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EAN : 9782021139044
616 pages
Seuil (21/08/2014)
3.51/5   294 notes
Résumé :
Alors que le dernier bastion de civilisation s'effondre avec la chute de la Deuxième Union soviétique, les déserteurs Kronauer, Vassilissa Marachvili et Iliouchenko commencent un périple sans retour. Pénétrant dans les territoires irradiés par les accidents nucléaires, ils se dirigent vers Terminus radieux, un kolkhoze hors du temps régenté par un nécromancien immortel et une liquidatrice héroïque...

« Le kolkhoze Terminus radieux ressemblait plus à u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (66) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 294 notes
"En te promenant dans ton propre pays, voyant tes voisins et même ton cadavre, tu penseras douloureusement :
"me voilà donc mort" !"
(Bardo Thödol, le Livre Tibétain des Morts)

C'est la fin du monde tel qu'on ne le connait même pas.
La fin de la Deuxième Union Soviétique dont la capitale Orbise s'est effondrée. La nature a repris ses droits sur le monde dévasté par la guerre et les radiations, mais ce n'est plus la même nature. Les gens errent dans cet étrange décor, entre la sauvagerie du néant et les camps militaires dont on ne connaît pas l'emplacement exact, mais ce ne sont plus les mêmes gens.
Rien n'est comme avant. Même pas les corbeaux... surtout les corbeaux !

Dans les herbes hautes de la steppe - la valdelame-à-bouclettes, la clé-de-chine, la talmazine, l'octroie - se cachent trois déserteurs. Deux ex-vaillants ex-soldats Iliouchenko et Kronauer, et Vassilissa Marachvili. Irradiés jusqu'aux os. Vassia est mourante. Impossible de se ravitailler au kolkhoze abandonné qui est tout près, car un bizarre train militaire vient de s'arrêter devant son portail.
Kronauer va alors braver les dangers de la taïga pour chercher de l'aide. La taïga dont les mousses luisent dans l'obscurité et dont les arbres hurlent à l'intérieur de votre tête...
... et il trouve Terminus Radieux.
Un kolkhoze dont le temps de gloire est passé, suspendu entre "avant" et "maintenant"; entre "être" et "non-être". L'immortelle mémé Oudgoul y parle à la pile nucléaire en lui offrant des vestiges des temps passés, et en tournant les boutons de sa vieille radio dans l'espoir de capter encore quelques slogans de l'ancienne propagande. Il y a aussi le président Solovieï, moujik sorcier, grand marionnettiste des choses prétendument vivantes. Et ses trois étranges filles.
Kronauer va devenir une sorte d'élu qui va jouer un rôle dans le destin de Terminus Radieux, mais y a t-il encore un Destin ? Quand on se pique avec l'aiguille d'un phonographe dont les rouleaux contiennent les mélopées chamaniques du thaumaturge Solovieï, que devient la réalité ?
Sommes nous vraiment vivants, ou errons-nous dans le bardo, cet état entre deux états, entre la vie et la mort, dans une rêverie sans fin, sans durée... le corbeau vous le dira. Peut-être.

"Terminus Radieux" est une trouvaille inattendue. Je n'ai encore jamais lu un livre similaire (même le terme "réalisme magique" paraît bien fade), et ce n'est pas étonnant. C'est un roman "post-exotique", un courant créé par Volodine lui même et entretenu sous ses différents pseudos. Volodine ? Kronauer ? Tout est subtilement entremêlé entre la réalité et la fiction, le présent physique et le rêve. 49 livres de 49 chapitres (autant que les jours d'errance dans le bardo tibétain) qui vous feront entrer dans des vases communicants entre ici et là-bas. Au corbeau de vous guider, mais attention ! Il peut s'immiscer dans votre tête pour vous raconter des mensonges...

Cela peut paraître incroyable, mais si vous décidez de jouer le jeu, le livre se lit sans effort. Volodine a réussi à créer un monde très poétique non seulement dans ses évocations d'images, mais aussi dans cette mixture de l'aventure post-apocalyptique classique avec des mondes oniriques où les corps et les esprits errent pour se recroiser dans d'autres lieux, d'autres temps et d'autres contextes, pour évoquer leurs souvenirs d'autrefois. La nature, culture et littérature inventées de toutes pièces font pendant à la culture ancienne, les bylines et contes de fée russes. Palais illusoires, oiseaux magiques, trois filles, l'eau vive et les morts qui se lèvent... on a déjà vu tout ça. Même Solovieï, on l'a déjà rencontré dans le personnage légendaire de Kochtcheï l'Immortel, ou bien le Rossignol-Brigand. Il y a peut-être dix ans, peut-être mille. Qui s'en souvient ?

