« (...) Le dilemme guerre ou révolution n'a plus de sens. Le seul dilemme est celui-ci : ou la victoire sur Franco grâce à la guerre révolutionnaire, ou la défaite. Le problème pour toi et pour les autres camarades est de choisir entre le Versailles de Thiers et le Paris de la Commune, avant que Thiers et Bismarck ne fassent l'union sacrée. » (« Lettre ouverte à la camarade Federica Montseny » Camillo Berneri le 14 avril 1937).
*** Extrait de la préface ***
Pendant de nombreuses années , l'Espagne , à l'instar d'autres pays " sous développés " ou prétendus tels a conforté la bêtise de la gauche française . Sinon maîtresse des maîtresses , quelque peu mère des souvenirs , elle animait les veillées des chaumières d'innombrables images d'Epinal sur notre héroïque défaite contre le fascisme " Prélude de la deuxième guerre mondiale " Où seules , semble-t-il , les brigades internationales se seraient battues .
Bien sûr , chacun avait ses pauvres . C'était tellement sécurisant d'exhiber " ses " antifranquistes dans les meetings messes et de manifester rituellement devant l'ambassade à chaque nouveau crime du franquisme ( Les occasions , il faut bien le dire n'ont pas manqué ) . Oui , chacun versait sa petite obole à la cause sacrée de l'anti franquisme , avant de se précipiter vers les plages ibériques .
Puis Franco meurt , et brusquement tout vacille . On ne comprend plus rien . Il y a bien démocratisation , mais où est la rupture ? Aucun des clichés sur l'après-franquisme ne semble coller . L'incompréhension , ici , dépasse largement les rangs de la gauche . Qu'à cela ne tienne : on ne comprend rien mais on fait semblant ? ce serait l'habileté politique de la gauche espagnole en général et de Santiago Carrillo en particulier qui auraient permis ces changements sans heurts . Laissez moi rire !
De même que Julian Grimau , avant d'être ce " martyr de l'anti-franquisme " tant vénéré , fut un flic tortionnaire stalinien à Barcelone , pendant la guerre civile , de même celle-ci , outre être un combat contre le fascisme , fut une profonde révolution sociale , mutilée par les staliniens , avant d'être écrasée par les troupes franquistes . rappelons pour mémoire que les staliniens , tant russes qu'espagnols , réussirent , à cette occasion , à déployer toute la gamme des crimes dont ils sont coutumiers , comme jamais ils ne sont parvenus à le faire , pour l'heure , dans aucun pays occidental ( excepté l'Europe de l'Est s'entend ) . Car ils s'infiltrèrent solidement dans l'appareil d'état , la police et l'armée notamment .
Pour ceux qui connaissent la véritable histoire du P.C.E. , il est particulièrement comique de voir le succès international de Santiago Carrillo dans son numéro de pacifique politicien de patronage , appui solide de Suarez , artisan résolu de " l'omerta " et du pacte de la Moncloa , derviche tourneur de la bouillie eurocommuniste et quoi encore ? Homme de droite et partisan de l'ordre , comme il l'a toujours été . Homme à poigne aussi , qui , tout sourire dans son faciès de curé de campagne face à l'opinion publique , ne tolère aucune critique à l'intérieur de son parti . S'il n'a plus le pouvoir de fusiller ( souvenir de Paracuellos , belle carte postale sur fond de sang ) Il expulse toujours quiconque n'est pas à sa botte .
L'après-midi s'effilochait comme du brouillard, après la pluie. Dimanche nauséeux de banlieue, me disais-je, en tirant sur ma Gauloise. Après-midi nauséeux de dimanche, dans une banlieue nauséeuse, après la pluie, tirant sur ma Gauloise, mon frère marchant à ma gauche, Pierre à ma droite, chantonnant entre ses dents noircies — déjà ! — un blues des années vingt.