AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Dourvac`h (41)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Grand large

Grand large - Dourvac'h - Roman - Éditions Mon Petit Éditeur - Lu en avril 2021.



"Grand large", titre évocateur, la mer, le ciel, le vent...

Mais pour Bruno, artiste peintre, depuis deux ans, Grand large évoque la disparition de son fils Aurélien alors âgé de huit ans. Il ne reste de lui que son bonnet calé sous une pierre en haut de la falaise.



Pas de corps, pas d'indice, rien. Rien que le vent qui hurle , comme si le petit garçon s'était envolé dans ce vent.



Bruno s'enfonce dans le désespoir, son couple chavire, sa femme Charlène ne lui pardonne pas son manque de surveillance et s'en va emmenant avec elle leur petite fille Clara. Bruno boit plus que de raison, il se déprécie, il culpabilise. Il peint mais se trouve nul.



Clara, le soleil de Bruno, petite fille éveillée, maintiendra son père au-dessus de l'eau.



Où est Aurélien ? Bruno n'a jamais cru à sa mort.



Le dénouement est surprenant.



C'est sur fond de nuages voyageant par dessus la mer, par dessus la falaise que Dourvac'h nous peint avec des mots emplis de poésie , par petites touches colorées, parfois grises, sa souffrance, ses espoirs, la tendresse qu'il a pour Clara.



Je me suis posée parfois entre deux paragraphes, entre deux chapitres pour laisser vagabonder mon esprit sur les falaises, dans les embruns, dans les nuages et le vent, dans le cri des sternes. Avec le petit bonnet d'Aurélien, ils ont formé une ronde dans ma tête.



Je dépose donc mes mots certes moins beaux que ceux de Dourvac'h pour en garder la trace.



Vous l'aurez compris, j'ai aimé lire Grand Large.





Commenter  J’apprécie          15522
Heiraten (Noces)

Ce livre représente pour moi un présent précieux et délicatement dédicacé de la part de son auteur. À ce titre il occupe une place particulière dans ma bibliothèque. Celle réservée à ces « alliés substanciels » comme les appelait René Char dans une belle formule reprise par Linda Lê dans Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau.



Je l'ai lu avec une lenteur certaine et avec le bonheur de me sentir la bienvenue dans cet univers poétique créé par la plume si fine de l'auteur. Dourvac'h aime, me semble-t-il, Julien Gracq. Aussi, je voudrais ici, citer un passage de En lisant, en écrivant (p. 168-169) pour exprimer ce sentiment chaleureux dont je fus enveloppée à la lecture de Heiraten et qui culmine avec la dédicace finale à la « douce Dominique » dont l'auteur a écrit (cf. son commentaire à ma citation) : « ultime (et intime) dédicace ».



L'auteur m'a surprise (très agréablement) par la qualité de son livre, fruit d'un dur labeur de recherche et conception artistique, répondant probablement et subtilement à ce « dur désir de durer » qu'engendre la force de l'amour, et je l'ai, à mon tour et à l'instar de ce que dit Julien Gracq, surpris dans « ses traces » :



« La lecture d'un ouvrage littéraire n'est pas seulement, d'un esprit dans un autre esprit, le transvasement d'un complexe organisé d'idées et d'images, ni le travail actif d'un sujet sur une collection de signes qu'il a à réanimer à sa manière de bout en bout, c'est aussi, tout au long d'une visite intégralement réglée, à l'itinéraire de laquelle il est nul moyen de changer une virgule, l'accueil au lecteur de quelqu'un : le concepteur et le constructeur, devenu le nu-propriétaire, qui vous fait du début à la fin les honneurs de son domaine, de la compagnie duquel il n'est pas question de se libérer. […] Si impersonnel qu'il se veuille, un livre de fiction est toujours une maison vide que tout, de pièce en pièce, dénonce comment encore quotidiennement, désinvoltement habité, du manteau accroché à la patère à la robe de chambre qui traîne sur le lit, et au désordre de la table de travail – et je suis toujours content quand j'ai l'impression de surprendre l'auteur sur ses traces toutes chaudes, et comme au saut du déménagement.»



Je garderai à l'esprit longtemps cette histoire qui est une si belle invitation à ne pas trahir les morts, mais aussi à relire l'œuvre de Franz Kafka, à qui appartient la conclusion du livre : « Ma barque n'a pas de gouvernail, elle navigue au gré du vent qui souffle au fond des régions inférieures de la mort. » (Das Jäger Gracchus).