Cinq étoiles. Je vais me faire une tisane à la vierge-tatare, pour revenir dans le monde normal.
Adieu, corbeau... à un de ces quarante-neuf !
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Terminus, tout le monde descend. Destination éblouissante, radioactive, ionisante, oui radieuse façon irradiante…Limbes herbeuses et ventées, entre rêve et réalité, mariage de la défaite de l'internationalisme communiste, des camps et du chamanisme, limbes desquelles vous ne reviendrez pas car c'est un voyage vers la fin de tout, sans retour possible, à un rythme hypnotisant.
Sentez-vous votre identité devenir poreuse, sentez-vous les senteurs d'absinthes, voyez-vous ces routes à l'abandon, ces voies de chemin de fer envahies par les herbes, percevez-vous les vibrations de l'air et cette lumière aveuglante mais froide, sentez-vous le regard de ce corbeau, là en face, qui vous regarde de ses yeux étrangement mordorés et qui semble vouloir vous guider ? Entendez-vous le silence ? Voilà, vous êtes bien arrivés et n'êtes pas prêts de repartir. Une fois que l'on goute aux terres volodiniennes, on ne peut s'empêcher d'y revenir, 49 narrats fois 49 kilomètres, soit 2401 kilomètres de lecture ensorcelante et absolument unique…

« le panorama avait quelque chose d'éternel. L'immensité du ciel dominait l'immensité de la prairie. Ils se trouvaient sur une petite éminence et ils voyaient loin. Une voie ferrée coupait en deux l'image. La terre avait été autrefois couverte de blé, mais au fil du temps elle était retournée à la sauvagerie des céréales préhistoriques et des graminées mutantes ».

Mais que vais-je raconter sur ce livre inracontable sans passer pour une allumée qui aurait avalé quantités de trucs hallucinogènes ? Car ce livre ne se raconte pas, il se vit. Et pour le vivre il faut abandonner toute rationalité. Oui, laissez-la par terre, votre rationalité, au milieu des valdelame-à-bouclettes et des Jeannes-des-communistes et laissez-vous irradier avec volupté…

C'est une expérience de littérature comme il en existe peu et d'ailleurs, je cherche, ai-je déjà lu quelque chose de ressemblant ? Je ne crois pas, le réalisme magique me semble bien faible pour le qualifier, la SF post-apocalyptique aussi. le post-exotisme de Volodine est à part, sans comparaison possible. C'est l'assurance de plonger dans un monde à nul autre pareil, et ce dès les premières pages, sa poésie de fin du monde aux tonalités sepia vous enveloppe pour ne plus vous lâcher et s'immisce en vous, vous ensorcelle de son onirisme, de ses mille références, de son humour corrosif, de son temps élastique, de ses distances floues et fluctuantes, de la présence de l'auteur à vos côtés qui ne revêt pas forcément le personnage que vous croyez…

Alors peut-être commencer par vous dire où nous sommes et à quelle date nous sommes, oui commençons par cela, plantons le décor. Immédiatement vous voilà projeté dans un futur indéterminé qui vous cueille en pleine steppe sibérienne cernée de taïga. La Seconde Union Soviétique communiste s'est effondrée sous l'assaut des forces contre-révolutionnaires capitalistes. Effondrement politique mais aussi effondrement écologique puisque les mini-réacteurs nucléaires qui devaient fidèlement servir la décentralisation énergétique pour fournir de l'énergie propre et en quantité importante à la Seconde Union Soviétique se sont totalement détériorés inondant la terre de radiations. L'humanité et la civilisation, la faune sont en péril. Reste quelques survivants, souffrant de malaises, d'affaiblissement, de dégout de l'existence, de diarrhées, de perte de cheveux et de poils, dans ce monde qui s'éteint et qui retourne au végétal comme le montre les herbes et les fleurs omniprésentes dans le livre, néologisme végétal de toute beauté.

