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Citations sur La Brigade de l'Ombre, tome 1 : La prochaine fois ce .. (47)

Antonin songea un instant aux quatre-vingts pages de Stendhal qu’il avait relues hier, avant que Julien ose retirer le gant de Mme de Rênal, et lui prendre la main. Il ne devait rien hâter. Ne pas se montrer grossier, ridicule… Surtout pas… Il retira sa main, la posa sur l’accoudoir, et ressentit alors un gouffre dans son ventre. Le vide, cette fois. La chute.

Il jeta un œil vers Fleur.

Dans l’obscurité, elle le fusillait du regard.
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Le vertige qu’éprouvait Antonin à la même seconde n’avait rien de commun avec tout ce qu’il avait connu jusque-là. Il était coutumier du danger, savait marcher sur un câble d’acier à plus de vingt mètres de hauteur, sans peur et sans filet. Il connaissait le pouvoir du souffle, de la respiration, sur la maîtrise de tout son corps. Il faisait le vide pour affronter le vide…

Mais cette fois, de vide, il n’était pas question.

Au contraire. C’était dans son crâne une tempête de pensées contradictoires, sidérantes et sans résolution. Et dans son ventre, un maelström.

Sa main était posée, là, stupidement retournée. Il sentait sous elle la peau, la chair de l’être aimé. Frémissante. Chaude. D’une douceur telle, et tellement vivante, ardente, qu’elle en devenait… mon Dieu, si réelle.
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C’était la première fois qu’ils allaient au cinéma tous les deux. Elle avait attendu une invitation d’Antonin pendant au moins trois semaines – puis, de guerre lasse, elle avait pris l’initiative.

Elle s’était mise en robe d’été, une robe bleu vif sur sa peau déjà bronzée, parce qu’elle comptait sur l’effet induit par ce vêtement, et sur les possibilités d’exploration éventuelle qu’il offrait.

Mais il ne se passait rien.

Elle jeta un œil à la main d’Antonin, désespérément posée sur l’accoudoir qui les séparait, et qui avait progressé centimètre par centimètre vers sa propre main, depuis le début du film, subissant toutefois des reculs aussi brutaux, au gré des rebondissements horrifiques, que les avancées étaient timides pendant les scènes de transition.

Elle soupira de nouveau. On ne s’en sortirait jamais comme ça.

Bon.

Profitant d’une nouvelle scène de carnage, elle se cacha les yeux, poussa un petit cri d’effroi convaincant, et prit dans sa main celle de son « petit copain potentiel », qu’elle broya légèrement, comme en proie à une épouvante sans bornes.

Surpris sans doute, il lui indiqua par une légère pression qu’il était là, qu’elle ne craigne rien. Elle relâcha alors la pression, et posa cette main d’Antonin, retournée, sur sa cuisse frémissante. Lentement, elle retira la sienne, et abandonna celle du garçon, comme une tortue ou un insecte échoué sur le dos et sur sa cuisse nue. La main d’Antonin frémit – suspense insoutenable. Toute l’émotion du monde sembla s’en emparer.
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Entre le visage, le cou, les épaules, intacts, et les jambes intactes, il n’y avait plus rien qui ressemblât au corps d’un être humain. C’était un champ de bataille. Son corsage bleu et le soutien-gorge crème avaient été mis en pièces par le prédateur. Tout le torse, la poitrine, l’abdomen, étaient tailladés, labourés. Celui qui avait massacré cette fille avait-il utilisé une baïonnette ? Avait-il eu besoin d’une scie pour couper les deux bras ainsi, à mi-humérus, à cinq centimètres en dessous de l’épaule ?
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Elle n’avait pas eu le temps de pleurer avant de mourir, le mascara n’avait pas coulé. Quant à l’effroi visible dans ses yeux, il ne confirmait ni n’infirmait rien : tous les cadavres semblent effrayés, même ceux qui n’ont pas vu la mort arriver. On aurait dit qu’elle pinçait les lèvres, en une moue de sourire, ou de dédain un peu ironique.
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« Cela manque de sang », songea le commissaire.

La gamine, ou ce qu’il en restait, gisait sous le porche de cette cour intérieure, dans une flaque de sang trop modeste au regard des plaies infligées. On l’avait transportée ici post mortem, ou mutilée plusieurs heures après le décès. « Quand on n’a pas de tête, il faut avoir des jambes, certes. Mais le problème se situe parfois entre ces deux extrémités », ajouta Léon Markowicz, toujours pour lui-même.

