquée de la célèbre romancière.
La création de Chantal van Den Heuvel et
Nina Jacqmin est bien plus riche. Leur ouvrage, dont le titre évoque le premier opus de leur héroïne, se divise en trois actes qui correspondent plus ou moins aux trois âges de la vie.
J'ai lu que, lorsqu'elle est partie,
Agatha Christie était traumatisée par la mort de sa mère. Aussi les auteures la renvoient-elles à l'enfance, à travers cette poupée blonde qui fait penser à Alice et vit en compagnie d'amis imaginaires, tandis que Mrs Miller discute passionnément avec son écrivain favori,
Henry James. En observant attentivement la fillette, qui se meut dans un monde parallèle, celui-ci entrevoit la trame de son futur « Tour d'écrou » (mon ouvrage préféré de ce romancier).
On apprendra ensuite comment Agatha rencontrera Archibald Christie et Max Mallowan, ses deux maris. La réalité se mélange à la fiction. le superintendant qui enquête sur la disparition de notre héroïne, a des airs d'Hercule Poirot,
Henry James prend l'apparence de l'inquiétant homme au fusil qui hante les cauchemars de l'enfant et la princesse Dragomiroff voyage aux côtés d'Agatha dans l'Orient Express.
J'ai adoré cette bande dessinée, plus proche d'un univers onirique que de la biographie. Très bien documentée, elle est superbement illustrée par
Nina Jacqmin. Son trait est fin, ses décors très réalistes, alors que son personnage principal semble tout droit sortie d'un livre. D'ailleurs, lors d'une dispute, Archie lui lance : « Toi, tu es une créature de papier. » Les couleurs sont tendres, un peu passées, comme si on n'était pas tout à fait dans la réalité.
J'ai d'ailleurs dû rire, à un moment, car une vignette présente la une du Daily Miror qui couvre la fugue de la célèbre romancière. L'article n'est ni en anglais, ni en français, mais bien en... latin ! Je me suis demandé si c'était un clin d'oeil pour faire comprendre que personne, ou presque, ne se donnera la peine de lire cette page de journal !
Bien sûr, je n'ai rien appris de nouveau, mais j'ai vraiment apprécié d'être projetée dans cet univers étrange qui doit être celui d'un écrivain dont on ne sait s'il est ancré dans notre monde banal ou flotte dans un microcosme rêvé.
Je le recommande donc sans réserve.