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Critique de Kez


J'ai commencé ce livre l'an dernier. Je l'avais laissé de côté depuis. Avec les événements de ces dernières semaines, j'ai senti qu'il était temps de m'y replonger. Entre la biographie, l'essai, les souvenirs, difficile de classer cet ouvrage. L'écriture, celle de Zweig, est forcément superbe.

On apprend que cet auteur est passionné de rencontres. Il a rencontré et été amis avec de nombreux écrivains (Romain Rolland, Rilke, Hoffman), musiciens (Strauss), médecins (Freud),… D'ailleurs parfois cela s'apparente à du name dropping.

Auteur reconnu de romans, pièces de théâtre, Zweig est également un biographe et un traducteur.

Le livre relate son enfance jusqu'à son séjour en Angleterre avant son départ en Amérique Latine et sa décision de se suicider.

On découvre un monde aujourd'hui disparu. Saviez vous que les passeports n'existaient pas avant la première guerre mondiale ?

Né à la fin du 19 siècle à Vienne, il relate dans la première partie ses études dans un institut très strict. Une fois cet obstacle franchit, il se décide pour l'étude de la philosophie car ce sont celles qui lui demanderont le moins de travail. Il va partir à Berlin et surtout rencontrer des écrivains, des artistes, des poètes. Issu d'une famille aisée, il n'a pas besoin de travailler et peut se consacrer à ces rencontres.

Il narre les relations hommes / femmes (inexistantes) et montre comment cette absence de relation mène à des drames (syphilis, suicides, etc). Il évoque les aspects hiérarchiques de l'Allemagne où plus que les études, c'est d'appartenir à un corps universitaire précis qui compte. On sent une partie des événements funestes qui arriveront par la suite.
Il explique cette effervescence artistique qui le grise et le rend humble à la fois. Il raconte sa rencontre avec Théodore Herzl qui va publier ses premières oeuvres. Herzl, père du sionisme, va beaucoup l'impressionner mais Zweig ne se décidera pas à s'engager à le suivre d'un point de vue politique. A cette époque Zweig se consacre à la traduction pour apprendre et ciseler sa maitrise des langues. « Dans mon for intérieur, ma route pour les années suivantes était maintenant clairement tracée : voir beaucoup, beaucoup apprendre, et seulement ensuite débuter vraiment ! Ne pas paraitre devant le monde avec des publications prématurées – connaitre d'abord du monde ce qu'il a d'essentiel ! ». Pour appliquer cet adage, Zweig décide, après Berlin, d'aller en Belgique. En effet il a découvert le poète Belge Verhaeren et veut le traduire en Allemand pour le faire connaitre dans les pays germanophones.

Finalement Zweig obtient son doctorat de philosophie, grâce à Kolbenheyer, un ami d'enfance de Zweig. Cet ami et collègue de lettres, il lui règle son compte très élégamment « Avec Erwin Guido Kolbenheyer, un de mes amis de jeunesse et confrère en lettres – lequel, peut-être, n'aime guère qu'on le lui rappelle aujourd'hui parce qu'il est devenu un des poètes officiels et professeurs de l'Allemagne hitlérienne – je passai toutes mes nuits à bûcher. ».

Après cet examen, il part pour Paris. Zweig est un amoureux de la capitale Française et de sa littérature (Marceline Desbordes-Valmore, Balzac, Victor Hugo, Léon Bazalgette,..) Cette période va être l'occasion de se faire et de cultiver de nombreuses amitiés (Bazalgette, Rilke, Verhaeren). Il va rencontrer brièvement Rodin, qui lui inspire beaucoup d'admiration. Il poursuit son voyage par un séjour à Londres.

Il se décide à poser ses valises à Vienne pour un temps. Et heureux hasard il va rencontrer une des dernières personnes qui aura connu Goethe. Zweig en relatant cette période Viennoise, nous présente sa passion pour la collection des manuscrits, des courriers, des oeuvres en cours de musiciens et auteurs germanophones célèbres. Il explique l'évolution de sa collection. Et ses réflexions sur la création de l'oeuvre artistique est très intéressante. « Je n'en sais pas assez d'un artiste quand je n'ai sous les yeux que son oeuvre achevée, et je souscris à la parole de Goethe : pour comprendre pleinement les grandes créations, il ne suffit pas de les voir dans leur état d'achèvement, il faut les avoir surprises dans leur genèse, dans leur devenir ». P195 Aujourd'hui à l'heure de l'informatique, des copiés collés, des multiples versions, impossible d'avoir une telle collection, ni une telle réflexion.