Il sourit vaguement, et tristement. C’était sa façon de se défendre du sentiment de compassion qui l’étreignait.
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Le visage qu’il promenait à près de deux mètres du sol était ovale mais prognathe, les yeux profondément enfoncés dans un faisceau de rides sous une barre de sourcils broussailleux, les cheveux épais, sombres mais blanchis déjà. Il était difficile de lui donner un âge. La cinquantaine ? Le cou semblait celui d’un taureau. L’âge ou les désillusions ridaient le front haut, labouré et tourmenté. Les mains – l’une serrait la canne anglaise et l’autre, la droite, tirait présentement sur la clope tordue – étaient larges et courtes (rapportées au reste de la carcasse), comme celles d’un étrangleur assermenté. Tout indiquait l’homme d’action porté sur les explosions de violence, les alcools tristes et les combats d’arrière-garde. Mais si Morteau avait été un observateur plus fin et mieux rompu à l’étude des êtres et des âmes sous leurs apparences (s’il avait été un inspecteur plutôt qu’un simple gardien de la paix, par exemple), il aurait reconnu quelque chose de méditatif, également, dans le front ombrageux ; et dans les yeux indéfinissables, couleur d’huître fraîche, une aristocratie assez romanesque.

Le quasi-nain en blouse, sensiblement du même âge mais étroit, gracile, et plus mélancolique que ténébreux, trottait quatre pas derrière, comme le font les âmes damnées, les éminences grises – et également les types qui n’arrivent pas à marcher assez vite pour suivre. Ce qui n’était pas le cas, en l’occurrence. Sa peau d’un noir presque violet, fripée sur le visage et les mains, luisait sur le sommet lisse du crâne. Il arborait dans la poche de poitrine une rangée de stylos Bic, de quatre couleurs, en guise de décorations. Il suait à grosses gouttes et roulait des yeux inquiets, très blancs dans sa face bistre, derrière ses lunettes cerclées de métal. Peut-être parce qu’il craignait d’être ridicule ; ce qu’il était, en la circonstance.

Morteau les regarda passer devant lui, bouche bée, et tout à son saisissement, il oublia de leur demander leurs cartes. Mais s’ils avaient pu franchir les rubalises jaunes de la police, c’était qu’ils avaient à faire sur le lieu du massacre.

Flics ? Experts ? Envoyés du procureur ?
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Le mercredi 23 juin, alors que la canicule s’apprêtait à écraser Paris un jour de plus, le gardien de la paix Morteau vit apparaître au bout de la rue des Artistes un étrange duo.

Le premier des deux hommes était un géant. Haut comme une armoire, large comme un buffet et taillé dans le chêne, il boitait sur une canne qui menaçait de se briser sous sa masse à chaque pas. Costume noir, cravate noire, il était suivi par un autre individu, noir de peau celui-là, chauve comme un genou, de taille et de carrure sensiblement plus modestes – pour tout dire un quasi-nain, et fluet –, vêtu d’une blouse blanche presque immaculée.
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Il fallait tout de même être un dangereux salopard pour massacrer ainsi deux chiens, fussent-ils aussi néfastes. Tout en se lavant les mains dans la salle d’eau de son cabinet, avant la première consultation, elle se surprit à chantonner : « C’est la mère Michel qui a perdu ses chiens… » Ce genre de parodie macabre aurait plu à Markowicz. Elle secoua la tête, et une idée menant à l’autre, songea au trottoir écarlate de la rue Le Bris, s’étonnant encore que de si petits chiens puissent contenir autant de sang – mais justement, son ex, le commissaire Léon Markowicz, lui avait raconté que c’était un motif de stupeur renouvelée, cette quantité de sang sur les scènes de crime.
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Anne-Cé surmonta son dégoût, entra chez Mme Michel pour se munir de gants de vaisselle et glissa les dépouilles dans des sacs-poubelle qui serviraient de bodybags jusqu’à l’arrivée de l’embaumeur. Roselyne – « appelez-moi Roselyne » – lui expliqua en reniflant que ses chiens avaient probablement été victimes d’un cambrioleur ou d’un violeur : hier soir, elle les avait nourris juste avant d’aller se coucher, vers 21 heures, puis les avait laissés divaguer dans son jardin clos de haies, selon leur habitude – les nuits étaient si chaudes, les chers petits si énervés… Un cambrioleur avait certainement pénétré dans sa propriété à son insu. Il en voulait à ses bijoux, peut-être à son corps. Ken et Barbie avaient dû s’interposer courageusement pour défendre les biens mobiliers et l’intégrité physique de leur maîtresse ; oui, aucun doute, c’est ce qui s’était passé.

Anne-Cé l’encouragea dans son intention de porter plainte à la police, sitôt les obsèques organisées. Elle déclina en revanche les demandes de la vieille dame, qui lui suggérait avec insistance de prévenir immédiatement son mari, afin que la brigade criminelle parisienne vînt prélever l’ADN de l’égorgeur.

— C’est mon ex-mari, rappela Anne-Cé avec une grimace. Et il ne travaille plus à la brigade criminelle depuis cinq ans.

— Raison de plus, insista Roselyne Michel. Il a sûrement un peu de temps…

Anne-Cécile Arthal réussit finalement à prendre congé.

Elle jeta un œil à sa montre, constata qu’elle était désormais en retard. Elle appela son domicile pour s’assurer que sa fille aînée s’était réveillée. Fleur lui confirma qu’elle était déjà opérationnelle, qu’elle réviserait le bac toute la journée, et qu’Adélaïde, la cadette, avait pris la route de l’école.
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