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sur 907 notes
Dans cet opus, on retrouve Aristide Rougon, dit Saccard, cet homme sans scrupules, rongé par le vice, assoiffé de gloire et d'argent, prêt à toutes les infâmies pour régner en maître sur le monde de la finance. Emporté par une folie chimérique, il engagera un combat déraisonnable et sans merci contre son ennemi juré le banquier juif Gundermann dont il rêve de provoquer la ruine…

Emile Zola se saisit du thème de l'argent et de la finance qu'il décortique avec force détails et très habilement afin de nous faire une nouvelle fois toucher du doigt les excès dans lesquels les êtres humains peuvent se laisser entraîner, les convoitises qui bien souvent les conduisent à leur perte. Il nous fait pénétrer dans la Bourse de Paris, au palais Brongniart, et il ressuscite si bien ce marché financier que le lecteur s'y trouve projeté en plein coeur, au milieu de la foule vociférante et gesticulante des acheteurs et des vendeurs.
A la faveur de sa belle écriture dont il nous régale dans chacun de ses romans, il illustre avec talent l'ambivalence des sentiments qui nous assaillent, opposant toujours le bien au mal, la beauté à la laideur, l'admiration à la haine, le désespoir à l'optimisme. Ce récit d'une grande force et d'une beauté inouïe est avant tout une ode à la vie et à l'espérance. La saga des Rougon-Macquart est une oeuvre monumentale écrite par un éminent écrivain !
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♫ Argent, trop cher
Trop grand ♪
La vie n'a pas de prix, pas de prix ♬

