Hier ton frère m'a demandé si on allait s'en sortir. Toi, tu me demandes comment. Ça fait une sacré différence.
Ça sent le retour à l'âge des cavernes…
J'espère qu'il y aura des truites laineuses, alors. Pour la chasse. Parce que les mammouths ne savent sûrement pas nager.
Tu existais, je le savais, je le pressentais, et je n'attendais que toi.
Si nous avions épousé la nature, peut-être ces pluies ne seraient-elles pas arrivées.
Il avançait, mi nageant mi marchant. Autour de lui flottait ce qui avait été la vie d'un homme.
Ce qui venait de les sauver, c'est que personne n'avait imaginé qu'une fille puisse être capable d'autant de méchanceté.
Il se leva, alla au parapet, sa couverture sur les épaules.
Les rafales le fouettèrent. Maudites pluies.
Les arbres émergeaient encore, les maisons au-dessus des fenêtres de rez-de-chaussée. Mais plus rien d’autre. Plus de champs. Plus de routes. Plus de voitures. Plus de magasins, plus d’école bientôt, plus de car scolaire, plus de terrain de foot pour les matchs du mercredi – plus de Nhattan. Une surface brune à peine tumultueuse, vague après vague, comme une marée. Il aurait voulu brandir le poing vers le ciel et vers ces nuages noirs. Mais il n’en avait pas la force. Même pas de colère, de révolte. Juste un profond, un immense, un existentiel découragement. Il baissa la tête, vaincu.
Il sentit une présence dans son dos, ne se retourna pas. Lou ?
J’ai enregistré ton frère et ta sœur sous mon patronyme, pour que nous ne risquions pas d’être séparés. Ils sont désormais Noah et Ombre Kamiesh, mon demi-frère et ma demi-sœur par le père. C’en serait comique si ce n’était à pleurer – la seule dont j’aie jamais imaginé qu’elle devienne ma famille, c’est toi. Tu sais parfaitement que je ne m’entendais pas toujours bien avec Noah, avant tout cela. Quant à Ombre, je ne suis pas très doué avec les bébés. Il va falloir que j’apprenne.
Plus de champs. Plus de routes. Plus de voitures. Plus de magasins, d'école bientôt, plus de car scolaire, plus de terrain de foot pour les matchs du mercredi - plus de Nhattan.
Il se leva, alla à la fenêtre. Le soleil se couchait. Pas un nuage dans le ciel d'août.
Kosh était assis seul devant la mer, sur la grève, à contre-jour. À quoi pensait-il? À ses propres parents, disparus sous les eaux? Aux pirates, à Lou et à son frère, à l'impossibilité de les rejoindre par la mer?
Ou à la nouvelle promesse qu'il venait de faire, qui l'engageait: " On fera l'impossible pour les retrouver... quand on aura retrouvé Lou et Malcolm..."