On pourrait dire encore, pour parler le langage prudent et fécond, dont M. Le Dantec a posé les bases dans ses derniers livres: en présence d'une oeuvre d'art qui leur plaît, les hommes imitent l'émotion du créateur de cette oeuvre, ce qui permet de connaître ce posteriori que cette oeuvre est, pour eux, une oeuvre d'art, puisqu'elle a eu pour effet de leur suggérer une imitation agréable. En écoutant une symphonie de Beethoven, j'imite — tant bien que mal, mais enfin j'imite — l'émotion du symphoniste, tandis que M. Debussy ne l'imite pas. C'est le contraire qui a lieu pour la musique de Rameau; sans que ni l'auteur de Pelléas ni moi ayons tort ou raison. Ce qui me conduit à dire que les hommes ne sont pas vis-à-vis des œuvres d'art des résonateurs indifférents, mais des résonateurs spécifiques.
Une oeuvre d'art est le signe de l'émotion d'un artiste, signe susceptible d'émouvoir a leur tour d'autres êtres humains.