Dans cette période viennoise il va écrire ses premières pièces de théâtre. Il nous raconte que ces pièces devaient être interprétées par deux grands artistes mais qui meurent quelques jours avant la première. Bouleversé par ces faits et sans doute un peu superstitieux, il abandonne l'écriture de pièce de théâtre pour se consacrer au roman.

Il repart en voyage qui vont cette fois l'amener en Afrique, en Inde et aux US. Il assiste à la construction du canal de Panama et au racisme et la pauvreté en Inde. On est au tout début du 20eme siècle, Zweig commence le chapitre « Les rayons et les ombres sur l'Europe » par expliquer les changements en cours. La jeunesse l'emporte sur l'âge. le sport qui n'était absolument pas une activité plébiscitée dans sa jeunesse, le devient. D'après lui le voyage se démocratise (enfin pour une petite partie de la population)… Puis les nuages commencent à s'accumuler. Les incidents se multiplient.

Il repart sur Paris où il découvre des artistes. En 1913, il relate sa rencontre avec Romain Rolland qui va devenir un ami fidèle. Avec des pages où il célèbre l'intelligence et la culture de son ami. Il cite cette citation intéressante : « L'art peut nous consoler chacun en particulier, mais il ne peut rien contre la réalité. »

Les premiers jours de la première guerre mondiale sont un coup de tonnerre.

Page 267, « Si l'on était venu à la guerre, cela n'avait pu être que contre la propre volonté de leurs propres hommes d'Etat ; eux-mêmes ne pouvaient être en faute, personne dans le pays n'encourait la moindre responsabilité. C'était donc de l'autre côté de la frontière, dans l'autre pays, que devaient nécessairement se trouver les criminels, les fauteurs de guerre : si l'on prenait les armes, c'était en état de légitime défense contre un ennemi astucieux et fourbe, qui sans le moindre motif attaquait la pacifique Autriche, la pacifique Allemagne. »

L'entre-deux guerres et ses troubles est décrit par Zweig comme une montée des désordres avec des enfants qui n'écoutent plus leurs parents, des filles et des garçons qui ne respectent pas l'ordre naturel des sexes (on ne parle pas encore de genre). Les filles coupent leurs cheveux et les garçons les laissent pousser. L'homosexualité se développe… Et Zweig a deux ou trois propos homophobes. Les homosexuels poussant à la guerre (p365). L'écriture est bousculée (p352-353). Tout cela ne vous rappelle rien ? « Partout les anciens désemparés couraient après le dernière mode ; on n'avait plus soudain qu'une seule ambition celle d'être jeune… Quelle époque sauvage, anarchique, invraisemblable que ces années où en Autriche et en Allemagne, tandis que fondait la valeur de la monnaie, toutes les autres valeurs se mettaient à glisser ! Une époque d'extase enthousiaste et de fumisterie confuse, mélange unique d'impatience et de fanatisme. »

En dehors de l'enthousiasme, cela ressemble à notre époque…
Zweig dénonce le poids des lobby de l'armement (le mot lobby n'est pas utilisé mais c'est l'idée). Par contre il est très peu clair sur ce qu'il fait personnellement pour empêcher cette vague de haine. Il faudra qu'il soit touché personnellement pour le comprendre. P401 « Comme pour toutes les choses essentielles de la vie, ce n'est pas jamais par l'expérience d'autrui que l'on acquiert ce genre de connaissances, mais toujours par sa propre destinée. »

Il va mettre du temps pour se décider à partir de l'Autriche car sa famille, ses amis, tous ne comprennent pas ses craintes. ET par une des rares touches personnelle, il va évoquer le décès de sa mère et l'impact des lois aryennes sur sa vie.

C'est un très beau livre. Zweig nous décrit une Europe en ébullition. Il s'épargne beaucoup et n'est pas sans préjugé mais ses descriptions de l'époque sont passionnantes. le monde d'hier de Zweig, c'est notre monde d'avant.

Et voici mon abécédaire.

A comme Apatride, ce que va devenir Zweig et qu'il présentera comme une douleur. A cette occasion on apprend que les passeports n'existaient pas avant la première guerre mondiale.