Un dernier mot pour dire à quel point j'ai apprécié l'idée de reprendre « [les] trois langues : autant de mélodies humaines reflétant la prodigieuse diversité culturelle de [l]'époque ».



Là où j'entends le plus la voix de l'auteur, me semble être à la page 62 :



« Travailler, travailler...

Mériter son pain.

Et puis ?

Exténué, évidement.

Comment vivre autrement ? ».



L'étude par les livres me semble être un travail que nous nous devons d'accomplir à l'image de ce qu'a entrepris Dourvac'h.





Commenter  J’apprécie          1484
Heiraten (Noces)

Je viens tout juste de refermer ce livre et j'en reste sans voix. J'avais déjà été charmée par Grand Large, roman sur les affres de la vie dans lequel l'auteur arrivait comme par magie à insérer une prose poétique de toute beauté... Mais là, nous sommes dans une autre dimension.



Si je vous dis "Kafka", vous me répondez La Métamorphose, Le Procès ou Le Château. Mais Dourvac'h, lui, vous dira instantanément : "Julie". Julie ? Une des œuvres inconnues de Kafka ? On pourrait presque le voir ainsi. Mais il s'agit en réalité de Julie Wohryzek, une de ses fiancées. Vous l'aurez compris, nous avons là un texte nous relatant la relation entre les deux amoureux ; une relation sur fond de tuberculose puisque la rencontre des tourtereaux s'est faite au sanatorium.



En s’immisçant ainsi dans les pensées de l'écrivain, l'auteur met en relief tout ce qui le rongeait : la maladie tout d'abord, sa première maîtresse, l'amour passionné pour Julie et... l'amour pour les femmes. Nous faisons face à un être torturé. Qu'en aurait-il été si le mal qui phagocytait ses poumons n'avait pas été là ? Si les parents de Julie avaient bien voulu de ce mariage ? Si Milena n'était pas venue le détourner de son chemin ? Autant de questions qui restent en suspens...



Je persiste et je signe, l'écriture de Dourvac'h est magnifique, travaillée, d'une richesse confinant au sublime. Il y aura désormais, lorsque je lirai du Kafka, cet écrit magistral en filigrane... Un "avant" et un "après" Heiraten.



Chapeau bas à cet écrivain qui joue dans la cour des grands ainsi qu'à son éditeur, Michel Chevalier, des Editions Stellamaris, pour avoir eu le courage de publier un livre loin de toutes les sirènes commerciales. Et j'ajoute que celui-ci rend d'autant plus hommage à cette pépite littéraire qu'il est richement illustré sur papier glacé.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          822
Grand large

La disparition d'un enfant... La déchirure d'un couple... Bruno subit les affres de la vie. Pourtant, parmi toutes les turpitudes, sur ce chemin de croix, brille un petit bijou : sa fille, Clara, qu'il est obligé de se partager désormais avec la maman depuis que le petit Aurélien a disparu, un beau jour, alors qu'il jouait au bord d'une falaise. Pas de corps mais un décès sous-entendu et un deuil qui ne peut pas se faire, inévitablement. Alors Bruno, peintre de son état, dessine, encore et toujours ces falaises... jusqu'à l'ultime rebondissement...



Waouh ! Quel texte ! D'une puissance, d'une finesse ! On oscille entre le vocabulaire de la petite Clara, enfantin et touchant, les descriptions picturales, petits tableaux magiques déclinés par petites touches et les pensées du narrateur, être torturé, tant mentalement que physiquement puisqu'il se laisse aller dans une déchéance crasse. Cet artiste tiraillé entre ses deux enfants, la mort d'un côté et la vie de l'autre, m'a fait penser à ces poètes romantiques du XIXe siècle, déchirés par la disparition de l'être aimé, clamant leurs vers douloureux dans des paysages souvent composés d'éléments aquatiques. Bruno est devant les falaises comme Lamartine devant son lac.



Vous l'aurez compris, j'ai adoré ce texte délicat qui ne peut laisser indifférent. L'auteur a un talent certain et mérite d'être connu.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          7912
Grand large

C’est le Dourvac’h, le varech. Qu’est-ce qu’on a en laisse de mer ? Un voyage en apnée. Des fonds marins. Des dents pointues en lames de fond et des dents de lait près du rivage. Des nacres et de mordantes falaises.

Du vague à l’âme et des embruns qui courent en crête, arcs-en-ciel luminescents. La fuite du temps, l’esprit coupable, et puis l’espoir. Enfin !

