Impossible d’envisager mon avenir avec lui. Il ne sera jamais l’homme qui m’aime publiquement, qui me tient la main dans les montagnes russes de l’existence. Il ne sera pas le père de mes enfants.
Mentalement, je rédige alors les conditions de l’armistice: je vais profiter du bonheur immédiat avec lui, mais surtout, surtout, garder tous mes sens en alerte pour ne pas laisser échapper un amour plus solide, plus conformiste sans doute aussi.
Je suis sûre qu’avec le temps, je me détacherai de lui. Dès que je n’en aurai plus un besoin vital, je quitterai Monsieur Springer.
C’est un pacte avec le Diable que je signe à cet instant-là.
Les chiffres l’ont toujours profondément ennuyé, il n’accorde pas d’attention particulière à la courbe des ventes qu’Édith lui transmet consciencieusement chaque semaine. La seule chose qui lui importe, dans ce domaine, c’est que son compte en banque soit bien garni. Cela fait des années qu’il ne compte plus.
Elles sont toutes d’accord pour le sexe au début, mais il arrive toujours un moment où elles s’imaginent pouvoir me mettre la laisse au cou. Fini alors le sexe sans conditions : elles commencent à trouver que je ne m’occupe pas assez d’elles, exigent plus de tendresse.
Il est enfin arrivé à bon port. Un port tel qu’il l’avait toujours rêvé, même si, depuis peu, les coques des navires, léchées par une eau agitée et trouble, s’entrechoquent, comme annonçant la tempête.
Les hommes ne s’intéressent déjà pas aux mélodrames ; si, en plus, ils se sentent mis en concurrence par le sex appeal de l’auteur, c’est carrément le boycott !
La réputation de bête sexuelle présente aussi des inconvénients : on attend de sa masculinité une vaillance sans faille. Impossible de manquer à l’appel.
Il manque d’humour, certes, mais il l’aime bien. Comme il prend toujours ses paroles au pied de la lettre, il est très facile à mener en bateau.
À chaque âge son art, à chaque art sa liberté.
En parlant de faim, j’ai l’impression d’être un ogre. Je ne mange pas, je dévore.