— Cette fois-ci, le coup du cocktail n’aura pas marché, n’est-ce pas, Pony, continua-t-il en désignant le verre. Ce cocktail au chlorure d’éthyle, si pratique, qui vous endort son homme en cinq secondes ! Voulez-vous me permettre de vous rappeler ce qu’était votre petit plan de campagne ? Nous ayant soulagé de nos billets, vous alliez nous offrir un délicieux narco-tique, faire une inspection détaillée de nos poches et nous dé-pouiller de ce que nous possédons, c’est-à-dire de ce que nous possédions encore après que vous vous étiez approprié notre argent, puis nous porter dans quelque jolie ruelle sombre, aidés s’il le fallait par vos amis convoqués au moyen du téléphone. Ensuite vous partiez pour la France par le train de huit heures du matin, y dépenser vos biens si mal acquis dans une existence de débauche. De fait, vous avez votre passeport en poche, et, ce qui est encore mieux, assez d’argent pour vous assurer un séjour infiniment agréable. (p14)
Réussis à intéresser un homme à d’autres affaires que les siennes propres, et dès lors il n’est plus qu’une poire.
— C’est bien vulgaire, murmura Paul.
— Vulgaire, mais tellement vrai, répondit sérieusement Anthony. C’est le cas pour tout homme d’affaires, à moins qu’il ne s’agisse d’un génie. J’ai toujours remarqué, en outre, que les réformateurs étaient les plus crédules des gens. L’homme le plus facile à intéresser dans le lancement d’une nouvelle marque de whisky est un membre de la ligue antialcoolique Indigné de penser que la vente de cet alcool va rapporter des millions, il devient actionnaire, avec l’intention de contrôler la vente et de la restreindre par tous les moyens. Et bien entendu, il ne la restreint jamais, pour ne pas restreindre les dividendes. Quelle est la proie, toute indiquée du tricheur aux cartes ? le bon joueur, évidemment, qui se croit trop malin pour être volé. Celui qui ne joue jamais ne perd jamais. (p94)
— Oui, ça pourrait aller plus mal, accorda-t-il avec complaisance, mais ce qui me dégoûte, c’est de fiche le camp quand la saison est si bonne, et que les poches regorgent de beaux billets qui ne demandent qu’à prendre l’air.
— Il y a des années que les flics me courent après, dit-il, et ils ne m’ont pas encore eu, n’est-ce-pas ? pourquoi m’auraient-ils à la dernière minute ? Non, May, si je fais quelque chose ce soir, ce sera du travail tranquille ; et j’ai bien l’intention de ne pas perdre ma dernière soirée. (p5)
Je ne m’occuperai jamais d’un voleur poursuivi par la police ; cela me conduirait un beau jour à être pris en même temps que le poisson. (p41)