Elle ne savait rien de cette sous culture des femmes qui restaient, incapables d'expliquer leur allégeance par des voies logiques, qui tenaient bon parce que c'était ce qui leur paraissait le plus confortable, c'était là qu'allait leur préférence. Elle ne comprenait pas ce que c'était que le luxe du familier, du connu: le même dos saillant sous les couvertures, et la même touffe de poils dans la même oreille. L'époux.
Partout dans le monde, des maris et des épouses se posaient cette question de routine un peu inutile: Est-ce que ça va? C'est inscrit dans le contrat. Vous laissez entendre que cela vous tient à cœur, que vous êtes attentive, alors qu'en réalité vous seriez plutôt immergée dans l'ennui le plus imparable et le plus profond.
À la minute où j'ai décidé de le quitter, à la seconde où je me suis dit j'en ai assez, nous volions à onze mille huit cents mètres au-dessus de l'océan, nous foncions droit devant nous, dans une immobilité et une sérénité illusoires.
Moi, je ne tenais pas le monde dans ma main. Personne ne me l’avait proposé. Je ne voulais pas devenir « femme écrivain », peintre du monde dans des couleurs d’aquarelle, ou, à l’inverse, une dingue, une casse-couilles, une raseuse épuisante.
Des filles en groupe, c’était aussi rassurant qu’un hachis parmentier.
En effet, les femmes, en 1956, étaient toujours confrontées à des limites, à des négociations : où avaient-elles le droit de sortir marcher la nuit ? Jusqu’où pouvaient-elles laisser s’aventurer un homme, en tête-à-tête ?
Ma matière principale restait l’anglais, avec un intérêt tout à fait secondaire pour le socialisme.
« Cela tenait peut-être à cela, d'être écrivain : même les yeux clos, vous êtes capable de voir. »
« Les écrivains ont besoin de lumière. Ils vous le répètent tout le temps, comme s'ils étaient desséchés, comme s'ils étaient des plantes, comme si la page à laquelle ils travaillaient aurait pu revêtir une toute autre allure exposée plein sud. »
« Les textes que j'avais écrits n'avaient rien à voir avec la littérature de ces messieurs. La prose des hommes se répandait dans la page, s'étalait paresseusement comme quelqu'un qui prendrait un bain, se raserait, bâillerait, s'étirerait. Dans leurs fictions, les romanciers mâles inventaient des néologismes : « phallomatérialisme », « éro-tectonique ». Ils écrivaient eux-mêmes, sans même se donner le mal de modifier les détails autobiographiques. À quoi bon ? Ils n'avaient pas peur de se frotter à des alter-ego ; ils n'avaient pas peur d'avoir un ego. Ils tenaient le monde dans leur main, avec tout son contenu. »