Je compris que ma Saint-Valentin était vouée à l’échec en découvrant la monstruosité amphibie qui me regardait dans le miroir. Le costume que j’arborais sortait tout droit d’un cirque démoniaque. Des pétales de tulle vert marais en guise de jupe longue, un justaucorps entièrement recouvert de paillettes roses et vertes… et je devais me rendre à une fête dans cette tenue ? Ma vie sociale à Whitman ne s’en remettrait jamais. Je m’appuyai contre la porte de la salle de bains, mais quelqu’un toqua.
– Lise, si tu ne te dépêches pas on va être en retard, dit une voix haut perchée, nasale et agaçante.
Destry. Je n’habitais avec ma demi-sœur que depuis une semaine, mais je savais déjà reconnaître le ton de sa voix quand elle était énervée, impatiente, voire les deux.
– Allez, Lise ! insista-t-elle.
Les deux, donc.
Dans le four, les bolillos étaient en train de dorer en dispersant leur bonne odeur dans tout le magasin. C'était un parfum que seule notre boulangerie pouvait créer et sa chaleur me rappelait toujours ma mère. C'était pour cette raison que rien ne pouvait arriver à notre boutique. C'était pour cette raison que je n'aurais jamais rien laissé lui arriver...
Tu vois, Alicia, nous sommes tous des guitares. Nos cœurs sont comme des cordes sensibles qui s'étirent pour en toucher d'autres dans l'univers. Et quand nous pensons aux gens que nous aimons, ces cordes chantent et leur chant dure pour toujours et atteint même ceux qui ne sont plus avec nous...
Alors, il m’embrassa.
Et je le crus.
Cette fois, les papillons au creux de mon estomac étaient vertigineux et magique. Une fois de plus, Dane m’avait surprise. C’était peut-être pour ça qu’il m’agaçait, au début. Parce que je n’avais jamais aimé les surprises.
ALICIA