Je continue de cheminer de manière chronologique dans la saga extraordinaire des Rougon-Macquart et me voici parvenu à présent au dix-huitième roman.
À l'entame de cet opus, je n'y allais pas avec le même enthousiasme ressenti au cours de mes précédentes lectures.
On le sait puisqu'il s'en est confié, Émile Zola s'est ici inspiré directement du krach de l'Union générale.
Malgré le sujet un peu austère et quelque peu rébarbatif a priori, - avouons-le ce thème pourrait éloigner la narration d'un récit romanesque, il y a cependant indubitablement une construction artistique qui fait de ce récit un très beau roman de Zola, un de ses meilleurs du reste, car le véritable thème de ce récit n'est pas l'argent mais tout ce qui imbrique autour de l'argent, personnages, intrigues, manoeuvres, désirs, passions, dérives abyssales...
C'est un roman sur la vie et qui vient faire sens avec le long cheminement qui serpente, couture l'oeuvre des Rougon-Macquart et visite le destin de ces deux familles. La vie, telle qu'elle est, dans sa force, dans sa violence et dans ses désillusions...
Zola ne fait pas de l'argent une cible sur laquelle il envisage de déverser sa bile. Ici, l'écrivain à aucun moment n'attaque ni ne défend l'argent, il se contente de décrire ses conséquences dans sa manière d'opposer les classes aisées aux classes pauvres et d'en tresser des histoires. La question sociale vient forcément, inévitablement, s'entrelacer dans l'intrigue du récit.
Ici, comme toujours, ce roman peut être lu pour la première fois sans tenir compte de la genèse qui porte l'ampleur de l'oeuvre des Rougon-Macquart. Cependant et je vous le conseille, si vous avez suivi les précédents volumes, vous reconnaîtrez le personnage principal dans sa fourberie, sa cupidité, son avidité de fortune, son hypocrisie, sa manière de sans cesse se retourner, s'esquiver dans une situation délicate ou dangereuse, j'ai nommé Aristide Saccard, frère du ministre Eugène Rougon, qu'on avait déjà vu amasser une fortune colossale dans La Curée. Après une succession de mauvaises affaires, il doit repartir de zéro, mais son ambition est demeurée intacte. Entre temps, il a retrouvé fortune, - ces gens-là ont une capacité à rebondir qui m'a toujours sidéré -, loue deux étages d'un hôtel particulier à Paris où il installe sa banque qu'il vient de créer et qu'il nomme la Banque Universelle, destinée à financer des projets de mise en valeur du Moyen-Orient. Tout est fait pour attirer petits et moyens épargnants, auxquels on promet des gains faciles et rapides. Mais voilà, on ne se refait pas, Aristide Saccard a l'idée de pousser son désir d'enrichissement un peu plus loin en rachetant des actions émises par sa propre banque, qu'il rachète sous un autre nom, tout ceci construit un édifice de sable qui ne tardera pas à s'écrouler.
Il faut lire ce roman mal-aimé comme un récit dramatique, disant du monde de la Bourse ce qu'est peut-être le monde qui tournoie autour de nous, tente de nous gouverner, malgré nos rêves et les papillons qui frétillent dans nos ventres.
Zola décrit ici des scènes saisissantes de réalisme ou la Bourse devient une arène à l'image d'une Rome antique, ce sont des fauves dans l'arène qui se jettent en pâture sur les plus faibles.
Puis vient forcément le moment fatidique...
Derrière l'histoire d'une ascension vertigineuse, effroyable, sans scrupules, celle d'un homme avide de tout, vient s'entremêler plusieurs narratifs, dont celui de l'antisémitisme dans la concurrence financière qui s'affronte sous ce Second Empire. Je retrouve ici l'écrivain que j'aime tant, peintre de l'âme humaine, fidèle aux faits, attentionné aux valeurs qui l'ont toujours guidé, toujours prenant le pouls de son temps pour nourrir son dessein qui demeure universel encore à mes yeux.
Les personnages, puisqu'il m'est permis dans dire deux ou trois mots, sont comme toujours ciselés à merveille, jamais manichéens. Émile Zola nous permet d'approcher certaines facettes improbables et nuancées d'Aristide Saccard dont j'ai apprécié l'ambivalence tout en détestant le personnage, sous le regard étonné, épris d'une certaine Caroline, magnifique personnage féminin du roman qui lui donne de la lumière, touchante à bien des moments, que j'ai parfois trouvé cependant bien naïve et trop complaisante avec le sieur Saccard, mais l'amour a ses raisons... Si c'était si lisse, y aurait-il des romans ? Elle aide cependant par son regard à questionner sans cesse le personnage principal et je reconnais que ce procédé habile est une prouesse littéraire à mettre à l'actif de l'auteur.
Pour donner envie aux amateurs de Zola et qui seraient quelque peu freiné par le thème, je rapprocherai volontiers cet opus de celui du Bonheur des dames, on y retrouve le même cheminement, ici l'emprise financière remplace le besoin de consommation, le décor change, les acteurs changent, mais l'axe narratif reste inchangé. de l'excellent Zola !
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Aristide Saccard est un poète, est-ce possible? Oui, pour Emile Zola: "le poète du million, tellement l'argent le rend fou et canaille, canaille dans le très grand!".
Aristide Saccard, après une succession de mauvaises affaires, se relance de plus belle dans la spéculation avec la création de la luxueuse Banque Universelle destinée à financer des projets de mise en valeur du Moyen-Orient.
Tout est mis en oeuvre pour attirer grands et petits actionnaires, comme les articles de presse dans un journal "L'Espérance" que Saccard a acheté, les rumeurs et les communiqués bien contrôlés. "Une agitation épileptique" s'empare de tous les actionnaires, tandis que rien, à part l'argent " cette gaité de se battre et de vivre", ne semble vraiment intéresser Saccard: l'amour que lui porte la douce Mme Caroline, l'enfant, dont l'usurier Busch lui apprend l'existence, à qui il ne trouvera jamais le temps de rendre visite.
Saccard augmente de plus en plus le capital de la Banque Universelle, simule des versements non effectués et achète les actions de sa propre société.
"L'Argent" d'Emile Zola plonge le lecteur dans l'univers boursier, l'obssession croissante des actionnaires ,tout en montrant les inégalités sociales de cette époque, comme une folie grandissante et captivante qui semble ne jamais vouloir s'arrêter.
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Par rapport à d'autres tomes de la saga, j'ai trouvé que la mise en place du récit est quelque peu longue; mais quand l'action démarre, on est rapidement happé par le torrent de passions diverses qui enflamment tous les protagonistes. D'abord la folie des grandeurs de Saccard, une maladie profonde qui l'empêche même d'éviter les pièges qu'il connaît bien par ailleurs. Aveuglé par l'infime possibilité du coup d'éclat, insensible aux dommages irréversibles qu'il provoquera chez les investisseurs naïfs, il n'hésite pas une seconde à mentir sans vergogne, à trafiquer allègrement les comptes, à faire miroiter des chimères, bref à arnaquer tout le monde. Ses uniques succès proviennent soit de délits d'initiés, soit de manipulations machiavéliques bien qu'il se croit génial. Par contre ses insuccès ne sont jamais de sa faute. . . Personnalité narcissique dites-vous? Ou bien sociopathe, ou bien les deux, toujours est-il que l'ampleur de la dévastation qu'il laisse derrière lui est à la hauteur de sa propre ambition.