Il faut se mouiller pour voir, ni chaud ni froid ni tiède, il faut goûter les éléments, s’y frotter, se laisser bercer par les mots, par les flots emporté.
Commenter  J’apprécie          739
Grand large

Bruno est peintre et cela se sent tout au long du récit, dans la sensibilité des descriptions. C’est aussi un père, un père complice et attentionné avec la petite Clara aux grands « yeux de chevêchette », un père ravagé par la perte de son petit Aurélien.

Un père et un artiste, serait-ce incompatible ?

Bruno se sent coupable de la disparition de son fils car, absorbé par le tableau qu’il était, alors, en train de peindre, il n’a pas vu l’enfant prendre la poudre d’escampette et se perdre là où sont les falaises et où souffle le grand vent.

Sa femme ne lui a pas pardonné ce défaut d’attention, elle l’a quitté. Il se laisse aller à la boisson et se néglige malgré la tendresse et la complicité qui le lie à sa petite Clara quand il en a la garde.



C’est Clara avec son regard d’enfant qui va voir réapparaître Aurélien dans un tableau où elle l’a déniché « tout petit, perdu dans son ciré jaune, il a l’air si sérieux et si seul : sûrement peint avec un pinceau très fin, mais par qui ? » Bruno ne se souvient pas l’avoir peint mais un doute nait et cette découverte fera son chemin …. Plus tard Il se rappellera un tableau de Corot « Le coup de vent » où apparaît aussi un petit personnage et croira « en l’enlèvement par le vent »...



Et puis apparaît Rose, qui lui achète un tableau, un de ceux qui a donné « une petite soeur à Clara. Une petite soeur de lumière.
Des yeux trop grands qui touchent au coeur de mon être. Je les vois comme une échelle de corde qui me ferait quitter ce monde. Cercles émeraude qui naissent du papier Ingres de l'esquisse... iris aux rayons colorés, frais échappés de l’arc-en-ciel… »



Rose lui redonne vie dans un premier temps « Elle sourit à mes bêtises ; et j’aime voir naître ces fossettes à la douce commissure de ses lèvres framboise. » 

mais le doute renaît et Bruno se sent mal sous le regard de Rose et se dit qu’une femme comme elle ne peut aimer « un père raté et un peintre raté »…



Je ne peux qu’ajouter qu’après tout un cheminement intérieur et bien des questionnements

« Existe-t-il, ce chemin d’eau entre les âmes ?

Comme si la voix surgissait des profondeurs de la mer… »



Bruno aura enfin une réponse…. mais chut…



Ce texte poétique tout en douceur, que mon souvenir de lecture nimbe de couleurs pastel estompées, m’a touchée et séduite.

Commenter  J’apprécie          602
Heiraten (Noces)

Sanatorium de Riva (Tyrol) – 1913

Gerti et Franz. Kafka, 30 ans, rencontre la toute jeune Gerti, die Schweizerin, qui restera sa douce nostalgie, son idéal féminin. Elle adore les contes illustrés. Il ne lui dessine pas un mouton mais un chevalier, une princesse, un vieil elfe. Sa trace légère s'est perdue dans les limbes.



Pension climatique de Schelesen (Prague) – 1918

Julie et Franz. Kafka, 35 ans, rencontre la jolie Julie. Ils se promènent, se plaisent, roucoulent, se fiancent, rompent, se revoient, se quittent. Elle est gaie et fougueuse, elle adore les musiciens de Prague. Il est sombre et pensif, l'écriture le torture, il souffre de l'autorité intraitable de son père qui refuse le mariage.



Milena J. pourrait-elle être la cause de cette rupture définitive ?



Franz Kafka a laissé une nombreuse correspondance et ses manuscrits à son ami, Max Brod, avec mission répétée de tout détruire. L'ami n'obéit pas sans quoi nous n'aurions jamais connu le Château, le Procès, La colonie pénitentiaire, etc.



Heiraten (Noces) raconte de manière poétique, avec finesse et sensibilité, ces deux rencontres amoureuses. Alliant les dialogues imaginaires aux extraits de correspondance ou du Journal de Kafka, l'auteur nous entraîne sur les bords du lac de Garde, devant les énormes rochers sculptés de Vaclav Levy dans la forêt pragoise et dans les rues animées de la capitale tchèque.



L'alternance de l'allemand, du tchèque et du yiddish donne un rythme très réaliste à ces amours sincères mais entravées.



Le bonheur est toujours de courte durée pour Franz mais comme il aurait pu l'écrire : « Je ne sais pas parler du bonheur. N'est-il pas temps que j'apprenne ? »



Il a beaucoup appris mais sa nature fragile eut raison de son désir à 40 ans.



