Tu te lèves, Brésilien.
Légionnaire, tu hurles comme une bête sans dent devant un fauve.
Tu as ton sabre, petit chasseur. Et ton fusil.
J'ai mon fusil à portée de main.
Joseph fait un pas. Alfonso entre dans le halo de lumière.
Je m'en fous, le moteur est réparé. Mon fusil est à portée de main. Un petit homme me l'a réparé dans la forêt.
Jo fait un autre pas. Alfonso le regarde et avance.
Mon fusil est dans mes mains.
Les enfants sont nés ici.
Il neige en métropole.
– Et si j'ai faim ?
– Contente-toi de tirer des perdrix. Si tu les blesses, elles te boufferont pas comme les jaguars.
– Ça te fait marrer ? Et comment je me défends contre un ancien légionnaire parano ?
– Parano et alcoolo.
– Évidemment...
– Tu lui jettes un pack de six et tu pars en courant.
L’or ne rapporte rien aux hommes qui remuent la boue du fleuve. La vie sur place est chère, tout y est vendu hors de prix par les boss. Ceux qui travaillent là-bas parviennent tout juste à économiser un peu d’argent qu’ils envoient à leurs familles. Si je lui pose la question, il me racontera la même histoire que tous les orpailleurs clandestins : qu’il a trouvé un jour, en creusant, une pépite de trois ou quatre cent grammes qu’il a réussi à cacher ; qu’il a payé avec une maison pour sa mère ou acheté un beau terrain au bord d’une rivière dans son village natal.
Tous les chasseurs ont tué leur premier jaguar à treize ans, tous les orpailleurs ont trouvé un caillou d’un kilo. Contre leur destin pourri, les hommes qui travaillent dans la forêt n’ont que des histoires fabuleuses à raconter.