Les autres personnages ne sont pas en reste non plus. Valse-hésitation et grande culpabilité vont habiter Caroline, l'attrait du gain inespéré va transformer en spéculateurs voraces des citoyens par ailleurs normalement d'un naturel prudent. Les requins de la grande finance réaliseront de beaux profits, habiles qu'ils sont à louvoyer dans ces eaux troubles. J'ai apprécié ces déferlements de passions, moins aimé les conséquences néfastes des entourloupes de Saccard, a été agacé par les indécisions de Caroline et impressionné par la façon dont Zola conclut le tout. Un bon opus, au message clair, à la lecture addictive, bien qu'un peu technique par moments.
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Si je ne m'étais pas lancé le défi de lire tous les livres des Rougon-Macquart dans l'ordre j'aurais abandonné au milieu L'Argent qui n'est pas à la hauteur de la Bête Humaine (t.17) ou de Germinal que j'ai lus récemment. 

Le héros est Saccard, le frère du puissant ministre de Napoléon III (Son Excellence Eugène Rougon).  J'ai assisté à son ascension dans La Curée spéculant sur la construction du Paris haussmannien, maître d'un hôtel particulier au Parc Monceau, mari de Renée qui a pris pour amant son fils Maxime. Je le retrouve ruiné, veuf à nouveau, locataire de la Princesse d'Orviedo, rue Saint Lazare. 

La princesse, dévote, dilapide sa fortune (mal acquise par son mari) en oeuvres de charité. Elle loue un appartement à Madame Caroline et son frère, l'ingénieur Hamelin qui reviennent du Proche Orient.

Saccard, à l'affut d'un nouvel élan  pour rebondir, va se saisir des projets de l'ingénieur :  développement des transports (compagnies de paquebots unies dans la Méditerranée, réseau ferroviaire dans l'empire ottoman, exploitation d'une mine d'argent au Carmel. Et pour financer cette entreprise colossale : il fonde une banque La Banque Universelle.

Saccard organise une énorme spéculation boursière. Occasion pour Zola de nous expliquer en détail comment fonctionne la Bourse de Paris, bâtiment, corbeille, coulisse, boursiers, agents de change, remisiers, coursiers, mais aussi toute une faune "pieds humides" récupérant les valeurs déclassées. le lecteur apprend tous les mécanismes haussiers, baissiers, le "jeu" des spéculateurs. Ce serait passionnant, mais c'est aussi long, répétitif.

Surtout, cédant aux préjugés de l'époque, de longs paragraphes antisémites sont insupportables. Comment, Zola, l'auteur de J'Accuse, le défenseur de Dreyfus a-t-il pu écrire de telles horreurs? Et moi, lectrice du XXIème siècle, même en contextualisant dans l'époque, suis-je obligée de m'infliger de telles lectures? J'hésite à poursuivre la lecture. Mais je veux comprendre.

Chronologie : L'Argent a été publié en 1891, Dreyfus condamné en 1894, J'accuse 1898. Dès Mai 1896 il avait publié un article Pour les juifs.

Zola, écrivain naturaliste, ne met pas de gants quand il raconte une histoire, il fait parler les blanchisseuses crûment ou les ouvriers comme des ouvriers, les prostituées  comme des prostituées, soucieux de vérité. Si l'antisémitisme caractérisait le vocabulaire des contemporains vivant autour de la Bourse il ne va pas édulcorer leurs propos. 