Les photos de ces belles dames, de Prague et de sa pension sous la neige, invitent à feuilleter ce joli livre et à en découvrir tous les petits trésors de ces vagues amoureuses comme on s'attarde avec nostalgie sur un album de jeunesse. Une courte biographie de chaque personnage complète ce tableau gracieux en demi-teintes.

Commenter  J’apprécie          5611
Heiraten (Noces)

Ha! Quel magnifique ouvrage, aéré et aérien; une onde poétique vibrante de romantisme. J'ai A-DO-RE !



L'auteur peint avec des mots la rencontre de Franz Kafka et Julie Wohryzek, sa fiancée éphémère aux contours éternels. Égrainés de photographies et d'extraits du journal et de la correspondance de Franz Kafka, il fait fleurir ses amours, comme un bouton en forme de promesse.



"Je ne sais pas parler du bonheur.

N'est-il pas temps que j'apprenne ?

Un pas, puis deux dans la lumière...

Comme un enfant apprend à marcher."



Ce n'est ni une biographie, ni une fiction, c'est les deux à la fois! Basé sur les écrits de Kafka, il s'agit d'une évocation de l'amour et ses tourments. Amours reviviscents, amours impossibles, amours tendrement romantiques, Kafka est attiré par Julie comme un papillon est attiré vers la lumière. Elle incarne la vie, la fraicheur, l'insouciance, la gaité. Tout son contraire, lui, dont l'âme est si tourmentée par la maladie et la mort.



"Tu parviens à me faire rire de moi avec toi - de mon brouet de petits malheurs, clairs et réjouissants pour toi, opaques et désespérants pour moi..."



C'est aux portes de la pension Stüdl que nait leur histoire et commence l'histoire.



"Poussant la lourde grille de la pension: comme j'aime son joli grincement! Un chant dans la neige.

Si près des yeux, sa double rangée de flèches.

Écailles de métal peint sous la pulpe des doigts - rouille émeraude qu'on aime caresser longtemps, comme le dos d'un lézard immobile.

Est-elle là? (...)"



La suite est tout aussi délectable...

Dans ce sanatorium dédié au repos et à la convalescence, qui semble protégé par un cocon neigeux, entouré d'une forêt d'ombre et de lumière, au sein de laquelle les "Diables de Levy" sommeillent, leurs amours s'épanouiront délicatement. Mais le retour à Prague est aussi celui du douloureux réveil, de la réalité qui balaie tout sur son passage, de l'omniprésence du père, de la peur de s'engager peut être. C'est également celui de la réminiscence de ses amours avec Gerti Wasner. La forêt enneigée qui nimbe son amour pour Julie finit par se fondre dans les lacs aux eaux dormantes de celui pour Gerti. Kafka apparait comme un amoureux de l'amour qui puise dans ses amours la force de vivre et d'échapper à la réalité.



"Douceur et mélancolie de l'amour. Son sourire s'adressant à moi dans la barque. C'était le moment le plus beau. Toujours désirer mourir, et surnager encore, cela seul est l'amour. " Franz K., Journal, 22 octobre 1913.



Ce livre original dans sa forme, inclassable dans son contenu, est superbe, comme une esquisse au fusain aussi légère qu'ombragée, comme un chant mélodieux au coeur de la nuit. Si vous aimez les belles écritures harmonieuses, ciselées et délicieusement poétiques qui chantent l'amour, vous l'aimerez aussi. Si en plus, vous êtes curieux de l'homme que pouvait être Franz Kafka, ce livre est définitivement pour vous! Un ouvrage trop court au nectar délicieusement gouteux, avec un petit gout irrésistible de "reviens-y". Sublime ! Une très très belle découverte.

Commenter  J’apprécie          5022
Grand large

Un bonnet bleu abandonné, une tâche de ciré jaune, minces couleurs vives sur l’abrupt de la toile crayeuse…



L’artiste peint

L’artiste tremble

Vapeurs d’embruns, vapeurs d’alcool, « royaume de l’ombre »

L’artiste pleure – seul – silence du père – Rien que le vent qui geint, rien que ses fulgurances.

