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EAN : 9782940189205
266 pages
Page 2 Editions (05/05/2001)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Faut-il encore se donner la peine de lire Marx ? Pour l'auteur de ce livre, la réponse à cette question est indéniablement positive. Mais il ne faut surtout pas le lire avec de vieilles lunettes, notamment avec les lunettes du marxisme traditionnel. Marx reste à découvrir derrière les trop nombreux commentaires qu'il a suscités. Ce n'est pas un économiste du XIXème siècle, c'est un critique acéré du monde contemporain, qui se dévoile à toute lecture attentive et non... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Intervenir dans le champ de contradictions refoulées pour les faire apparaitre

« Beaucoup de choses ont changé depuis la mort de Marx en 1883. Sans conteste l'un des changements les plus importants est le dédoublement de la société par un monde imaginaire qui prend les apparences d'un monde hyper réel produit par des images électroniques et une culture médiatique qui trouve ses mobiles dans la publicité et la marchandisation universelle ».

Dans son introduction, Jean-Marie Vincent aborde, entre autres, la déréalisation, « le réel devient en quelque sorte le double de son dédoublement. Cette déréalisation a d'autant plus de force qu'elle peut s'appuyer sur la sublimation par la technologie et la sublimation dans l'effectivité technologique (l'utilisation des multimédias », les instruments théoriques de Karl Marx et du « monde sens dessus dessous », la perception fétichiste du monde, « Les hommes perçoivent de façon fétichiste le monde qui les entoure, ils font d'objets sociaux comme les marchandises, le capital, l'argent des réalités naturelles ou purement techniques »…

Je fait un détour par l'ouvrage d'Antoine Artous sur le fétichisme chez Marx, ; celui-ci écrit « le fait qu'un rapport social des hommes entre eux se présente comme un rapport des choses entre elles ; en l'occurrence la valeur des marchandises, à travers laquelle s'organise l'échange, est socialement perçue comme leur attribut naturel, alors quelle est générée par des rapports de productions spécifiques ».

Fétichisme, rapport social, rapport de travail (abordé peu après). Trois notions qui me semblent au centre de la critique de l'économie politique. Il me semble que nous sommes loin de bien des analyses « économiques » – qui sont souvent des descriptions plus moins pertinentes – des évolutions du capitalisme. La confusion entre économie et critique de l'économie politique se double de l'oubli du fétichisme de la marchandise. J'ai lu récemment un ouvrage sur les besoins artificiels faisant l'impasse totale sur cette dimension. La référence à Karl Marx, ni hier ni aujourd'hui, n'est en soi un gage de méthode et d'engagement social (Jean-Marie Vincent parle d'un marxisme sans Marx, « fortement marqué par l'économisme et les sociologies positivistes »)…

J'en reviens à l'introduction de Jean-Marie Vincent. L'auteur discute de la production pour la valorisation du capital, des marchandises et de la perception des êtres humains du monde, « Fascinés par la valse ininterrompue des marchandises, ils vivent leur existence de façon hallucinée ou comme un rêve éveillé, se dédoublant eux-mêmes en être souffrants, souvent écrasés par les rapport de travail et ballotés par les événements, et en pratiquant le culte de la marchandise sans ses différents temples », de l'argent comme rapport social dans le capitalisme, de la force de travail « ayant un rôle fondamental dans la genèse de l'argent », d'objectivité sociale, d'individualisation, « Cette individualisation est toutefois profondément ambivalente, car elle s'exprime de façon prédominante par et dans ses significations monétaires, dans les luttes incessantes pour se valoriser ou éviter de se dévaloriser, en recouvrant, en refoulant les autres significations que l'on produit dans les relations avec les autres et avec le monde », d'intériorité « fragile, solitaire et velléitaire », de mythification du progrès technique et de la science, des conceptions socialistes de nouvelle économie « sans qu'il y ait à changer rien de substantiel aux rapports de travail », des structures de la pensée et de l'action, « des effets du mouvement de la valorisation et du Capital sur les structures de la pensée et de l'action », des particularités de la rationalité capitaliste, « La rationalité capitaliste avec ses modes de penser et de calcul n'est en effet pas la rationalité en général, elle est la rationalité d'assujettissement à la valorisation et ses mouvements et elle fait sentir son emprise sur la façon dont les acteurs se pensent les uns les autres dans la concurrence et l'affrontement et la soumission aux machinerie du capital »…