« Ciel. Silence. Herbes qui ondulent. Bruit des herbes. Bruit de froissement des herbes. Murmure de la mauvegarde, de la chougda, de la marche-sept-lieues, de l'épernielle, de la vieille-captive, de la saquebrille, de la lucemingotte, de la vite-saignée, de la sainte-valiyane, de la valiyane-bec-de-lièvre, de la sottefraise, de l'iglitsa. Crissements de l'odilie-des-foins, de la grande-odilie, de la chauvegrille ou calvegrillette. Sifflement monotone de la caracolaire-des-ruines. Les herbes avaient des couleurs diverses et même chacune avait sa manière à elle de balancer sous le vent ou de se tordre. Certaines résistaient. D'autres s'avachissaient souplement et attendaient un bon moment, après le souffle, avant de retrouver leur position initiale. Bruit des herbes, de leurs mouvements passifs, de leur résistance. »

Le roman met en scène Elli Kronauer, qui, ayant tout tenté pour défendre l'Orbise – capitale de la Deuxième Union Soviétique qui vient de s'effondrer sous les coups des « barbares », à savoir les capitalistes –, s'enfonce avec deux camarades dans les territoires irradiés, décrétés no man's land après une catastrophe qui a vu le dérèglement des piles nucléaires de tous les villages de la zone. Alors que les trois compères sont dans un état proche de la mort, sans nourriture et sans eau, Kronauer décide de se diriger vers un lieu, dans la Taïga, d'où s'élève une mince volute de fumée et donc probablement des maisons, afin de demander de l'aide.

Dans ce contexte absolument tragique, deux lieux vont venir alternativement dans le récit.

Un train tout d'abord, à l'arrêt au début du récit, proche des trois personnages qui doivent ainsi s'en cacher parmi les herbes hautes, qui se mettra ensuite en route pour un hypothétique camp de prisonniers où les pauvres hères qui sont à l'intérieur s'imaginent y vivre enfin heureux car contrôlés, régulés sévèrement et ce, dans une stricte égalité rappelant le communisme défunt. le camp comme réalisation parfaite du rêve totalitaire d'ingénierie sociale marxiste-léniniste. Ces chapitres hallucinants consacrés au train sont d'un tragique absurde qui glace le sang…

« Rien n'est plus souhaitable, surtout pour quelqu'un né dans le camp, que la vie dans le camp. Ce n'est pas une question de décor, ni de qualité de l'air, ni même de qualité des aventures qu'on risque d'y connaître avant la mort. C'est surtout une question de contrat respecté entre le destin et soi. Il y a là un avantage supérieur qu'aucune des précédentes tentatives de société idéale n'avait réussi à mettre au point. A partir du moment où tous peuvent prétendre à entrer dans le camp et où jamais nul n'y est refusé ou n'en ressort, le camp devient l'unique endroit du monde où le destin ne déçoit personne, tant il est concrètement conforme à ce qu'on est en droit d'attendre de lui ».

Un kolkhoze ensuite, jusqu'où va arriver Kronauer. Ce kolkhoze, « Terminus radieux », est gouverné par Solovieï, sorte d'ogre terrifiant, une force de la nature, à l'image d'un Tarass Bulba, chaman omnipotent qui s'introduit dans les rêves, les façonne, prend à des degrés divers le contrôle des êtres qui l'entourent, vous maintient en vie alors que vous êtes mort par exemple, au point de faire de tous les êtres qui l'entourent des pantins dont il tire toutes les ficelles. Il règne sur son monde, les humains vivants, ou morts, ou presque morts, ou régulièrement ressuscités, qui ne savent pas ensuite dans quelle catégorie ils sont, incertains quant à leur statut de vivants, de morts ou de chiens…Seule leur reste une errance sans fin dans la taïga. Éternellement. Je me suis demandé si Volodine n'était pas Solovieï car finalement n'est-ce pas là la puissance absolue de tout écrivain de tirer les ficelles et de manipuler et ses personnages et ses lecteurs ?
Vivent à ses côtés la mémé Oudgoul, héroïque liquidatrice rendue immortelle par les radiations et les trois filles de Soloveï, victimes de ses viols psychiques. L'arrivée de Kronauer va déséquilibrer cette mainmise et l'équilibre de ce milieu étrange. Là encore j'ai senti en ce personnage de Kronauer la présence de l'auteur, ce farceur qui m'a fait douter. Il faut dire que Antoine Volodine signe également des fictions sous le nom d'Elli Kronauer…Soloveï et Kronoauer seraient-elles les deux faces miroir de Volodine en tant qu'auteur ?

« On est tous ni morts, ni vivants à "Terminus radieux". On est tous des morceaux de rêve de Solovieï. On est tous des espèces de bouts de rêves ou de poèmes dans son crâne. Ce qu'on lui fait, ça compte pas pour lui.(...) Ça compte pour du beurre. C'est rien. Ça va s'effacer ».


