Pourquoi était-il le plus faible ? Parce qu'il s'était jeté à corps perdu dans une entreprise dont le projet même dépassait ses forces. Il faut savoir être modeste et connaître ses limites.
Qu'est-ce qui l'avait poussé à vouloir se surpasser ? Arrivé au point le plus désespéré de sa vie, à ce moment qui lui semblait si invraisemblable, pourquoi ne réussissait-il pas à se débarrasser d'un dernier et tendre doute : qu'il pouvait ne s'agir que d'un mauvais rêve ? Pourquoi ne pouvait-il être maître de ses pensées comme s'il n'avait affaire qu'à des problèmes mathématiques aux solutions claires et nettes ? Qu'est-ce qui l'avait amené là ?
Il le savait. C'était le Bien qu'il portait en lui, le fait qu'il se soit rangé aux ordres d'une conscience morale qui le rendait différent de ses concitoyens. Il avait voulu leur venir en aide. Il était allé au devant de la perte parce que sa conscience était plus exigeante que l'étendue de ses pouvoirs.
Chapitre XIX.
De ce cerveau que l'on croyait jusque-là désolé et ruiné jaillissaient à flots des idées inédites de crimes, sauvegardées sur ces feuillets de papier.
Tout était ravagé sous ce crâne, seule demeurait une pulsion : asservir l'humanité par des crimes.
[Norbert JACQUES, "Dr Mabuse letztes Spiel : Roman eines Dämons", 1931 ("Le Testament du Docteur Mabuse") - année de 1ère parution : 1950 - traduit de l'allemand par Georges Sturm pour les Éditions du Rocher, collection "Bibliothèque du Mystère", 2001 - chapitre IV, page 62]