Jane faisait partie de ceux qui ne veulent pas la vérité alors même qu’elle en avait un besoin urgent. Elle trouvait sa vie oppressante et rêvait d’en changer. Je lui ai expliqué que sa vie était le reflet de ce sur quoi elle focalisait son attention. Et qu’elle avait un destin à accomplir. Il ne sert à rien de lutter contre le destin, vous savez.
Que l’on est heureux d’être seul quelquefois ! Je comprends à présent ce qu’a dû ressentir Jane Fairfax après s’être éclipsée pour se libérer du carcan des mondanités, ne serait-ce qu’une petite heure.
Certes, la « réalité » de ce monde est plus odorante et moins hygiénique que celle de mes fantasmes, dans lesquels je m’imaginais assise dans un salon silencieux, feignant de broder pendant qu’un beau gosse en pantalon moulant me lançait des regards éloquents depuis l’autre côté de la pièce.
Il n’y a rien à approuver dans un roman où les personnages féminins passent leurs journées à rêver de se marier, à comploter dans le but de se trouver un mari ou à se lamenter.
Les hommes et les femmes intelligents aiment partir à la découverte du monde et chasser leur propre gibier, choisir leur propre mode de dysfonctionnement et répéter leur propre schéma de relations malsaines. Ils n’ont pas besoin des efforts charitables mais vains de leurs amis.
Certaines femmes portent au moins un peu de fard à joues, même si elles ne veulent pas l’admettre.
Une femme accomplie ne laisse jamais un ouvrage inachevé. Par ailleurs, les femmes qui ne vont pas au bout des choses ne font pas de bons mariages, en particulier les femmes de trente ans qui ne sont déjà plus dans la fleur de l’âge.
J’ai vu défiler une vie entière passée à faire semblant de ne rien remarquer quand il flirtait avec la serveuse de chez Ammo, partageait sa part de gâteau avec une fille lors de ma fête d’anniversaire, ou encore quand il reluquait les belles femmes sans se soucier une seule seconde de ce que je pouvais ressentir.
Je profite pleinement de cette séance de « dorlotage » qui, tout bien réfléchi, relève plus d’une nécessité que de « dorlotage » à proprement parler : je ne vois pas comment une femme pourrait entrer seule dans ces habits, surtout avec les lacets et les boutons qui se trouvent tous judicieusement placés dans le dos.
Si j’étais vraiment dans un roman de Jane Austen, un certain capitaine Benwick serait assis à mon chevet et me lirait des poèmes de Scott et de Byron pendant que je me remettrais tranquillement de ma commotion.