La mer s’en fout, elle, l’éternelle,

elle étincelle, ruisselle, déverse sans fin ses puits de lumière d’or …

L’artiste regarde – fixe – le père espère – regarde encore

Puisque, c’est vrai, tu sais : « regarder la mer empêche de mourir »

Le pinceau incertain divague ses vagues de gouache, esquisse l’absence, coule la douleur : toujours les mêmes scènes en bord de soi, vertige, au bord de vides, bord de falaise, une mouette dans le grand ciel libre, et puis en contrebas, l’écaille des roches, les pins mordants, la mer, pareille, toujours fidèle, tapis étincelant. Vertige …..

Envol ? Et toi, en bas ?



L’artiste peint, il faut survivre

Clara babille. Clara, son ange, sa gosse, son rire

L’artiste feint … de vivre

Le pinceau frais dessine le féminin et l’enfantin poupin, ose les roses, les colorés, les fleurs, les clairs des arcs en ciel, les yeux qui brillent …

Petites toiles moirées de ROSE, l’éclair d’espoir dans le halo des ecchymoses.

Deux ans déjà … Et toi, petit, où çà ?

Te serais-tu « hissé à l’intérieur du soleil » ?



Dourvac’h ? Cascades d’Eaux vives ? Et mortes Eaux …

N’y aurait-il pas un peu de toi, caché entre ces lignes, entre ces blancs et ces longs points de suspension ?

Dourvac’h, serais-tu tout à la fois peintre, musicien, conteur, rêveur et un peu magicien ?

Surement en toi, cette part d’enfance propre à l’émerveillement, surement le tendre et le sensible, surement la poésie et la pudeur, surement aussi quelques fissures.



« Falaises de craie sur l’île de Rügen » : j’ai eu la bonne idée d’aller voir ce tableau de Friedrich, puisque tu y as puisé le cadre de ton livre. Subjuguant ! Je comprends mieux ton engouement. Je comprends mieux toutes ces questions lancées vers les étoiles, toute cette mélancolie déversée sur les flots, ce romantisme à fleur d’écrit et cette contemplation méditative et intuitive face à la beauté sculpturale océane.



« Il y a l’attraction de la terre ; la beauté infinie de la mer ; toutes deux viennent à notre rencontre, nous parle du vide et de la mort ».

Nous parle aussi d’espoir, nous parle aussi d’amour.



Entre déchéance et « résurrection », entre apnée et respiration, Grand Large, c’est tout ça, une petite histoire funambule, un fragile équilibre, une palette d’émotions toute simple, vibrante, touchante, un cerf-volant, une bourrasque de vent, un pastel de couleurs tendres posé au creux des mers et l’aquarelle rêveuse d’un reste d’innocence.



Tu y mets tant ton âme, Dourvac’h, comment ne pas y croire ?

Ne dis-tu pas, comme Nerval dans Aurélia : « le rêve est une seconde vie », le rêve est une autre vie !



Immobile, sur la frange de sable mouillé, m’abandonner …

« Je t’appartiens jusqu’au fond de l’océan » --- Comment ne pas aimer ?

Commenter  J’apprécie          4727
Heiraten (Noces)

Poussez la grille de la pension d’Olga Stüdl à Schelesen où Kafka « le choucas » et Julie « la grive musicienne » vont se retrouver loin de Prague. Vous ne le regretterez pas.



Cela commence ainsi :

« Poussant la lourde grille de la pension : comme j’aime son joli grincement ! Un chant dans la neige.



Si près des yeux, sa double rangée de flèches.



Ecailles de métal peint sous la pulpe des doigts — rouille émeraude qu’on aime caresser longtemps comme le dos d’un lézard immobile.



Est-elle déjà là ?

Pas un mouvement aux rideaux.


Pas encore rentrée… »



et se poursuit tout en délicatesse,

« Visage fragment de lune dont j’admirais le profil.


Cou fléchi de jeune cygne malade.»



tout en effleurements poétiques pour approcher « l’éternel fiancé » et Julie femme enfant, fantasque, joueuse, mutine qui va lui offrir son rire auquel le sien fera un temps écho pour tenter de couvrir le monde angoissant qui est le sien.



Mais il faudra revenir à Prague où règne le père … Prague, où Milena va faire son apparition.

« Si je pouvais - pas après pas - rejoindre ton bonheur de vivre… l’approcher pour m’installer à son côté sans l’effaroucher. Sans laisser deviner combien il me réchauffe… L’ombre des pères glisserait alors loin de nous deux. Lentement s’éloignerait dans les ruelles. L’ombre des ruelles ne tient-elle pas de cette ombre-là ? Elle nous laisserait enfin. Nous irions bras dessus, bras dessous. Nous gagnerons le soleil, la place un instant illuminée. Feux de bengale au crépuscule, qu’un forain laisse échapper de sa main » p 66



Et revient aussi le souvenir d’une autre petite fiancée, papillon éphémère qui lui aura, elle-aussi, servi à soutenir et faire renaître sa fièvre créatrice.



