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Critiques de Anaximandre (2)
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Fragments et témoignages

Ce travail de Marcel Conche (qui est malheureusement mort l'an dernier) publié aux Presses universitaires de France est des plus intéressants. Il ne s'agit pas d'un simple recueil de témoignages, mais d'une véritable étude qui présente le contexte, la doctrine, les réceptions du texte d'Anaximandre, le tout en argumentant face aux présentations contraires. Le commentaire est passionnant et, loin d'être scolaire, il parvient à nous convaincre de la profondeur d'Anaximandre.



Anaximandre est le premier philosophe connu à avoir mis par écrit ses travaux. Son ouvrage, aujourd'hui perdu, aurait été écrit sans ponctuation et sans espace entre les mots. C'est pourtant grâce à l'alphabet, qu'un texte spéculatif utilise pour la première fois, qu'est née la philosophie, car c'est par l'alphabet que la possibilité d'une réflexion conceptuelle abstraite, différente de toute image, a pu voir le jour.



Deux concepts sont indispensables dans la pensée d'Anaximandre, et il semblerait avoir été les premiers à les utiliser dans ce sesn : l'archè et l'apeiron (l'indéterminé, l'illimité, l'indéfini, l'infini). L'apeiron n'est pas seulement un infini spatial, extensif, il s'agit d'un infini en grandeur total, d'un infini qui, précisément, ne se comprend pas sur le mode classique de la mondanité, et a aussi une valeur "temporelle". Pour Anaximandre, le monde, parmi d'autres mondes possibles, se génère et se détruit en vertu d'un infini extramondain, d'une indétermination radicale, dans laquelle les choses mondaines ne sont pas en puissance, comme si le visible serait en puissance dans l'invisible ou l'être dans le non-être, mais d'où procède ces choses - il s'agit d'une puissance en un autre sens, d'une puissance génératrice. Cet infini n'a donc rien d'ontique, il n'est même pas encore un être : on ne saurait le juger comme un être du monde. Parménide n'est pas encore passé par là, et l'être provient ici du non-être, dans une génération qui n'a pourtant rien de sophistique. Cet infini n'est donc pas une simple cause déterminée, par exemple un élément déterminé (la terre, l'eau, le feu, etc), ou une simple cause matérielle indéterminée, comme l'interprétait Aristote : il est radicalement indéterminé. L'archè, comme on appelle cette origine, n'a donc rien à voir avec un principe aristotélicien de premier moteur. Ce principe, chez Anaximandre, n'est pas comme suspendu à un monde sans origine. Quant au cosmos d'Anaximandre, il est changeant, en sursis. Il n'y a pas d'éternité du monde, pas plus qu'il n'y a de cyclicité : il y a plutôt multitude de mondes, et éternité de l'apeiron, de l'indéterminé, de l'infini. Quant à la mort, elle est dans ce cadre une forme de justice.



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Fragments et témoignages

L’apeiron (en grec ancien : ἄπειρον / apeiron, « illimité ») désigne le principe originel de toutes choses. la notion nous vient d’Anaximandre, le premier grec à avoir pensé explicitement la nature.. Parler d’un « principe » est déjà trop, car l’apeiron est vie infinie, inengendrée et éternelle.



De l’apeiron éclosent toutes les choses qui vont s’entrelacer, s’épouser, se différencier pour former la nature dans ses formes infiniment changeantes. De sorte que la nature se définit comme éclosion perpétuelle, la phusis antique (en grec ancien : φύσις, traduit ordinairement par « nature » mais signifiant croissance) qui n’est pas seulement matière, mais la totalité physique et métaphysique qui nous contient.



L’apeiron est l’inaccessible dimension sensible de la vie, qui enveloppe et imprègne toute chose, dont tout procède et vers quoi tout revient pour rejaillir en de nouvelles formes ; dont tout porte dans sa forme même une empreinte qui n’est perceptible qu’au regard ignorant, primitif, c’est-à-dire qui est lui-même, inconsciemment, encore enveloppé et imprégné de la sensibilité matricielle originelle.



Ainsi la nature n’est ni matière, mécanisme, ni ce qui existe que les hommes n’ont pas créé ; mais elle est tout ce qui est et tout ce qui devient et advient. Autrement dit, la culture, que l’on oppose habituellement à la nature, n’en est qu’une manifestation – concordante ou discordante, harmonieuse ou chaotique -, cherchant à s’en échapper et à s’en différencier, mais qui de toute façon s’y résorbera tôt ou tard, car rien ne peut exister hors du tout.



Toute culture qui se pense opposée à la nature, supérieure à elle, n’est qu’une illusion provisoire, que le temps dissoudra, que l’espace recyclera. La seule culture qui puisse se maintenir et fleurir est celle qui rejoint sensiblement l’éclosion perpétuelle, s’y abreuve, et s’y inspire, pour en exprimer une des formes possibles parmi l’infinité des formes possibles qui reposent dans l’indétermination de l’apeiron.



De même l’opposition entre matière inanimée et matière vivante ne tient plus : car la matière inanimée (ce qui de toute façon est très relatif comme nous l’apprend la physique moderne) est animée par l’apeiron ; elle en est une expression sensible – à la sensibilité imperceptible à nos sensibilités cultivées -, sensibilité encore endormie pourrait-on dire, manquant de détermination formelle. Ce n’est qu’avec la première cellule que cette sensibilité prendra forme, s’éveillera dans l’éclosion à la vie-même – pourtant partout latente – et la manifestera distinctement, en se particularisant comme entité originale – signature de l’originel apeiron – en délimitant son être de toute matière extérieure au moyen de sa membrane.
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