Fascinant livre sertie d'une poésie noire qui donne son ton au roman, coincée entre auto-dérision (le courant post-exotique est mainte fois cité et critiqué) et magie, entre dénonciation de la catastrophe écologique et antagonismes des systèmes de pensée, poésie qui infuse et apporte beaucoup au côté hypnotisant du récit. Un livre dont chaque relecture apporterait un éclairage autre, je le pressens. Oui, ce livre m'a fait l'effet d'une bombe entremêlant plusieurs plans de conscience en moi, comme avant l'endormissement, lorsqu'un sursaut vous fait sauter en l'air dans votre lit pensant tomber dans un puits de 2km au fond duquel se terre une pile radioactive…


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Aborder l'univers d'Antoine Volodine c'est un peu comme entrer dans une cathédrale gothique, on y entre le pas hésitant face à une architecture complexe et imposante baignée par une lumière crépusculaire. le regard ébahi devant une littérature du désastre bien singulière, un roman d'aventures et de mythes à la surface duquel scintille une poésie du délabrement.
Terminus radieux c'est l'échec de la seconde révolution soviétique, vraisemblablement sur le territoire russe même si les repères spatio-temporels sont déformés, avec des territoires en ruine, un no man's land irradié dans lequel erre une humanité à bout de souffle.

Terminus radieux c'est surtout une atmosphère étrange puis léthargique qui pénètre en vous. Il y a bien sûr cette radioactivité invisible et mortifère qui installe le récit dans un sentiment particulier. Mais l'auteur nous entraîne dans une vision hallucinée du réel qui dérape et tente de se reconfigurer de manière fuyante. On s'y perd parfois comme s'égare le personnage de Kronauer, un déserteur qui dans sa fuite se retrouve dans un kolkhoze tenu d'une main de fer par un sorcier adepte des pratiques chamaniques et incestueuses. Oui quelques énergumènes subsistent dans cet espace inhospitalier ravagé par des centrales nucléaires qui n'en font qu'à leur tête.
L'auteur introduit tant d'incertitude et de dissonance que l'on se retrouve au cours de cette lecture un peu hébété.On tente alors de s'accrocher à des indices, des éléments significatifs avant de se rendre compte que finalement ce n'est qu'illusion, souvenir, obsession. On progresse dans la lecture avec la sensation d'être en plein sommeil paradoxal, cette phase où, la conscience brumeuse, les rêves sont surréalistes avec des images floues et inachevées. Peut-être parce que la réalité est tellement brutale qu'il vaut mieux inscrire le récit dans un univers intermédiaire et voir les personnages se réfugier dans une dimension onirique et absurde. Seule voie possible lorsque subsiste la nostalgie d'un idéal égalitaire alors que l'avenir semble être une vaine perspective, une lente décrépitude physique et mentale, un voyage vers la mort interminable...

Véritable curiosité, comme celles que l'on exposait dans les cabinets au 18e siècle, Terminus radieux est fascinant par la poésie de la noirceur qu'il dégage. Elle investit le roman d'un ton unique qui fait qu'on est rapidement absorbé par la lecture malgré la sensation d'apathie qui infuse à travers le récit.
Cette première incursion dans le post-exotisme sans savoir si Terminus radieux est particulièrement représentatif de ce courant, ponctué de quelques traits d'humour, fut un excellent moment de lecture.
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Une littérature taillée pour la Fin des Temps, extraite de l'huile noire afin de survivre à la fin de l'histoire, partout et jusqu'au bout.

Rencontrer l'oeuvre d'Antoire Volodine et de ses avatars post-exotiques a fini par m'arriver, comme elle finira, je l'espère, par vous arriver aussi, nombreux parmi nous n'ayant encore gravi la margelle sombre et indistincte marquant l'entrée de ce véritable monde post-historique, assez ambitieux pour être nommé à la manière d'un mouvement littéraire, regroupant quatre variations d'un même écrivain, sans véritable démarche égocentrique apparente. Un « nous » qui se veut rassembleur et transindividuel.
J'engage le lecteur intéressé à écouter sa conférence de 2019 aux Rencontres Internationales de Genève intitulée « Désarroi » https://youtu.be/x5oPEqyamTA , et la lecture de ce « Terminus Radieux », excellentes portes d'entrée dans cet édifice littéraire érigé pour les siècles à venir.
Je viens de suivre ce chemin.

