Impression fausse
Dame souris trotte,
Noire dans le gris du soir,
Dame souris trotte
Grise dans le noir.
On sonne la cloche,
Dormez, les bons prisonniers !
On sonne la cloche :
Faut que vous dormiez.
Pas de mauvais rêve,
Ne pensez qu'à vos amours
Pas de mauvais rêve :
Les belles toujours !
Le grand clair de lune !
On ronfle ferme à côté.
Le grand clair de lune
En réalité !
Un nuage passe,
Il fait noir comme en un four.
Un nuage passe.
Tiens, le petit jour !
Dame souris trotte,
Rose dans les rayons bleus.
Dame souris trotte :
Debout, paresseux !
Sur une statue de Ganymède
Eh quoi ! Dans cette ville d'eaux.
Trêve, repos, paix, intermède,
Encor toi de face et de dos,
Beau petit ami Ganymède,
L'aigle t'emporte, on dirait comme
Amoureux de parmi les fleurs.
Son aile, d'élans économe,
Semble le vouloir par ailleurs
Que chez ce Jupin tyrannique,
Comme qui dirait au Revard,
Et son œil qui nous fait la nique
Te coule un drôle de regard.
Bah ! reste avec nous, bon garçon,
Notre ennui, viens donc le distraire
Un peu de la bonne façon,
N'es-tu pas notre petit frère ?
Ballade de la vie en rouge
L'un toujours vit la vie en rose,
Jeunesse qui n'en finit plus,
Seconde enfance moins morose,
Ni vœux, ni regrets superflus.
Ignorant tout flux et reflux,
Ce sage pour qui rien ne bouge
Règne instinctif : tel un phallus.
Mais moi je vois la vie en rouge.
L'autre ratiocine et glose
Sur des modes irrésolus,
Soupesant, pesant chaque chose
De mains gourdes aux lourds calus.
Lui faudrait du temps tant et plus
Pour se risquer hors de son bouge.
Le monde est gris à ce reclus.
Mais moi je vois la vie en rouge.
Lui, cet autre, alentour il ose
Jeter des regards bien voulus,
Mais, sur quoi que son œil se pose,
Il s'exaspère où tu te plus,
Œil des philanthropes joufflus ;
Tout lui semble noir, vierge ou gouge,
Les hommes, vins bus, livres lus.
Mais moi je vois la vie en rouge.
Envoi
Prince et princesse, allez, élus,
En triomphe par la route où je
Trime d'ornières en talus.
Mais moi, je vois la vie en rouge.
Et tout le train,tout l'entrain d'un manège
Qui par malheur devient notre ménage.
Que n'avez-vous en ces jours là, que n'ai-je compris les torts de votre et de mon âge.
Avez-vous oublié, Madame Mère,
Non, n'est-ce pas, même en vos bêtes fêtes,
Mes fautes de goût, mais non de grammaire,
Au rebours de tes chers lettres bêtes ?
LŒTI ET ERRABUNDI
Je n’y veux rien croire. Mort, vous,
Toi, dieu parmi les demi-dieux !
Ceux qui le disent sont des fous.
Mort, mon grand péché radieux,
Tout ce passé brûlant encore
Dans mes veines et ma cervelle
Et qui rayonne et qui fulgore
Sur ma ferveur toujours nouvelle !
Mort tout ce triomphe inouï
Retentissant sans frein ni fin
Sur l’air jamais évanoui
Que bat mon cœur qui fut divin !
Quoi, le miraculeux poème
Et la toute-philosophie,
Et ma patrie et ma bohème
Morts ? Allons donc ! tu vis ma vie !
Et tout le train,tout l'entrain d'un manège
Qui par malheur devient notre ménage.
Que n'avez-vous en ces jours là, que n'ai-je compris les torts de votre et de mon âge.
FILLES.
A LA PRINCESSE ROUKINE.
Mignonne allons voir si ton lit
A toujours sous le rideau rouge
L'oreiller sorcier qui tant bouge
Et les draps fous. O vers ton lit !