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Citations sur Rituel du mépris (10)

On ne sait jamais, ce salaud, à quelle race il appartient. Plutôt il a vogué de race en race comme une goule, et ensuite il s'est fixé, il s'est trop bien fixé à la race des saloperies ambulantes. Pourquoi il a été choisi pour l'expédition, va savoir. Le charognard traître par excellence. Un vrai Wolguelam pure souche c'est tout dire. On lui demandait pas de venir, surtout si c'était pour son propre compte. Du côté des steppes jaunes il était né, à courir en sale solitaire. Ca lui a donné les idées et la pratique, tout ce qui est interdit en magie et la haine de la famille qui était aussi un autre tabou. Une haleine wolguelam sous une apparence feuhl. Ca vous refuse de paraître aux festins tribaux, monsieur enverra son sang par porteur spécial. Une grande giclée de sang, va savoir s'il en a mâché ne serait-ce qu'une goutte. Une pinte de sang facile à obtenir, à condition d'avoir eu des clients dans la semaine. Avec ses frères tout pareil, pas un scrupule. Tous ceux qui le gênaient, toux ceux qui voulaient le remettre sur le droit chemin, il les laissait derrière lui en cadavres. Soit parce qu'ils avaient été trop insistants avec lui, soit parce qu'il les avait entortillés au creux de ses sortilèges sur la vieillesse et le temps qui coule. D'un seul coup il les jetait dans ses miroirs et son goudron. pas beaucoup savaient en ressortir. Comme ça il a eu Golpiez. Les faibles d'abord. Il a eu Golpiez, il aura tous ceux qui comme lui réfléchissent trop au temps qui coule. Et lui, le genre à mâchouiller du tang-tang pour bien se différencier du reste du clan. A quoi on a pensé en l'emmenant sur Terre !
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"J'avais trois ans !Je ne laisserai personne dire que..."
L'écorchage ,la lampe nue, la brique, la peau retirée comme un gant , au milieu des ahanements et des jurons.
Et les gifles, le salpêtre qui se boursoufle en grappes sur les murs , les odeurs de scalp , de cordes.
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Je me tassais.Le vieux refuge, l'éternel,qui commençait à fonctionner.Derrière la muraille de ma peau;et ensuite derrière la chair; et plus loin encore s'il le faut -au-delà des plaques osseuses jusqu'à la vase tiédasse de la moelle.
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Arrête de faire le pitre !" disait-elle.
Et moi je lui obéissais, aussitôt et sans murmure. Son ton suffisait à me transmettre une partie de ce qu’elle ressentait, cette angoisse qui l’étreignait au matin lorsque venait l’heure de s’installer devant sa machine à sertir, et que se refermaient dans son dos les grilles de la grande porte.
Il m’a fallu attendre l’âge mûr, je crois, pour découvrir l’ampleur du dégoût qui déchirait ma mère. Elle avait eu la sagesse de le cacher : je ne l’ai jamais entendue se plaindre à haute voix des conditions infernales de notre existence, ni de la brutalité charbonneuse qui régissait les rapports entre les êtres. Ce ne sont pas des pleurnicheries que j’ai reçues d’elle. Elle ne faillissait pas à sa tâche d’éducation. Par l’intensité voulue de son exemple, elle m’apprenait la différence, l’opposition muette, elle me léguait les techniques du repli intérieur : je recevais sans m’en rendre compte toutes les leçons de ce silence.
Ce silence qui n’était rien d’autre qu’un hurlement, interminable et contenu.
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C’était un temps où venaient d’avoir lieu les grands déplacements de population dus à la guerre. Pour des raisons de survie, une paix relative régnait entre les clans. Réfugiés, déportés, déplacés, pêle-mêle sur les ruines, les peuples se réorganisaient là où ils avaient enfin trouvé domicile. Une fois installées sur leurs territoires de fortune, les tribus n’étaient pas très regardantes sur le voisinage et les promiscuités. Si l’on veut bien oublier quelques embrasements sporadiques, quelques lynchages et des émeutes racistes vite éteintes, il n’y avait pas encore de tension particulière dans les villes.
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Comme par un fait exprès, à la première occasion nous avions perdu la guerre. Celle par laquelle s’ouvrait la série, en grande pompe. Nous n’avions d’ailleurs pas tardé à perdre la seconde. Pour ceux qui savaient lire, on imprimait dans les manuels d’histoire que le commandement allié s’était trouvé affaibli par des luttes internes.