Le livre en soi bénéficie de suffisamment de bonnes descriptions, ici et ailleurs, pour n'y rajouter, en ce qui me concerne, que des noms, des évocations littéraires allant des « Guérillères » de Monique Wittig à la Kolyma de Chalamov, aux effondrements soviétiques de Zinoviev…
Volodine ne crée rien de nouveau, il agrège l'histoire et le langage jusqu'à leur disparition et leur rémanence éternelle.
Volodine crée des noms d'herbes déjà mortes plus vivantes que son lecteur.
Volodine est peut-être en fin de compte un dieu à qui toute dévotion serait inutile.
A bientôt, Volodine.
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En ce mercredi 7 décembre 2022, 17h35, heure de Paris (19h35, d'après le site utc.city, au Levanidovo, dans l'oblast russe de Tver), je m'apprête à abandonner avec délectation, le temps de ces quelques digressions -«chroniques» dans mon cas!-, les paramètres usuels de géolocalisation et de synchronie temporelle, afin de pouvoir accéder à nouveau - «pour l'éternité tant que cela puisse durer», selon les mots ô combien justes du poète- à l'ubiquité et à l'achronie normalement «interdites aux vivants, aux morts et aux chiens», auxquelles l'auteur de cette injonction paradoxale nous fait pourtant accéder en toute beauté et simplicité, tout naturellement, beaucoup plus facilement en tout cas que ce que moi, très intimidé au départ, m'étais figuré -trop habitué peut-être, va savoir pourquoi, à me coucher depuis longtemps de bonne heure...
Rien, en effet, j'en suis maintenant persuadé, ne peut permettre de manière aussi rassurante et précise à un lecteur classique et/ou normalement rétif aux récits fantasy ou SF post-apocalyptiques très à la mode, tel votre serviteur, d'être convenablement introduit à l'univers «post-exotique» et absolument suis generis déployé par Antoine Volodine dans Terminus Radieux, que de passer directement à l'acte et s'attaquer à sa lecture!
Le cas échéant, assez rapidement dans l'avancement de son incursion, au moment où l'un des personnages principaux du roman, Kronauer, quitte la steppe sibérienne pour pénétrer dans la touffeur de la taïga, le lecteur verra son initiative récompensée par la voix du narrateur (quel qu'il puisse être d'ailleurs) lui indiquant à ce moment-là précisément où il se trouve : «dans un univers intermédiaire, dans quelque chose où tout existe fortement, où rien n'est illusion, mais, en même temps, on a l'inquiétante sensation d'être prisonnier à l'intérieur d'une image, et de se déplacer dans un rêve étranger, dans un bardo où l'on est soi-même étranger, ni vivant ni mort, dans un rêve sans issue et sans durée.»
Terminus Radieux s'ouvrira dès lors à son esprit en un théâtre d'ombres noir-jubilatoire, spectacle égaré dans un repli spatio-temporel à l'intérieur duquel se maintient allumé, coute que coute, «per omnia seaculo seaculorum», sur arrière-fond d'une taïga mythique ayant survécu à toutes catastrophes et grâce à un reliquat de piles atomiques toujours actives, le flambeau moribond des révolutions prolétariennes, tout comme, en état de demi-vie «sine die», ou de demi-mort «sine otium», les quelques rechapés irradiés qui continuent malgré tout d'errer sans destination précise dans un Bardo tibétain revu à l'aune du marxisme-léninisme.
Dans les décombres de l'antique kolkhoze soviétique au Levanidovo, dévasté par la catastrophe nucléaire ayant scellé l'effondrement définitif de toutes utopies égalitaristes et la victoire irrévocable des «chiens», tourne à vide, comme dans une chambre mortuaire à échos, un topos matérialiste-dialectique mêlé à des litanies post-chamanistes issues des visions hallucinées, débitées en boucle par la voix omniprésente et tonitruante de Solovieï -président du kolkhoze Terminus Radieux, Timonier omnipuissant, issu cependant d'une ancienne dissidence anarcho-trotskiste, personnage au tempérament ambigu et imprévisible doublé d'un Chaman rompu au «Grand Jeu», dans la lignée d'un Raspoutine ou d'un Gurdieff...
L'on quittera, quelques centaines de pages plus tard, à la fois sidéré et parfaitement subjugué l'immersion accomplie dans cet inclassable espace incurvé et volodinéoforme, fondamentalement transgressif vis-à-vis des codes narratifs et des genres littéraires dans lesquels nous essayons, quelquefois malgré nous, de circonscrire nos petites lectures. Bien qu'une certaine parenté pourrait légitimement être envisagée entre le «post-exotisme» dont l'auteur, ses divers personnages bardes et ses hétéronymes personnels se réclament à toute occasion, avec d'autres constellations littéraires reconnaissables (réaliste magique, SF post-apocalyptique, oulipienne, absurde, pataphysique...), le post-exotisme ne constituerait pas à la base, d'après Volodine lui-même, un «courant» littéraire nouveau, mais plutôt un «édifice» qui s'érige au fur et à mesure à partir d'un certain nombre de règles particulières de construction, qualifiées de «post-exotiques», cette dernière expression devant en outre être entendue, toujours selon l'auteur, plutôt comme «poétique» que descriptive.
