Cyzia
Zyke écrit fort... c'est le moins qu'on puisse dire. Un style résolument punch, haut en couleur.
Zyke nomme les choses sans fioriture. Pisse, bile, vomi, etc. Vous avez compris le truc.
Le personnage principal, c'est Cyzia
Zyke. Cela fait partie du fantasme, de la création fantasmée du personnage par l'auteur. Ce n'est pas « personnage en quête d'auteur », mais « auteur en quête d'un personnage ». Cette présentation autobiographique des romans du baroudeur fait partie du mythe.
Le pitch... le personnage principal est prisonnier d'une bande de dégénérés au fin fond du Triangle d'Or. Cette tribu menée par un être difforme bardé de cartouchières cultive le pavot. La tribu n'est composée que de femmes. Pas ou plus d'hommes.
Zyke est accompagné d'un ami, Jules, métis Vietcong, et d'une kyrielle d'autres anonymes qui vont servir de chair à canon. Ils sont les souffre-douleur de leurs tortionnaires.
Zyke allant même jusqu'à « aider » à la reproduction de la tribu dans une scène assez (inutilement) lourdingue.
Zyke l'auteur va jusqu'au bout de sa logique. Ça passe ou ça casse. On peut difficilement remettre en cause les talents de conteur de l'auteur. On peut par contre (et à juste titre) ne pas apprécier sa logique trash.
Ecriture punch, donc, sans concession. Ecriture cinématographique. Clairement. Tout est très visuel. A la limite de l'écoeurement, souvent. On pourrait être dans un téléfilm du samedi soir sur une chaîne câblée, série B de médiocre qualité, mais efficace pour se changer les idées. Efficace, c'est à mon avis le mot qui convient le mieux à ce roman. Lors d'ateliers d'écriture, j'ai eu à faire un exercice qui consiste à générer des émotions chez le lecteur. On a le choix de l'émotion à produire... et les lecteurs décident si c'est abouti ou pas. Chez
Zyke, l'émotion est un peu toujours la même, l'écoeurement, le dégoût... et quand je dis que c'est efficace... ça l'est.
Zyke connaît bien son sujet. Il rend la jungle palpable. C'est moite, poisseux, collant...
Par comparaison avec d'autres romans du même auteur que j'ai lus, il y a 2 changements qui rendent le roman plus intéressant. D'une part, il y a l'amitié très forte entre le personnage principal et Jules. Une amitié fidèle, qui va jusqu'au don de soi, jusqu'à des promesses que même la mort ne peut effacer. L'amitié virile est souvent présente chez
Zyke, mais pas à ce point. C'est récurrent néanmoins dans ce type de roman « de gare ». D'autre part, on a quelques réflexions sur la guerre du Vietnam, sur le communisme, et sur le métissage et ses conséquences en terme de ségrégation et de racisme. On peut lire une sorte de condamnation du racisme et de l'exclusion basée sur la peau. de la part d'un auteur souvent taxé de propos à la limite du racisme, cela vaut la peine d'être noté. Même dans la scène finale, que je ne spoilerai pas, on sent l'auteur qui se détache des actes de son « héros ».
Bref, une lecture qui passe plutôt bien en ce qui me concerne.