Le terme culte, s'il est souvent abusivement employé, convient parfaitement à « Barnaby ». Ce comic strip paraissait dans les années 40 dans une soixantaine de journaux, ce qui ne constitue pas un grand succès puisque certains comic strips apparaissaient dans plus de 200 journaux. Si « Barnaby » n'a pas eu un succès considérable du point de vue quantitatif, son impact a été énorme. Les fans de ce comic strip y étaient très attachés. Pour illustrer cet attachement on raconte que si une série à succès comme Tarzan par exemple ne paraissait pas un jour, ses lecteurs haussaient les épaules en disant juste « dommage », en revanche si « Barnaby » n'apparaissait pas dans le journal, celui-ci recevait 300 lettres indignées. Cette anecdote montre bien que s'ils étaient peu nombreux les fans de « Barnaby » étaient animés d'une véritable passion. Et parmi ces fans acharnés on trouve, entre autres, de grands noms de la B.D, de Charles Schultz à Art Spiegelmann en passant par
Bill Watterson. Certains trouveront d'ailleurs dans « Barnaby » une source d'inspiration. Ce comic strip mérite-t-il tant d'amour ? C'est avec curiosité mais aussi avec une petite méfiance que je me suis attaquée à ce recueil regroupant les 2 premières années du comic strip. En effet, j'ai déjà été déçue par des B.D appartenant au patrimoine. Par exemple « Flash Gordon » m'avait profondément ennuyée même si sa valeur historique est indéniable. Je craignais donc que ce « Barnaby » ait mal vieilli. Il n'en est rien. Ce comic strip est une petite perle à laquelle les années ajoutent un charme rétro.
Le point de départ est absolument réjouissant. le comic strip raconte les aventures de Barnaby, un petit garçon vif et plein d'entrain, et de Monsieur O'Malley, son parrain-fée. Ce dernier est un petit bonhomme rondouillard affublé de 2 petites ailes dans le dos et d'un cigare en guise de baguette magique. Les aventures de ce duo improbable mélangent avec bonheur des éléments magiques et surnaturels avec le contexte quotidien d'une famille américaine moyenne des années 40. Derrière le côté magique et amusant, le propos satirique pointe souvent le bout de son nez mais toujours de façon subtile. Cette finesse permet à « Barnaby » d'être une oeuvre intemporelle tout en étant très ancrée dans une époque. Mais le vrai point fort de « Barnaby » c'est l'humour. Tout en utilisant les mêmes mécaniques humoristiques, Crockett Johnson parvient à se renouveler régulièrement et à ne jamais ennuyer le lecteur. le comic strip est un style de B.D qui ne se prête pas toujours bien à la publication sous forme de recueil. En effet, ce qui fonctionne à raison d'une bande de 4 cases par jour peut vite être lassant si on lit plusieurs pages par jour. Ici il n'en est rien, si certains strips sont plus réussis que d'autres, l'ensemble est de très bonne tenue et à aucun moment, je n'ai ressenti de lassitude. Les situations sont très drôles et les dialogues sont savoureux. D'ailleurs je salue le travail de traduction qui est intelligemment fait. On a droit à de jolies formules (j'adore tout particulièrement l'Amicale Bouliste et Culinaire des Elfes, Farfadets, Gnomes et Lutins à laquelle O'Malley fait souvent allusion) et le traducteur a eu l'intelligence de ne pas chercher à traduire l'exclamation récurrente du parrain-fée, à savoir « Cushlamochree », qu'il aurait été bien difficile de traduire.
J'ai donc passé de délicieux moments avec Barnaby et son parrain-fée, ainsi qu'avec tous les personnages secondaires. Si vous aimez les Peanuts et Calvin et Hobbes, je ne peux que vous conseiller de découvrir le comic strip qui les a inspirés.