Construction qu'on pourrait aussi, au moins sous certains de ses aspects, qualifier par ailleurs «d'exo-catégorique». D'un part du fait de son architecture intervallaire, placée dans une sorte d'entre-deux spatial -ici entre taïga et Bardo- («ubiquité»), et temporel -en l'occurrence entre un temps historique, l'Union Soviétique sous Staline, et un présent «mythologique» et circulaire- («achronie») ; d'autre part, du fait de l'abolition pure et simple de frontières entre des catégories contradictoires de la pensée, devenues parfaitement perméables, entre irréalité et réalité, entre inanimé et animé, ou encore entre sujet et objet de narration.
C'est ainsi que le «il» et « je» s'y confondent régulièrement ; mieux encore, un vague «nous» peut parfois faire supposer que le narrateur - qui qu'il soit en définitive, Volodine ou bien l'un de ses nombreux avatars- serait en fait un personnage (et anonyme, du coup) participant directement à l'épopée bardique, ce jusqu'à faire par moments songer, à un lecteur déjà initié sans même le savoir aux règles strictes de construction post-exotique, que tout le roman Terminus Radieux ne serait en définitive qu'un mirage de plus produit par le cerveau dérangé de Solivieï, voire l'un de ces nombreux narrats post-mortem composés par Hannko Vogoulian, sa fille, héroïne littéraire et probablement auteure alors d'un roman ayant enfin réussi à surseoir cette terrible aporie qui veut, selon Salman Rushdie, que «nous ne pouvons pas écrire l'histoire de notre propre mort, c'est là notre tragédie, d'être des histoires dont on ne peut pas connaître la fin, pas même nous, puisque nous ne sommes plus là pour l'entendre».
Toutes ces distorsions en apparence excentriques et désinvoltes de la réalité, générant lieux et époques historiques reconnaissables et en même temps indéfinissables, va-et-vient décomplexés entre des dimensions sensibles et supra-sensibles, ou encore mariages insolites entre systèmes de pensée antagonistes tels le chamanisme et le marxisme-léninisme, réussiront magistralement, grâce à la seule puissance naturelle et fluide des mots de Volodine, notamment à leur enracinement dans l'immédiatement tangible et à leur timbre particulièrement sensoriel, à faire naitre dans l'esprit du lecteur une atmosphère unique, onirique et réaliste, univers onirico-réaliste fascinant où tout devient parfaitement compatible et où absolument rien n'a l'air hasardeux ou bizarre.
«Elle n'a pu éviter les tics d'auteur. Elle ou moi peu importe. Elle n'a pu éviter de revenir, sinon régulièrement, du moins avec une certaine constance, à des scènes et à des situations fondatrices, à des images par lesquelles elle retrouvait les héros et les héroïnes qu'elle avait perdus, bien souvent nos meilleurs camarades hommes et femmes, des images d'errance dans l'espace noir ou dans le feu, des images de dialogues épuisés au pied des arbres ou au bord d'une étendue d'eau ou de goudron, des images d'amour éternelles sans retrouvailles, des images d'attente devant l'abîme, des images de steppe immense et de ciel immense.»
Foncièrement noir, oui, empêtré dans le goudron et dans les vestiges de la dégradation organique, sous un ciel obscurci par les cataclysmes et par les corbeaux, le langage chez Volodine persiste néanmoins à rendre la mort collective impensable, quitte à ce qu'individuellement, las d'espérer, l'on en vienne à souhaiter sa propre fin. Magnifique!
Evitez alors, cher camarade lectrice ou lecteur, le plus tôt possible, tout risque futur de «passer l'éternité à bailler en attendant que le monde se désagrège», ou d'attendre en vain, comme moi, et tel le camarade Mathias Boyol dans la morgue bouddhiste «Avenir pour Tous» débordant de cadavres, que quelqu'un vienne vous réciter le Bardo Thödol à l'oreille...
Embarquez-vous sans hésiter vers Terminus Radieux!
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critiques presse (11)
Liberation
19 octobre 2015
Bienvenue dans un étonnant livre, touffu, dense, qui mélange imagerie soviétique, légende chamanique et science-fiction.
Lire la critique sur le site : Liberation
LaPresse
13 novembre 2014