B comme Biographe, saviez-vous que Zweig en plus d'auteur est un biographe (Marie Stuart, Balzac, Joseph Fouché)

C comme Cosmopolite, Collectionneur : Zweig se présente comme un homme de son temps… mais c'est surtout un homme très riche. Il voyage sans arrêt, il s'achète une maison à Salzburg juste après la guerre… Et il se crée une collection de manuscrits originaux et d'autographe

D comme Dramaturge: Zweig est également un auteur de pièce de théâtre.

E comme Européen, Ecrivain, Empire, Ecriture, Exil : Zweig est un écrivain qui a connu plusieurs périodes sombres de l'Europe. Mais il reste un Européen convaincu.

F comme Freud, France : Zweig a des amis prestigieux et aime la France (surtout Paris).

G comme Guerres et Goethe : Zweig va éviter de se battre mais verra de ses propres yeux les horreurs de la première guerre mondiale en allant chercher des oeuvres en Russie.

H comme Hitler, Hofmannsthal, Herzl (Théodore, père du sionisme) : Tous des hommes Allemands sortant de l'ordinaire et qui auront marqués Zweig.
I comme Inflation : Zweig met en avant les effets de l'inflation entre les deux guerres sur la montée du nazisme

J comme Juif : Zweig est né dans une famille juive non pratiquante. La foi ne semble pas jouer un grand rôle dans son monde.

K comme Kolbenheyer : Ami et collègue que Zweig éreinte dans son livre : « Avec Erwin Guido Kolbenheyer, un de mes amis de jeunesse et confrère en lettres – lequel, peut-être, n'aime guère qu'on le lui rappelle aujourd'hui parce qu'il est devenu un des poètes officiels et professeurs de l'Allemagne hitlérienne – je passai toutes mes nuits à bûcher. ».

L comme Londres : C'est là où Zweig deviendra apatride.

M comme Musique, Manuscrits, Mussolini : Zweig aime la musique, il collectionne les partitions originales, il va collaborer avec Strauss. Et il mentionne dans son livre avoir écrit à Mussolini pour lui demander de libérer une de ses connaissances, ce que fera Mussolini.

Name dropping : on l'aura compris Zweig vous parle de ses connaissances connues et reconnues. Les autres …n'existent pas ou ne semblent pas exister. Exemple « de 1900 à 1914, je n'ai jamais vu le nom de Paul Valéry en tant que poète, ni dans Le Figaro ni dans le Matin, Marcel Proust passait pour un gommeux de salon, Romain Rolland pour un musicographe très averti ; ils avaient près de cinquante ans quand le premier rayon encore timide la renommée les atteignit, et leur grande oeuvre était plongée dans l'obscurité au milieu de la ville la plus curieuse et la plus spirituelle du monde. »

O comme Opéra, Oeuvres : Zweig va écrire pour l'opéra et Strauss.

P comme Politique, Poésie, Paris, Philosophie, Polyglotte : Zweig parle plusieurs langue et c'est sa décision de traduire de la poésie qui va l'amener à voyager en Belgique, en France.

Q comme Questions : Les questions que Zweig se posent. Qu'auraient dû faire les intellectuels de son temps pour empêcher le nazisme ?

R comme Romain Rolland, Rilke, Rodin, Russie : Zweig va rencontrer ces artistes. Les deux premiers seront ses amis. Il ira en Russie et fera part de ses doutes mais sans s'engager contre les communistes.
S comme Strauss, Salzburg, Suisse, Souvenirs : Zweig est autrichien. Il va travailler avec Strauss

T comme Théâtre, Traducteur : Zweig est également traducteur car il estime que c'est la meilleure façon d'appréhender une langue en profondeur.

U comme Unique : Un tableau unique de cette époque si bouleversée.
V comme Verhaeren, Voyages : Pour son époque Zweig va énormément voyager sur tous les continents (sauf peut-être l'Océanie). Verhaeren est le premier poète que Zweig va se décider à traduire car c'est un inconnu en Allemagne.

W comme Wien : la ville de son enfance.

X comme : Xénophobe. Zweig est homophobe mais pas xénophobe. Il faillait un X...

Y comme : Yiddish Zweig ne parle pas cette langue mais l'évoque en parlant des juifs de l'Europe de l'Est, qui ont été persécuté bien avant ceux de l'Europe de l'Ouest.

Z comme Zweig : Forcément.





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