A l'abri du temps, dans une enclave de l'été 1987, l'adolescence pousse dans les corps tout en figeant les yeux gigantesques des enfants que restent Christophe, Vincent, Franck et la pétillante Johanna. Au coeur d'un panorama magnifié par le regard d'un homme qui prend le temps de regarder, puis de voir, et enfin de nous dire les couleurs, les parfums, et les émotions. Un poète contemplateur sublime,
Sebastien Vidal m'a ravit durant ces délicieuses heures de lecture, m'offrant à découvrir l'espace qui l'entoure, sa Corrèze et sa peinture naturelle.
"Beaucoup de feuilles sont déjà au sol, peignant un tableau qu'aucun peintre ne pourrait imiter. Les taches jaunes soudées aux taches rouges, les auréoles marron cousues aux auréoles ocre, les flaques auburn scellées aux flaques orange. Elles constituent un tapis tissé avec patience, et ce voile épouse les talus et le rivage qui recueille l'étang en son creux comme les mains jointes retiennent l'eau coulant d'une fontaine. le ciel d'un gris dur écrase mes épaules. Les nuages sont compactés et fondus en un océan morne et immobile. Ces feuilles qui gisent au sol sont la seule source de couleurs, une bouffée d'oxygène."
Christophe, ou plutôt Chris, revient sur la scène d'un été bouillonnant d'émotion, qui fût le théâtre complet d'un village respirant d'insouciance et chutant sur les drames, que les acteurs soient adultes et rongés par un mal profond, ou de vieux enfants repoussant les échéances, sous le regard bienveillant d'un marginal, l'Indien. Il est un âge où la prise de risque s'appelle encore "vivre", quitte à ne pas en maîtriser toutes les routes. Et lorsque cette prise de risque intervient plus tard, dans des corps abîmés par des coups de canif, alors la liberté dégueule par des plaies à vif. Et l'équipée sauvage qui en découle est meurtrière. La percussion entre ces deux mondes, celui de la fraîcheur d'un groupe d'ados et celui de deux hommes limés par une vie déjà trop indigeste.
Ce roman est celui d'un auteur de roman noir qui aimerait les couleurs, celui d'un auteur qui saurait vous réconcilier avec le passé pour en faire mille déclinaisons de vous, de vieux amis perdus de vue depuis plus ou moins longtemps et que vous laisseriez vous rattraper.
"Je crois que le passé, c'est simplement des morceaux de présent qu'avancent moins vite que nous. le passé, c'est comme le coureur qu'est lâché du peloton. À un moment, il disparaît de la vue, mais il est toujours là. Et bien apres que t'as franchi la ligne d'arrivée, t'es peinard, tu bois un coup tu récupères, t'as oublié ce fichu coureur, mais il arrive quand même, il coupe la ligne et vient jusqu'à toi."
Je me délecte des textes de cet auteur chaque jour, admirative et conquise encore un peu plus avec
Où reposent nos ombres. Un ADN commun entre écrivain et lectrice que je noue encore un peu plus.