L'univers de Volodine est complexe, énigmatique. Étouffant par moments tant la force de sa plume parvient à nous embourber dans le tourbillon de cet enfer sans issue... mais néanmoins captivant tout au long des quelque 600 pages de Terminus radieux.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Liberation
12 novembre 2014
Le Médicis à Terminus radieux, paru au Seuil (lireLibération du 4 septembre), couronne à la fois un roman magnifique et une œuvre qu’on n’a pas fini d’explorer.
Lire la critique sur le site : Liberation
Lexpress
12 novembre 2014
Le roman Terminus radieux, avec lequel Antoine Volodine vient de remporter le prix Médicis, mêle science-fiction nihiliste, légendes chamaniques et imagerie soviétique.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
05 novembre 2014
Avec Volodine, c'est un récit mêlant science-fiction nihiliste, légendes chamaniques et imagerie soviétique qui est récompensé.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
05 novembre 2014
Terminus radieux est un livre d'actions et de mouvements – jamais de commentaires. Au cœur du roman, un train file vers un infini en forme de camp ou de kolkhoze. On dirait un nirvana où toutes les errances s'accompliraient et se concluraient.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaPresse
05 novembre 2014
Dans les territoires irradiés, après la «Deuxième Union soviétique», de rares survivants de l'utopie socialiste - tractoristes, kolkhoziens, komsomols, soldats en déroute, zeks en liberté, liquidateurs - sont les héros déchus de Terminus radieux, récit halluciné au style puissant dans lequel les hommes, devenus des mutants, ne savent plus s'ils sont morts ou vivants.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Bibliobs
05 novembre 2014
[...] son volumineux «Terminus radieux» (Seuil) est, sans doute, un de ses romans les plus aboutis, et les plus réussis.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
08 octobre 2014
Le secret, pour participer à ce rêve grave, consiste simplement à se laisser porter, envoûter, bientôt envahir par le souffle romanesque, les images fortes comme extraites de cauchemars familiers, les émotions d'une grande pureté qu'orchestre l'écrivain. Un enchanteur, à sa façon, héroïque et sombre.
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
19 septembre 2014
On retrouve tout cela, mais porté par un art du récit et un sens de l'aventure qui, lorsqu'on perd pied, tirent la tête hors de l'eau. Quand le monde aura fini de ressembler à un livre de Volodine, il verra peut-être que «Terminus radieux» est un grand roman halluciné [...].
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Liberation
08 septembre 2014
Terminus radieux est une Odyssée de l’errance, un roman du désastre que seul l’humour volodinien tempère, alliant le rire tibétain devant la vanité des choses à cette dérision propre aux pays de l’Est, qui sait pousser au paroxysme l’idiotie de tous les mots d’ordre.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
C’était un homme de haute stature, barbu, broussailleux, avec une grosse figure de héros irascible. Ses cheveux et sa barbe étaient restés noirs, comme s’il avait toujours la quarantaine ou la cinquantaine, alors qu’il avait à peu de chose près le même âge que la Mémé Oudgoul. Il dominait Kronauer d’une bonne tête et, en largeur, les deux hommes n’étaient pas comparables. Avec son coffre et ses épaules de lutteur de foire, son ventre dont les abdominaux débordaient, le président du kolkhoze donnait une impression d’invincibilité. Ses iris, d’une couleur fauve, cuivrée, empiétaient sur l’espace réservé au blanc de l’œil – particularité qu’on observe généralement chez les rapaces et assez souvent aussi chez les thaumaturges. On ne pouvait rencontrer un tel regard sans tout faire pour ne pas s’y noyer, et on détournait les yeux, mais alors c’était avec un sentiment de petitesse et de défaite. Ce Solovieï était habillé d’une chemise blanche sans col, serrée à la taille par une ceinture de cuir dans laquelle il avait passé une hachette. Son pantalon en toile épaisse entrait en bouffant dans d’énormes bottes de cuir noir. Pour résumer, il paraissait être issu d’un récit de Tolstoï mettant en scène des moujiks et des koulaks, à une époque préhistorique, antérieure à la première collectivisation des campagnes.