Nous autres, le petit peuple, nous ne cherchions guère à discuter des responsabilités véritables : la tête dans les épaules, un peu étonnés de n’avoir pas été déchiquetés et de pouvoir circuler sans laissez-passer, nous profitions de notre maigre paix. Il y avait du pain aux carrefours, des sucreries les jours de fête. Nous nous étions habitués à l’aube grise, au ciel putrescent de pluies glaciales, aux convois partant à la fin du jour. Puis était venue la troisième guerre, la plus longue, la plus affamante, la plus éloignée de tout ce que nous avions pu imaginer encore. Dès le début, nous avions espéré une défaite, avec tous les avantages qui d’ordinaire l’accompagnent et auxquels nous commencions à prendre goût : les cantines d’urgence des troupes d’occupation, la fraternisation dans les bas fossés et la poudre de chocolat distribuée à l’occasion des prises d’armes, pour ne pas parler des égorgements à la sauvette, au butin toujours juteux.
Le cessez-le-feu fut une surprise pour tout le monde. C’était à l’évidence une victoire rampante de l’ennemi ; au lieu de nous balayer militairement, ce qui lui eût demandé quelque chose comme quatre ou cinq journées bien remplies, il faisait un choix tactique de grande envergure. Voilà qu’il s’offrait de nous faire mariner dans notre écroulement pendant une ou deux générations. Ensuite de quoi se déroulerait la quatrième guerre, une blitzkrieg comme on en voit peu, et que nous perdrions, une de plus, mais cette fois-ci d’une manière horrible, sans flonflons au coin des avenues, sans caramels et sans guimauves. Avec seulement le bruit des cadenas nous flétrissant la tête. C’était moins drôle.
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Je ne crois pas faire preuve de présomption en estimant que le contre-espionnage est fort satisfait de mon travail.
Certes, le commandant Otchaptenko a eu quelques mouvements d’humeur en en prenant connaissance. Les feuilles se sont dispersées autour de moi tandis que volaient les premières claques de l’aube : l’automne des souvenirs se déchaînait dans la cellule. Mais cette colère était feinte, je pense : une vieille technique bourrue d’inquisiteur, rien de plus qu’une mise à l’épreuve conventionnelle. Je riais tranquillement dans ma barbe alors qu’on me descendait à la cave. Même s’ils avaient eu la finesse de ne pas l’avouer, les officiers appréciaient à coup sûr mon obstination à compléter pendant la nuit les lacunes involontaires de l’interrogatoire. Il ne pouvait en être autrement.
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L’immortalité de Göchkeit cadre mieux avec le personnage. L’oncle s’était promis de vivre plusieurs siècles et il laissait entendre à son entourage qu’il ne reculerait pas devant les moyens à employer. Ses discours me donnaient le frisson : des demi-mots aussi repoussants que des mains d’étrangleur. Je l’imaginais en train de parcourir en grognant son existence démesurée ; sur son chemin, marqué par son odeur particulière, l’odeur de sueur saignante des Göchkeit, il dépassait les uns après les autres tous les membres de la famille, moi y compris. Je le suivais des yeux ; il conservait au cours des ans sa démarche d’ours, ses gestes hoquetants. J’avais mis longtemps à le réaliser, mais finalement j’avais saisi la nature de cette promenade effrayante : il se nourrissait de la mort des autres. J’avais une barbe blanche de vieillard ; il se retournait vers moi pour m’embrasser. Je vacillais ; c’était mon tour.
Tant pis pour mon image de marque auprès du public : je m’arrête là dans mes commentaires sur cette disparition.
Il y a des insolences qui sont dangereuses. Que ce fussent chutes dans des escaliers sombres ou soupes automnales trempées soudain aux amanites, il m’a toujours semblé que l’oncle était responsable des accidents survenus aux membres de son clan.
Et je ne tiens pas à m’effondrer avant l’heure sur ces feuilles éparses que je noircis, sans lumière, en hâte, malgré les menottes qui m’entravent les chevilles et les poignets.
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C’était un rêve ! C’était seulement un rêve ! Les détails se perdaient à l’intérieur de l’image…
– Et alors, l’intérieur de l’image, ce n’était peut-être pas l’intérieur de ta tête ? C’était où, d’après toi, l’intérieur de l’image ?"
Un songe de la mauvaise heure, rien de plus. Je me formais.
J’apprenais à me sentir en sécurité au milieu de la terreur.
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J’admets que ce que je hurle ne correspond pas souvent à ce que je chuchote pour moi-même. Il me semble que les enquêteurs ne s’en rendent pas compte. Ce n’est du reste pas mon problème. Ils n’ont qu’à me poser des questions plus subtiles, au lieu de me faire répéter les mêmes phrases depuis le matin.
Plus fort, encore plus fort : mes cris résonnent sous les galeries de béton. Et cela ne suffit pas. Maintenant que j’ai commencé à vider mon sac, ils exigent une voix claire, une articulation impeccable.
"Parce que tu pouvais juger, à cet âge-là ? À trois ans ?"
Oui et non, juger, je ne sais pas. J’étais précoce mais je m’arrangeais pour le cacher – autour de moi rôdaient les adultes, qui tout en m’enseignant l’indépendance intellectuelle ne m’eussent pas permis de la mettre en évidence. J’étais souterrainement précoce ; je devais feindre sans cesse la non-existence, la soumission, l’obéissance taciturne.
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