San Perdido, petite ville du Panama au milieu du XXème siècle, maintenue d'une poigne énergique par le gouverneur Lamberto. Corruption, enrichissement frauduleux, notamment après la construction du canal de Panama, bonne bourgeoisie catholique aux moeurs secrètement dissolues, maison close et, avant toute chose, un bidonville, une décharge infecte au nom bien trouvé de la Lagrima (la larme). Au milieu des ordures qu'on trie plein d' espoir, on trouve la vieille Ghanéenne de 70 ans venue d'Afrique toute petite, une foule de gens misérables et soudain, tel un être surréel, apparaît un gamin de dix ans, d'un noir d'ébène mais aux yeux bleus comme des lacs de montagne. D'une force peu commune, il broie les membres des malfaisants et vole au secours des petites filles violentées. La Langosta, voilà comment le surnomme Félicia (le Homard, à cause de ses énormes mains) jusqu'au jour où elle apprendra son vrai nom : Yerbo Kwinton. Alors s'écrit dans la ville une légende attribuée au jeune homme, nourrie d'événements extraordinaires, toujours au service des opprimés et des pauvres. Une sorte de Zorro, de Robin de bois panaméen...On apprendra plus tard qu'il est sorti de la jungle, là où se cachaient autrefois les Cimarrons, ces esclaves africains amenés par les Espagnols. [d'où l'origine de « esclave marron » ou « nègre marron » qu'on trouve en français, issu de cimarron, celui qui vit dans les arbres, en espagnol]
Le gouverneur Lamberto est connu pour ses appétits sexuels féroces. Il consomme les jeunes filles comme d'autres des carrés de chocolat. La maison close tenue par l'énigmatique Madame aux yeux bridés lui fournit les services d'une délicieuse et enfantine Hissa, un jour défigurée par la lame de la maîtresse en titre, Yumna.
Lamberto, son conseiller Hierras, un père brutal, un prêtre pédophile : tous tombent sous le coup de la Mano, de son vrai nom Yerbo, le grand Noir aux yeux bleus. Jusqu'au jour où lui-même tombe sous les balles d'une arme tenue par le plus pourri des Américains, Stomper, ex-mercenaire qui fait fortune avec ses trafics en tous genres. Un reste de la présence américaine au Panama...
Un roman foisonnant, aux personnages - y compris secondaires - évoqués de façon vivante et réaliste, le contexte historique, culturel et social bien restitué, avec une touche de fantastique qui pimente le tout. Une réussite !