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Tous les mois, en effet, on nourrissait la pile. On ouvrait le lourd couvercle qui fermait le puits, et on balançait par-dessus la margelle une portion du bric-à-brac qu’on avait délaissé pendant une ou deux saisons, histoire de montrer qu’on n’agissait pas dans l’urgence et qu’on n’était pas impressionné par de misérables radionucléides. Des tables et des chaises, des postes de télévision, des carcasses goudronneuses de vaches et de vachers, des moteurs de tracteur, des institutrices carbonisées, oubliées dans leur salle de classe pendant la période critique, des ordinateurs, des dépouilles phosphorescentes de corbeaux, de taupes, de biches, de loups, d’écureuils, des vêtements apparemment impeccables, mais qu’il suffisait de secouer pour que s’en envole une nuée d’étincelles, des tubes de dentifrice gonflés d’un dentifrice qui bouillottait sans répit, des chiens et des chats albinos, des agglomérats de fer continuant à gronder de leur feu intérieur, des moissonneuses-batteuses neuves qui n’avaient pas eu le temps d’être inaugurées et qui scintillaient à minuit comme si elles paradaient sous le soleil, des fourches, des sarcloirs, des haches, des écorçoirs, des accordéons qui crachaient plus de rayons gamma que de mélodies folkloriques, des planches de sapin qui ressemblaient à des planches d’ébène, des stakhanovistes endimanchés, la main momifiée autour de leur diplôme, oubliés pendant l’évacuation de la salle des fêtes. Les registres de la comptabilité dont les pages tournaient toutes seules jour et nuit. L’argent de la caisse, les pièces de cuivre qui sonnaient et trébuchaient sans que nul ne s’en approche. Voilà le genre de choses qu’on balançait dans le vide.
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Il vient d’entrer dans une réalité parallèle, dans une réalité bardique, dans une mort magique et bredouillée, dans un bredouillis de réalité, de malveillance magique, dans une tumeur du présent, dans un piège de Solovieï, dans une phase terminale démesurément étirée, dans un fragment de sous-réel qui risque de durer au moins mille sept cent neuf années et des poussières, sinon le double, il est entré dans un théâtre innommable, dans un coma exalté, dans une fin sans fin, dans la poursuite trompeuse de son existence, dans une réalité factice, dans une mort improbable, dans une réalité marécageuse, dans les cendres de ses propres souvenirs, dans les cendres de son propre présent, dans une boucle délirante, dans des images sonores où il ne pourra être ni acteur ni spectateur, dans un cauchemar lumineux, dans un cauchemar ténébreux, dans des territoires interdits aux chiens, aux vivants et aux morts. Sa marche a commencé et maintenant, quoi qu’il arrive, elle n’aura pas de fin.
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Il ou Je peu importe. Lui ou moi même chose. Il est là, à proximité des sapins, en rien remarquable, à première vue. Il ressemble à tous les corbeaux mâles de cette région du monde (...) il bat l'espace transparent, l'espace fluide, et il entend le claquement de ses ailes, et cela lui procure une satisfaction ineffable, j'entends avec plaisir le claquement de mes ailes qui m'indiquent sans ambiguïté que je suis là, concret et noir, et il craille deux fois, un cri de contentement pur, pas de joie mais de contentement, la première fois sans y avoir mis plus que de l'instinct, la deuxième en connaissance de cause. C'est une affirmation de soi, mais aussi un appel. Il ne s'adresse à personne en particulier (...) c'est plutôt un appel qui est destiné aux forces qui l'entourent et qui le portent, pas une prière et encore moins une supplique, plutôt un salut, plutôt une marque d'affection qu'il lance vers le Premier Ciel gris et vers le Troisième Ciel girs, vers Madame la Gauche-Mort, vers Notre-Dame des vibrations très-chaudes, vers Grande-Dame des vibrations très-froides, une caresse sonore pour les Sept Flux étranges, pour les Cinq Museaux, pour les Flammes du Silence étrange (...)
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Solovieï se piquait d'être non seulement révolutionnaire mais poète, et donc il estimait qu'il avait le droit de dire haut et fort ce qui lui passait par la tête. La perspective de devoir écrire des mensonges pour sauver sa peau le mettait en rage. Il sabotait ses autocritiques en y insérant des narrats ésotériques, des considérations sur l'apocalypse et des discours politiquement incorrects sur la sexualité et les rêves. Sur le papier officiel des dépositions, il exposait son espoir que viendrait un temps où chamanes, experts en sorcellerie, mages et disciples de l'oniromancie seraient seuls en charge de la lutte des classes et nomadiseraient librement dans les villes et les campagnes. Les relations de Solovieï avec les autorités s'étaient envenimées.
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Vidéo de Antoine Volodine
Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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