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Critique de MakeSomeoneHappy


Première réaction : impossible d'écrire sur ce livre.
Pas les mots, pas le bagage et les études de philosophie, pas la connaissance suffisante de tous les concepts qui y sont évoqués, pas l'habitude de lire, de manier, des phrases aussi sinueuses, des réflexions aussi complexes.
Et pourtant, cet ouvrage m'intriguait. Je me sentais illégitime pour en faire un compte rendu exhaustif, pour me mettre totalement à son niveau mais, en même temps, je ressentais une proximité, il me semblait que ce livre parlait de moi, que ce livre m'était frère.
Alors, quand même, s'autoriser à être en ces lieux. Alors quand même, envie du défi de se confronter à ce texte ou, plus modestement, disons, de s'y frotter. Pour voir la trace qu'il aura laissé sur moi. Pas pour en parler de façon savante et maîtrisée mais juste pour dire tout ce qu'il m'inspire.
Esprit en mouvement perpétuel, abordant une multitude de sujets et thématiques (linguistiques, historiques, philosophiques, politiques, psychologiques…), Frédéric Worms s'inscrit dans l'histoire de la philosophie et des idées et il nous en partage des bribes toujours ciselées et signifiantes, en un plaisir gourmand.
C'est une grande richesse de ce texte, pour moi, cet horizon à dévoiler, tout ce qu'il me reste à découvrir, tous ces penseurs et penseuses magnifiques, promesses de tant de trésors encore à lire : Dante, Jean Amaury (des pages particulièrement touchantes dans leur évocation bouleversante de la lutte désespérée de l'intelligence humaine face à la torture et à la barbarie), Ricoeur, Proust, Bergson, Aragon, Bergman, Kertésy, Camus, Bachelard, Simone Weil
Worms se fait passeur de penseurs, il ouvre un cheminement stimulant parmi ces auteurs et autrices.
Et sa profonde sensibilité à l'être humain me touche.
Il est un regard lucide sur la vie : dans toutes ses dimensions, dans toutes ses forces contraires, dans tous ses équilibres à comprendre puis à préserver ou à retrouver.
L'importance de savoir déceler et combattre la tentation de l'absolu, si humaine et si illusoire.
L'importance que la vie, que l'amour, demeurent une aventure. Soif de toujours rester curieux de l'autre. de la curiosité de l'autre comme une définition de l'amour.
L'idée, majeure, universelle, que l'être humain, fondamentalement, est un être relationnel et que la relation à l'autre est essentielle dans le processus de guérison qui est au coeur du livre.
Tel est aussi ce texte qu'il est un travail des mots, merveilleusement écrit. Oui, c'est cela, on reste souvent émerveillé devant ce texte, sa puissance.
C'est un véritable champ linguistique qu'il explore inlassablement : revivre, renaître, reconnaissance, résilience, relation, lien, ouverture, renouveler, vie nouvelle, altérité, soin, recréer, se découvrir, se parler.
Une réflexion qui avance et se creuse à mesure qu'elle se pose et qu'elle extrait, de proche en proche, du sens, dans la richesse même des mots, par une sorte « d'art linguistique ».
Par le plaisir, aussi, de la parole qui se déroule et qui, soudain, s'éclaire d'elle-même, trouve son sens alors qu'elle chemine, trouve son sens dans son mouvement même et se découvre savante à mesure qu'elle s'écrit.
Enfin, de façon plus personnelle, après un parcours de vie un temps trop loin des livres, avec tout ce temps à rattraper, une fois de plus, la conjonction rassurante d'une extrême intelligence avec une extrême sensibilité. Cette preuve, si souvent désirée, cette démonstration, qui m'est d'un grand secours.
Comme le cours d'eau de ma vie, qui retrouverait son lit. Intelligence étouffée, si longtemps, par le manque d'amour. Sens oubliés, réflexion atrophiée, tout cela allait de pair.
L'esprit. le corps. L'équilibre nécessaire. Ou, comme le dit Frédéric Worms : « le soin du corps et le soin de l'âme (qui) sont indissociables ».
Ce livre-là, aussi ardu soit-il, je suis content finalement qu'il soit dans ma bibliothèque.
Un texte à lire et à relire, je ne sais pas si je l'épuiserai un jour.
Je veux dire : à lire et à relire probablement plusieurs fois sans en épuiser le sens.
Reflet de la vie qui gardera toujours une part de mystère. Et heureusement. Sans cela, quel goût aurait la vie ? Si une lumière divine nous l'éclairait si parfaitement qu'aucune zone d'ombre ne lui subsistait plus, s'il n'était plus rien à en découvrir, plus rien à en conquérir, quelle valeur garderait-elle à nos yeux ?
Un texte à lire et à relire donc, pour que toutes les idées, tous les thèmes qu'il brasse, diffusent en nous, nous agrandissent en quelque sorte, nous portent vers toute notre dimension d'Homme, vers tout ce que nous pouvons être. Quelle aventure !
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