Il ne faudrait pas croire que cela ne concerne que les rapports de travail. L'auteur indique qu'il est impossible pour celles et ceux qui se revendiquent du marxisme d'« intervenir avec efficacité dans les débats culturels de l'époque. Ils sont largement absents des discussions très vives qui portent que le progrès, sur la crise des valeurs, sur la sexualité et l'inconscient et ne parviennent pas à comprendre que ces affrontements intellectuels apparemment si éloignés de la lutte des classes reflètent des malaises profonds dans la société et la fragilité des liens sociaux dans les rapports sociaux extériorisés par rapport aux individus ». Si cette critique visait les marxistes du début du XXème siècle, elle reste bien d'actualité. Sans m'attarder sur le sujet, le verbe « refléter » ne me paraît pas le plus adéquat car pouvant renvoyer à des lectures économistes et/ou déterministes linéairement.

Jean-Marie Vincent poursuit sur la mythologie du « travail rédempteur », les réactions de révoltes passéistes, les positions relativement conservatrices dans le domaine artistique, le marxisme dit orthodoxe, les relations entre partis et syndicats ou entre représentation et organes de bases lors des processus révolutionnaires, le rôle de l'Etat réduit à « un ensemble d'institution qui sanctionne et verrouille la répartition des pouvoirs dans la société » et laissant de coté « les modes d'articulations de l'Etat aux rapports sociaux ainsi que les relations entre ses organisations bureaucratiques et les machineries du Capital » (en complément possible, Antoine Artous, Tran Hai Hac, José Luis Solis Gonzalez, Pierre Salama : Nature de l'Etat capitaliste. Analyses marxistes contemporaines)

Il discute de socialisation émancipatrice « comme lutte conséquente contre les dissociations produites par la valorisation capitaliste », de violence « la violence contre l'autre est inscrite dans les relations sociales et dans les affrontements quotidiens entre individus », de solidarité internationale, de démocratisation, « C'est en effet à travers une démocratisation généralisée que les rapports sociaux peuvent se transformer et dessiner les contours d'une société libérée et de liberté »… Je souligne sa critique des politiques après octobre 1917 en URSS.

Jean-Marie Vincent insiste sur la réification des rapports sociaux, les obstacles que rencontrent les exploité·es et les dominé·es « pour comprendre leur situation et les rapports sociaux, les modalités sociales de production des connaissances, le rôle des affects dans le conditionnement des comportements et des pratiques ». J'ai notamment apprécié ses développements sur l'Ecole de Francfort et ses explications autour de la théorie de la forme valeur des produits du travail ou sur les travaux de Pierre Naville, « le travail comme rapport social, comme forme d'organisation des activités de production et comme forme d'insertion des travailleurs dans des relations sociales qui les dépassent ». Je suis plus réticent à l'utilisation de la notion de « conscience mystifiée »…

Je souligne aussi la place de la marchandise, « l'examen critique de la marchandise est très précisément ce qui constitue le soubassement de la critique de l'économie politique », celles et de ceux qui n'ont « jamais voulu de réconciliation avec l'ordre existant », l'historicité du travail critique et la nécessité de reprise et d'enrichissement de la critique de l'économie politique, la nécessité de « saisir les processus de devenir réel de l'imaginaire de la valorisation et de déréalisation des supports de cette valorisation dans une danse complexe de formes d'apparition qui sont en même temps des formes d'occultation », les processus cognitifs, l'exercice de la raison, « La raison devient fétichiste de ses propres usages dans lesquels elle voit sa propre justification »…

Je me suis attardé sur certains points de l'introduction. La richesse de ce texte me semble une invitation à penser et agir, ou comme l'écrit l'auteur : « Il faut voir, dire et combattre les rapports sociaux autrement ».

