Thibaud Collin. Synode de la famille
Est-ce à l'école de prendre en charge les questions touchant le sens de la vie ? Ces questions ne relèvent-elles pas de la seule éducation familiale voire de l'intimité de chaque personne en construction ? Où fonder cette mission de l'école républicaine à fonder le bien et le mal ? Faut-il réintroduire ces notions, si passéistes aux yeux de certains, de vertu et de vice dans le vocabulaire scolaire ? Bref, Vincent Peillon, quoi qu'il dise, n'est-il pas là le promoteur d'un "ordre moral" nouvelle formule ?
Son exigence d'universalité se déduit de sa fonction de promotion des valeurs permettant la vie commune. Ainsi plus la société est traversée par des revendications particulières, plus le besoin de morale se fait sentir. Comment alors continuer à soutenir que la morale ne doit en rien blesser la liberté de conscience si on prétend lutter contre des revendications identitaires et communautaristes mettant en danger le pacte républicain ?
L'homme moderne se perçoit alors comme révélant la vérité sur ce qu'est l'être même de l'homme, un être qui se fait lui-même et non qui se reçoit.Dans cette perspective la rupture moderne est vue comme la révélation de l'homme à lui-même, sa sortie de cette illusion sur soi.
Quelles sont les valeurs communes que les cours de morale laïque auront à transmettre ? Peillon en nomme quatre : connaissance, dévouement, solidarité et égalité des filles et des garçons. Il les oppose à d'autres valeurs : argent, concurrence et égoïsme. On peut en conclure que pour Peillon, il convient de diviser les valeurs en bonnes et en mauvaises. Peut-on justifier cette division des valeurs ? Dans la réflexion philosophique contemporaine, la valeur est en effet l'objet d'un âpre débat quant à son statut et à son origine.
Citant Vincent Peillon dans Une religion pour la République :
"La laïcité apparaît pour ce qu'elle est : une religion recherchée par la Révolution, une doctrine à la fois philosophique, morale, politique, pédagogique et religieuse précise et déterminée [...] Elle vient fournir un fondement et une doctrine à ce nouveau monde, issu de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, qu'il nous reste à bâtir."
Pourrait-on dire que la morale scolaire a du coup pour Peillon la même fonction que la religion pour une certaine bourgeoisie voltairienne du XIXe, maintenir la paix sociale en s'assurant la docilité du peuple encadré par un clergé "idiot utile", fonction que Marx qualifiera d'opium du peuple ?
La rupture anthropologique se situe donc dans le regard que l'homme porte sur lui-même.
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A partir de là, le laïcisme républicain apparaît comme une doctrine parmi d'autres, non moins religieuse que les discours explicitement fondés sur une adhésion de foi.