Ayant écouté récemment l'émission Autant en emporte l'histoire de France Inter consacrée à la vie de
Léopold Sacher-Masoch, j'ai voulu lire cet ouvrage où il met en scène la relation entre un homme et une femme fondée sur la domination et la souffrance.
Et je n'ai pas vraiment apprécié cette lecture. Déjà, ce n'est pas une oeuvre érotique, ou si peu. Quelques évocations des seins, de la chevelure, mais c'est tout ; pas de description du corps de Wanda dans son ensemble, elle est réifiée, changée en pierre. Ce n'est pas un corps, mais une statue de marbre – la comparaison revient de façon très insistante. Ensuite, l'écriture est bavarde, très bavarde dans le premier tiers. Les personnages parlent, parlent. Ils dissertent sur l'amour, la mythologie et sur les relations entre les hommes et les femmes, ils « font l'amour » au sens classique, c'est-à-dire qu'ils en parlent ; l'acte amoureux, l'union des corps, n'est d'ailleurs jamais évoqué, il y a toujours une ellipse – ce qui me fait dire que ce n'est pas un roman érotique. Autre reproche que je fais à l'oeuvre, c'est son écriture qui semble être datée, nous plongeant par moment en plein romantisme – voire pré-romantisme, avec des évocations lyriques de paysages de ruines sous la lumière de la lune, des cérémonies païennes dans les vieux temples abandonnés. le Narrateur verse des torrents de larmes, comme
Saint-Preux ou Werther, les grands héros pré-romantiques qui souffrent par et pour leur maîtresse. le texte se prend donc au sérieux, il n'y a pas la moindre trace de l'ironie voire de l'humour qu'on peut trouver chez
Sade. de même, le couple part en Italie, fréquentant l'opéra et les musées, comme
George Sand et
Musset, couple célèbre du romantisme. le texte oppose ainsi régulièrement la sensualité du Sud et la froideur du Nord – d'où la nécessité de fourrures pour se réchauffer, ce qui semble moins utile à Florence...
Je ne commenterai pas les pratiques des personnages, ils y trouvent chacun une forme de jouissance et sont consentants. En revanche, je n'ai pas apprécié les descriptions misogynes du Narrateur sur les femmes, il n'y a pas d'autres mots. Il essentialise les femmes, ne parlant que de « la » femme au singulier, comme pour dites qu'elles sont toutes identiques – on croise d'autres figures féminines dans le roman, celles des « négresses » qui servent Wanda, muettes et non identifiées, mais toutes séductrices et manipulatrices. La femme est donc un diable, séductrice, menteuse, perverse, que l'homme doit dominer s'il ne veut pas être dominé par elle. le texte se termine par une note d'espoir peut-être : les deux sexes ne pourront vivre harmonieusement ensemble, comme des compagnons et non dans une relation de domination, que lorsque la femme sera aussi éduquée que l'homme, et pourra donc devenir son égale.