La Royauté sociale de N.-S. Jésus-Christ, d'après le cardinal Pie, rédigé par le père Théotime de
Saint-Just, publié pour la première fois en 1923 à partir des écrits du cardinal Pie (1815-1880), est un ouvrage qui mérite un intérêt particulier car, même si l'on n'adhère pas à tout ce qu'il contient – précaution sémantique nécessaire en ces temps où la pensée unique fait figure de dogme sacré ! –, il n'en reste pas moins vrai qu'il recèle un humanisme chrétien faisant cruellement défaut de nos jours. À noter la postface d'
Adrien Abauzit dans la présente édition.
Cet ouvrage oscille donc entre mises en garde, voeux et même, à certains égards, prémonitions qui se sont hélas révélées authentiques ; comme celle-ci, renfermant une vérité qui s'exprimerait bientôt à travers deux sanguinaires mégalomanes se rêvant les égaux de Dieu (Staline et Hitler) : « L'État sans Dieu s'arroge la toute-puissance divine », est-il écrit. Ou l'Église comme frein possible à ce sentiment de toute-puissance qui habite l'Homme depuis la nuit des temps. Dit autrement : Extra Ecclesiam nulla salus (« Hors de l'Église, point de salut »).
Théotime de
Saint-Just prévient : « La tyrannie des gouvernements, [l']instabilité des pouvoirs, [la] nullité des hommes […] voilà le triple mal qui découle de l'abandon du droit chrétien » ?
Avec l'abandon du droit chrétien, on pourrait presque parler de culte du vide, incarné par un athéisme qui, de nos jours, se fait de plus en plus agressif. D'ailleurs, en postface,
Adrien Abauzit – adversaire résolu du maritanisme et de
Vatican II, ce qui lui appartient – déplore cet athéisme comme une « forme de mise en accusation constante, quotidienne, de la foi catholique ».
Mais s'émanciper du catholicisme n'est-ce pas prendre le risque de devenir quelque part orphelin ? Je pose la question. Surtout, entre émancipation et persécution, il n'y a qu'un pas. La Terreur nous l'a démontré en France. le cardinal Pie n'a d'ailleurs pas de mots assez durs pour qualifier la Révolution de 1789. On peut le comprendre au regard des massacres de prêtres réfractaires et de religieux en général, ainsi que de l'extermination méthodique de la Vendée militaire ; sans parler des destructions gratuites des biens de l'Église, souvent des joyaux inestimables.
Toujours dans sa postface,
Adrien Abauzit écrit : « Soit l'Église est soutenue par l'État, soit elle est persécutée par l'État. »
Pourtant, il n'est pas question ici de renverser l'ordre historique des choses, et Théotime de
Saint-Just cite le cardinal Pie dans ce sens : « L'Église n'absorbera point la puissance de l'État, elle ne violera point l'indépendance dont il jouit dans l'ordre civil et temporel ; elle n'interviendra au contraire que pour faire triompher efficacement son autorité et ses droits légitimes ». Plus loin, il ajoute : « L'Église ne prétend aucunement se substituer aux puissances de la terre qu'elle regarde même comme ordonnées de Dieu et nécessaires au monde. »
Le cardinal Pie, qui appelle de tous ses voeux un régime de droit chrétien, stipule que, sous ce régime, « les autres cultes jouiront de toutes les garanties assurées par la loi ». Ce que Théotime de
Saint-Just traduit ainsi : « La tolérance civile sera donc accordée aux cultes dissidents et les pouvoirs publics, en agissant ainsi, resteront en conformité parfaite avec le droit chrétien. » Saluons donc la tolérance toute chrétienne qui se manifeste ici (nous sommes dans les années 1920) et que d'aucuns nient avec toute la mauvaise foi requise.
Enfin, il y a cette phrase prémonitoire du cardinal Pie : « À quoi cela servirait-il d'embellir un monde que les passions rendraient inhabitable ? » À poursuivre notre course à l'abîme individualiste, la réponse risque de tomber implacablement…