Excellent roman que j'ai acheté pour des raisons toutes personnelles. Partant aux îles Lofoten l'été prochain, j'avais envie de faire une première approche de cette région au travers de la littérature. Dans cette région du Nord, les éléments et la nature aride semble sculpter les hommes et leur caractère.
Wassmo que je ne connaissais pas en tant qu'auteure se révèle une excellente découverte. Ce roman est très bien écrit et se révèle passionnant. Voilà un écrivain qui semble-t-il nous livre une partie très intime de son existence (en témoigne la dernière page du roman). C'est en effet l'histoire de sa famille qu'elle nous conte, plus ou moins romancée sans doute. La romancière fait de son lecteur un arbre tel qu'elle le décrit elle même, qui s'enracine dans la terre ; étend son feuillage vers le ciel et voit passer les générations sur
cent ans. On est ravi, à l'état semi végétal de lecteur de contempler le temps qui passe sous l'effet de sa plume.
On découvre ces couples qui se succèdent sur les Lofoten et les Vesteralen et qui se transmettent tous en quelque sorte une forme de honte familiale. Les femmes ressortent magistralement de cet univers : Maria Suzanne qui est mariée à Johannes le bègue qui a le génie des affaires et communique grâce à son petit calepin. Elle a tout pour être heureuse auprès de cet homme humble, travailleur et aimant et pourtant elle succombe au charme du pasteur. Dans ces petits villages de la côte Nord où tout le monde se connaît, cela peut donner lieu à bien des rumeurs. le personnages de Johannes est exemplaire. C'est un roc dans la tempête, le pilier sur lequel toute une famille peut s'appuyer. Face à l'infidélité de sa femme, à l'incompréhension des autres au sujet des ses difficultés d'élocutions, il n'offre que de l'amour : en témoigne cette scène magistrale où son fils singe son handicap, est puni par sa mère. C'est Johannes qui donne toutes les preuves d'amour à son enfant malgré la honte subie. C'est encore lui qui devinant plus ou moins les relations entre sa femme et le pasteur choisit le silence et le pardon.
Il y a ensuite Elida, mariée à un intellectuel forcément décalé dans ce monde d'agriculteurs et de marins : ce Fredrik auquel elle est totalement dévouée et qui vit sa maladie de coeur à ses côtés jusqu'au bout. Magistral dévouement qui la conduit des ses îles du Nord jusqu'à Christiana : l'ancienne Oslo où les gens du Nordland sont considérés comme des bouseux arriérés. Ce déplacement de la famille contraint à mettre les plus jeunes des enfants en nourrice. Quelle douleur ensuite de s'apercevoir que ceux qui ont grandi loin des yeux maternels ne considèrent plus Elida comme leur mère.
Il y a ensuite Hjordis : celle qui pense faire un mariage d'amour et qui fait un mauvais mariage avec cet homme violent, soupe au lait que Herbjog appelle "Il" et dont on devine entre les lignes qu'il a commis toutes les cruautés, y compris envers ses enfants.
Ce roman magistral donne à voir la vie quotidienne des gens du Nordland, rythmée par les veillées, l'arrivée des harengs et les saisons de pêche, les nuits interminables dans ce grand Nord qui mangent les jours, les éléments déchaînés, la mer partout, la solitude et les enfantements sans fin pour ces femmes toutes à la tête de larges fratries.
Roman chaudement recommandé.