Par ailleurs, l'opposition entre  la "banque juive" la Banque Universelle de Saccard se présentant comme banque catholique, même catholique-ultra quand Saccard s'oppose à son frère est le ressort de l'action, le ressort de la bataille boursière qui va conduire à la spéculation effrénée puis à la faillite de la Banque Universelle. le dévot et naïf Hamelin voit dans l'entreprise au Proche Orient une sorte de Croisade avec pour but final le couronnement Jérusalem du Pape (rudement secoué à cette période par les guerres italiennes et l'unification de l'Italie) . Pour réunir des actionnaires modestes, Saccard va jouer sur la fibre catholique et l'opposition aux financiers juifs. Les petits porteurs qui seront finalement ruinés croyaient faire acte de dévotion en consacrant leurs économies à la Banque Universelle. 

C'était la nouvelle Croisade, comme elles disaient, la conquête de l'Asie, que les croisés de Pierre l'Ermite et de Saint Louis n'avaient pu faire
,


L'histoire, c'est celle de Saccard, personnage odieux, mais c'est surtout celle de l'Argent corrupteur, l'Argent et le "jeu" qui dénature les relations humaines qui fait refuser aux Maugendre de donner à leur fille Marcelle quelques centaines de francs qui empêcheraient la saisie par les huissiers du mobilier du ménage, qui fait rater le mariage de Nathalie par son père espérant un gain plus important...qui fait perdre toute raison critique à des personnes pourtant incorruptibles comme la Princesse Orviedo ou l'ingénieur Hamelin.

Madame Caroline, garde un moment ses distances avec l'Argent corrupteur

la réponse de Saccard aux objections de Caroline :

"Comprenez donc que la spéculation, le jeu est le rouage central, le coeur même dans une vaste affaire comme la nôtre. Oui! il appelle le sang, il le prend partout par petits ruisseaux, l'amasse, le renvoie en fleuve dans tous els sens, établit une énorme circulation d'argent qui est la vie-même des grandes affaires"

Il compare la spéculation boursière au sexe, nécessaire à la reproduction humaine...

La fin est inéluctable, le lecteur attend que la bulle boursière éclate, il y a peu de suspens, on se demande seulement comment cela arrivera!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Ce roman de Zola porte sur la Bourse, sur la vie politique à la fin du second Empire et sur les journaux. L'argent fait le bonheur? Pour certains peut-être, pour d'autres, c'est moins sûr. Mais une chose est certaine, mon papa me disait que la Bourse, ce n'est pas un jeu et que ceux qui disent que si, ben, ce sont des joueurs…
«ll est là pour les clients de sa maison, ce qui est bien naturel. Et il y est aussi pour son propre compte, car il doit jouer.»

Mon quatrième tome des Rougon-Macquart et toujours aussi emballée. Cette lecture commune d'un groupe me soutient car qui lit Zola de nos jours sinon des mordus de littérature et des amoureux de la langue française qui aiment renouer avec l'histoire et les fondations de la France actuelle.

Zola nous amène au coeur des tractations boursières avec Aristide Rougon, surnommé Saccard, qui met tout en oeuvre pour créer sa propre banque : la Banque Universelle. Celui-ci, appâté par le gain, entraine son entourage dans son aventure jusqu'à la mise en abîme et le malheur de son entourage. Un entourage qui le soutient malgré son ego démesuré et son amour de l'argent.
« Par l'argent, il avait toujours voulu, en même temps que la satisfaction de ses appétits, la magnificence d'une vie princière; et jamais il ne l'avait eu assez haute. »
Il avait la chance d'être aimé par madame Caroline, remplie de qualités, qui l'appréciait à sa juste valeur. Jusqu'à son apothéose qu'il vécu seul, sans recourir à ses compétences. L'art de se mettre dans le trouble les yeux fermés, Saccard le maîtrise vraiment bien.
« Aussi arriva-t-elle a ne plus vouloir le juger, en se disant, pour mettre en paix sa conscience de femme savante, ayant trop lu et trop réfléchi, qu'il y avait chez lui, comme chez tous les hommes, du pire et du meilleur. »