Sommaire

I. Marx, ce méconnu

La résistance et la reprise de la dialectique

Engels, précurseur de Marx

Marx l'obstiné

Critique de l'économisme et économisme chez Marx

La lecture symptomale chez Althusser

Althusser et les sciences sociales

II. Les marxistes dans leurs pratiques

Trotsky et l'analyse de l'Urss

Le marxisme et les contradictions du « socialisme réellement existant »

Le travail planifié selon Pierre Naville

Ernest Mandel et le marxisme révolutionnaire

Comment se débarrasser du marxisme ?

Comment se référer à Marx

Dans sa conclusion, Jean-Marie Vincent souligne, entre autres, que le monde de la mondialisation constitue « un monde unifié qui se fractionne et se fragmente autant qu'il rassemble et unit des éléments jusqu'alors dispersés », des éléments qui concoure à rendre les sociétés « partiellement invisibles », la modernité hallucinatoire du quotidien, les perceptions narcissiques de soi, les dénis du droit, la « banalité des vies quotidiennes alimentées aux psychotropes ou à l'alcool », l'accumulation dirigée « par le Capital fictif et les marchés financiers », la logique systémique et aveugle de la valorisation, les subversions possibles « en jouant sur des décalages et des déséquilibres » (les contradictions) qui se produisent au sein des rapports sociaux, la place de l'intersubjectivité, les thématiques autogestionnaires. « Ce dont il doit être question, c'est d'une politique réinventée qui cherche à intervenir, sur ce que la politique traditionnelle négligeait, la répartition des pouvoirs dans les rapports sociaux, la mise en question des mécanismes économiques, la compétition dans la valorisation comme matrice de la violence sociale »..

Si l'auteur parle des apports du féminisme, « on se saurait surestimer, l'apport du féminisme à la lutte pour se libérer des liens du capital »), je ne peux que constater la non-intégration du travail domestique dans la critique de l'économie politique, l'oubli que le salarié « libre » des moyens de production et « libre » de vendre sa force de travail s'est aussi libéré du travail domestique sur un autre être humain, une femme. Ou dit autrement que la salariée « libre » des moyens de production et « libre » de vendre sa force de travail, n'est quant à elle pas « libre » du travail domestique. La référence au « producteur » sans prise en compte de son sexe (et cela est aussi valable pour sa « race ») ne permet pas de comprendre les mécanismes de domination et leur reproduction.

Il nous faut débattre, accepter de ne pas être d'accord, penser les conditions même d'élaboration de nos connaissances, reprendre le fil d'une critique radicale, renouer avec « la transformation des conditions de l'agir et de l'agir lui-même », ne plus considérer que les problèmes irrésolus sont secondaires ou mineurs…

« L'oeuvre de Marx doit être interroger de façon iconoclaste, irrespectueuse, sans lui accorder de privilèges particuliers »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Beaucoup de choses ont changé depuis la mort de Marx en 1883. Sans conteste l’un des changements les plus importants est le dédoublement de la société par un monde imaginaire qui prend les apparences d’un monde hyper réel produit par des images électroniques et une culture médiatique qui trouve ses mobiles dans la publicité et la marchandisation universelle
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La rationalité capitaliste avec ses modes de penser et de calcul n’est en effet pas la rationalité en général, elle est la rationalité d’assujettissement à la valorisation et ses mouvements et elle fait sentir son emprise sur la façon dont les acteurs se pensent les uns les autres dans la concurrence et l’affrontement et la soumission aux machinerie du capital
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Ce dont il doit être question, c’est d’une politique réinventée qui cherche à intervenir, sur ce que la politique traditionnelle négligeait, la répartition des pouvoirs dans les rapports sociaux, la mise en question des mécanismes économiques, la compétition dans la valorisation comme matrice de la violence sociale
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Fascinés par la valse ininterrompue des marchandises, ils vivent leur existence de façon hallucinée ou comme un rêve éveillé, se dédoublant eux-mêmes en être souffrants, souvent écrasés par les rapport de travail et ballotés par les événements, et en pratiquant le culte de la marchandise sans ses différents temples
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Le réel devient en quelque sorte le double de son dédoublement. Cette déréalisation a d’autant plus de force qu’elle peut s’appuyer sur la sublimation par la technologie et la sublimation dans l’effectivité technologique (l’utilisation des multimédias
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