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Critique de kuroineko


Du bout des doigts nous entraîne dans l'Angleterre de 1862, époque victorienne chère à mon coeur de lectrice. Deux voix s'alterneront.

Le récit commence avec Susan Trinders dans le milieu interlope des voleurs et receleurs du Londres populaire. Sarah Waters dépeint avec art le Borough, avec ses pickpockets et ses us et coutumes bien ancrés. On s'y croirait d'autant plus que son texte s'émaille d'argot du milieu. A noter que pour rendre au mieux ce champ lexical, la traductrice s'est basée sur les termes argotiques des Mystères de Paris d'Eugène Sue et des Mémoires de Vidocq. J'ai donc découvert avec plaisir des mots comme grinchir pour voler et fourline pour voleur qui fait les poches. Fourline qui correspond d'ailleurs au titre original Fingersmith.
Il y a du Dickens dans cette partie car l'antre de Mr Ibbs n'est pas sans rappeler celui de Façon d'Oliver Twist, avec le démarquage des mouchoirs volés.
Susan est emportée par un dénommé Richard Rivers alias Gentleman vers un vieux manoir du Buckinghamshire pour un plan visant à mettre la main sur la fortune d'une jeune héritière naïve et esseulée, vivant quasiment en recluse chez son oncle bibliophile. L'affaire semble simple et assurera à Susan une partie du magot. Il lui suffit pour cela d'entrer comme femme de chambre au service de ladite Maud Lilly et d'encourager l'inclination d'icelle pour Gentleman en vue d'un enlèvement et d'un mariage.

La seconde voix est donc celle de Maud dont on découvre en même temps la très surprenante histoire en dépit de ses dix-sept petits printemps. Je n'en dis pas plus car ce serait gâcher la primeur de la découverte à tout futur lecteur.
Cette deuxième voix parle évidemment comme une jeune fille bien née et éduquée. Point d'argot du Borough ici. En revanche, on s'enrichit des termes propres à la bibliophilie du vieux Monsieur Lilly qui initie sa nièce à son art en vue d'en faire sa secrétaire.
Susan, Maud, à chacune sa spécialité...

En dépit de quelques petites longueurs occasionnelles, du bout des doigts confirme le talent de conteuse de Sarah Waters. Sa prose est un régal pour les yeux et ses reconstitutions du XIXème siècle nous y projettent de plein pied. On sent derrière la fluidité du récit une somme de recherches pour peaufiner son cadre contextuel. Perfectionnisme que j'avais déjà ressenti dans Caresser le velours avec les milieux du music-hall et du travestissement.
Ici les descriptions d'un asile pour femmes aliénées (ou dont la famille cherche à se débarrasser pour x raisons, comme dans L'étrange disparition d'Esme Lennox de Maggie O'Farrell) offrent une vision kafkaienne des aliénistes et de leurs méthodes thérapeutiques.

La quatrième de couverture présente Sarah Waters comme la digne héritière de Dickens et de Sapho. Il y a beaucoup de vrai dans cette affirmation même si ses propres qualités l'amènent à ne pas se figer dans un carcan désigné. Il me reste encore plusieurs ouvrages de sa main qui m'envoient leur chant des sirènes. A vous revoir sous peu, Madame Waters.
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