Il y a plusieurs personnages dans ce roman. Sa lecture demande concentration et le plaisir est certain. Mais le protagoniste le plus important à mon sens est la Bourse, héroïne de ce roman, qui sait faire palpiter les coeurs et vider les bourses. Et les journaux, personnages secondaires mais pourtant si importants car manipulateurs de premiers ordres. L'être humain ne demande que d'être orienté vers le bonheur et la vie facile…
Il y aurait tant à écrire sur ce livre, mais bon, je ne fais pas une thèse de maîtrise, je lis pour le plaisir. Alors au galop, je fonce vers le prochain Zola, au risque de faire une overdose. Qui ne risque rien, n'a rien…
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Un entrepreneur mégalomane, une banque qui fait faillite à la suite de multiples fraudes, un krach boursier après une spéculation effrénée, des épargnants ruinés, des employés licenciés et une crise économique qui se prolongera plusieurs années… Vous avez dit « déjà-vu » ? Nous sommes le 2 février 1882 et l'Union Générale fait officiellement faillite après un essor fulgurant et une chute tout aussi spectaculaire.

Neuf ans plus tard (1891), Emile Zola publie l'Argent, roman naturaliste et dix-huitième volume de la série des Rougon-Macquart, qui s'inspire très largement du parcours de cette banque et de son fondateur Eugène Bontoux.

Le personnage principal est Saccart (largement inspiré de Bontoux), homme d'affaires quasiment ruiné après quelques mauvaises affaires immobilières qui rassemble un petit cercle d'investisseurs autour d'un projet financier et industriel : la création d'une banque (La Banque Universelle largement inspirée de l'Union Générale) dédiée aux financements de grands projets en méditerranée orientale : Rachat de compagnies maritimes, d'une mine d'argent, d'une banque turque, construction de lignes ferroviaires… Mais le but lointain et ultime, celui qu'on n'ose à peine murmurer et qui n'est évoqué d'un air entendu qu'entre les actionnaires les plus fervents est le rachat de Jérusalem à son actuel sultan pour l'offrir au pape et raviver de par le monde la flamme de la chrétienté. Dans un premier temps, l'Universelle cours de succès en succès, assoit son emprise dans l'orient tandis qu'à Paris Saccart et ses sbires font artificiellement monter le cours boursier via des manipulations comptables et des achats non déclarés de ses actions par l'entreprise elle-même. Une avidité euphorique s'empare des actionnaires grands et petits qui voient leur fortune augmenter de semaine en semaine. Devant cette fièvre spéculative, Gundermann, banquier juif parisien et éternel rival de Saccard, discret, puissant et flegmatique, commence son travail de sape et spécule à la baisse (usant de ce qu'on appellerait aujourd'hui la vente à découvert) contre la banque universelle. Finalement après de rudes batailles et à la suite de moult rebondissements et intrigues, le cours de l'action flanche, s'érode et s'effondre tandis que les manoeuvres illicites de Saccard sont révélées au grand jour. La déchéance succède à la gloire.

Vous l'aurez compris l'intrigue du livre fonctionne sur un rythme et un schéma simple mais efficace qui suit l'ascension de plus en plus rapide de Saccard puis sa chute vertigineuse. Tout juste un lecteur un peu chicaneur tel que moi peut-il regretter quelques arcs narratifs secondaires dont l'intérêt est plus relatif. Zola, qui, à son habitude, s'est largement documenté sur le milieu dans lequel il place son roman nous décrit avec brio le monde boursier de son époque, ses hiérarchies implicites, le palais Brongniart, ses marges et surtout l'atmosphère fiévreuse, la terrible alternance entre avidité et peur qui s'empare de la foule lors des échanges. Il décrit les séances boursières comme de véritables batailles militaires ou les millions remplacent les troupes. C'est un aspect que j'ai trouvé extrêmement réussi dans le roman.

Du coté des personnages, mon impression est plus mitigée : Si Saccard avec son caractère excessif et son ambition obsessive est particulièrement intéressant et que quelques protagonistes me paraissent réussis tel l'usurier Blusch, la plupart des personnages secondaires me paraissent souffrir d'un caractère trop monolithique pour être attachant ou véritablement intéressant. Ainsi Mme Caroline, d'un altruisme et d'une dévotion parfaite et sans faille souffre en parallèle d'une passivité et d'une naïveté assez navrante face à Saccard : on a dés lors davantage envie de la secouer que de compatir à ses malheurs.

