Tu vas te trouver seul et pauvre n’ayant que des souvenirs pour peupler et dorer ta solitude.
Un cœur ne s'éveille qu'à la voix d'un cœur.
Ah ! combien ils mentent, ceux qui prétendent que la pauvreté est mère du talent ! Qu’ils comptent ceux que le désespoir a faits illustres et ceux qu’il a lentement avilis. Quand les larmes naissent d’une blessure reçue au coeur, les rides qu’elles creusent sont belles et nobles ; mais quand c’est la faim du corps qui les fait couler, lorsque chaque soir une bassesse ou un labeur de brute les essuient, elles sillonnent la face affreusement sans lui donner la douloureuse sérénité de la vieillesse.
Quand j’écris une phrase leste et coquettement drapée, je crois voir des anges et des aubépines en fleur.
...la misère est si froide qu’elle doit glacer les coeurs autour d’elle, et qu’étant soeur du vice, elle est timide et honteuse, lorsqu’elle est noble.
...la soie est si douce, la dentelle si légère ; le soleil rit si gaiement dans l’or et dans le cristal !
On entendait dans la fraîcheur le réveil du bois, ces mille petits bruits qui témoignent de la vie des sources et des plantes ; sur nos têtes étaient des chants d'oiseaux, sous nos pieds des murmures d’insectes, tout autour de nous des craquements soudains, des gazouillements d’eaux courantes, des soupirs profonds et mystérieux qul semblaient sortir du flanc noueux des chênes. Nous avancions lentement, nous plaisant à nous attarder au soleil et à l’ombre, buvant l’air frais, essayant de saisir les mots confus que les aubépines nous adressaient au passage. Ô la douce et souriante matinée, toute trempée de larmes heureuses, tout attendrie de joie et de jeunesse !
Hier, lorsque devant la fenêtre, en face du cadavre de Marie, je m'épurais dans la foi, j'ai vu le ciel, plein d'ombre, blanchir à l'horizon.
Je n’avance qu’en chancelant ; je n’ai pas pour me protéger cette belle tranquillité, ce silence du cœur et de l’âme. Je suis tout chair, tout amour, je me sens vibrer profondément à la moindre sensation. Les événements me mènent, je ne puis les conduire ni les surmonter.
J’ai la sainte gaieté du travail. Ah ! que j’étais fou d’être triste et que je me trompais en me croyant pauvre et seul !