Le livre est un roman honorable dont les quelques menus défauts (arcs narratifs et personnages secondaires sont un peu écrasés par l'exubérant Saccard et sa rocambolesque quête du profit) ne sont plus que compensés par ses qualités. Mais en dehors de l'aspect purement romanesque, j'ai surtout retenu l'intérêt historique du roman qui nous entraine dans cette histoire (finalement assez méconnue) des grands scandales financiers de la fin du XIXème siècle.

D'ailleurs, outre les aspects financiers du scandale de l'Union Générale (finalement assez semblable à bien d'autres), la banque est également un symbole politique et religieux : l'établissement est celui des conservateurs légitimistes et catholiques fédérés par Bontoux qui lors d'un procès retentissant n'aura de cesse d'accuser la "finance juive" (la banque Rothschild et le financier Jules Mirès ayant, parmi d'autres, spéculé sur la baisse de l'action) et sa prétendue alliée « la franc-maçonnerie gouvernementale » creusant un peu plus le fossé qui sépare les deux France qui s'affronteront quelques années plus tard lors de l'affaire Dreyfus.

Au travers de l'essor et de la chute de la banque Universelle, c'est également du rêve napoléonien et de sa terrible chute dont nous parle en creux Zola. L'ambition démesurée de Saccart, son rêve d'un orient fantasmé, ses premières batailles victorieuses, son sacre et son adulation par la foule des petits actionnaires, et puis ses excès de confiance, ses premières défaites et les trahisons de ses proches vont peu à peu pousser l'homme d'affaires vers la faillite, comme l'empereur également, il entrainera dans sa chute tous ceux qui croyaient en lui et laissera un souvenir doux-amer à ses fidèles.

Pour conclure, voici un livre qui vaut sans doute le détour à plus d'un titre que ce soit pour son récit grisant, sa trame historique passionnante ou pour la nostalgie de l'ambiance exaltée du palais Brongniart dans un temps lointain où les serveurs de données et les austères ordinateurs n'avaient pas encore remplacé la corbeille et son cortège agité d'agents de change.
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Aristide Saccard est ruiné. On suit son aventure pour retrouver les sommets et faire couler à flot les millions entre ses mains. Il trouve comme partenaire l'ingénieur Hamelin et sa soeur Mme Caroline, avec lesquels il se lance dans une grande aventure, la création d'une banque "L'universelle" et son entrée en bourse, la création d'un syndicats d'entreprises de paquebots sur la méditéranée, l'exploitation d'une mine d'argent en Orient et la mise en place de chemins de fers en Orient. Saccard à la folie des grandeurs, et fait monter sa jeune banque en bourse de façon fulgurante. Il veut a tout prix détrôner le richissime juif Gundermann. Mais cela causera peut-être sa perte...

Ce livre nous montre les effets néfastes de l'argent et de la bourse. A la fin

Zola nous prouve encore une nouvelle fois qu'il sait manier les longueurs de temps de son récit de façon très ciselé.
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L'argent (1891) est un roman d'Émile Zola, dix-huitième tome de la saga des Rougon-Macquart. Aristide Saccard, frère du ministre Eugène Rougon, a perdu sa fortune suite à de mauvaises affaires mais veut se refaire avec une Banque-Universelle chargée de financer des projets au Moyen-Orient. Émile Zola change de genre à chaque roman avec brio. Il s'attaque ce coup-ci à la bourse et au monde de la finance.
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« Il faut tuer l'argent ». La phrase est dite tant ce dernier détruit les existences des riches ou des pauvres.
Il y aurait des analyses à faire sur cet ouvrage qui parle du cynisme des puissants qui écrasent sans scrupules les gens du peuple, ceux qui qui sont considérés par ces mêmes puissants comme comme des êtres insignifiants.
La démonstration de Zola est intéressante même si elle ne touche pas au coeur comme d'autres romans puissants. Mais elle résonne comme une thèse ma foi bien actuelle…
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