Gerti à Riva :

« Maintenant assise face à moi, son petit chapeau posé un peu de travers - en se donnant des airs graves. J’ai bien envie de rire mais son regard obstiné d’enfant me fait me reprendre. Je redresse mon menton qui s’appuyait sur un faux col immaculé pour la regarder au fond de l’âme.



Une enfant si confiante, profonde, à l’imaginaire si vaste. » p 104



Ce petit livre jalonné de photos anciennes au charme suranné donne vie à des êtres que l’on pourrait croire sorti d’un album familial et ainsi nous les rend très proches. Et leur belle évocation poétique où s’intègrent des extraits de la correspondance de Kafka et de son journal vient renforcer cette impression de partager leurs rêves, leurs angoisses et leur intimité.
Commenter  J’apprécie          464
Heiraten (Noces)



En feuilletant le petit livre de mon ami Dourvac'h je fus agréablement surpris d'y trouver une photo de Max Brod (1884-1968), "l'ami indéfectible de Franz Kafka", comme spécifie l'auteur. Je me souviens d'avoir, dans un moment d'idéalisme juvénile, souffert à cause de mon Français rudimentaire, sur son ouvrage "Franz Kafka : Souvenirs et documents" de 377 pages. Je suis allé consulter ma liste de livres lus et j'ai été sidéré par la date : Le 7 février 1964, j'avais 17 ans. Bien que je n'étais pas assez mûr pour apprécier ce livre à sa juste valeur, il m'avait impressionné et c'est de là que date ma grande admiration pour Franz Kafka. Mais j'ai eu le bon sens d'attendre un peu avant de m'attaquer à son "Le Proces" , "La métamorphose" et "Le Château".



Lors de ma première visite à Prague, en 1970, une amie tchèque m'a amené, à ma demande, à la tombe de ce géant de la littérature et de sa famille. J'ai aussi pu admirer la plaque commémorative, juste en face de cette tombe, à la mémoire de Max Brod, qui lui a été enterré en Israël.



Cet ouvrage a reçu 15 critiques favorables sur Babelio et après les chroniques superbes de LydiaB et de mon amie ClaireG il n'y a pas grand-chose que je puisse ajouter de sensé.



Sauf peut-être que ce document, puisqu'il s'agit d'un document, m'a plu. Il est par ailleurs richement illustré avec des photos de Julie Wohryzek, un amour de Kafka dont il a brossé un portrait flatteur dans une lettre à Max Brod, née à Prague en 1891 et morte à Auschwitz en 1944, et de la très jeune Gerti Wasner de Lübeck avec qui il a eu une liaison éphémère. À propos de cette Gerti, Kafka a écrit : "Pour la première fois j'ai compris une fille chrétienne et j'ai vécu pratiquement complètement sous son influence".



Ce qui m'a un peu étonné c'est de ne point y rencontrer une photo de Milena Jesenska, née également à Prague en 1896 et une autre victime des nazis, morte à Ravensbrück en 1944. Kafka et elle ne se sont rencontrés que 2 fois, mais comme Milena ne voulait pas divorcer de son mari, Kafka a mis fin à cette liaison. Elle a traduit plusieurs nouvelles du grand maître tchèque et j'ai lu d'elle "Vivre" que je peux vous recommander.



La rencontre de ces 2 amours brefs de Kafka, mort à 40 ans de tuberculose, est présentée de façon admirable : romanesque et littéraire. Certains passages vous prennent à la gorge, surtout si l'on tient compte de l'endroit, des sanatoriums, et du sort tragique des personnages.



Que penser du passage suivant (à la page 92) : "Nous ne pouvons nous marier parce que je suis si malade...Nous ne pouvons nous marier car tu deviendrais si malade... Nous ne pouvons nous marier parce que j'ai si peur de mourir..."



C'est triste de penser ce qu'un des plus grands écrivains du siècle dernier aurait pu nous laisser encore comme oeuvres merveilleuses, si une défaillance pulmonaire n'en avait pas décidé autrement !



C'est tout le mérite de Dourvac'h et des Éditions Stellamaris de Brest d'avoir rendu un hommage admirable à l'immortel Franz Kafka. J'espère que cet ouvrage contribuera à un regain d'intérêt pour cet auteur parmi les jeunes lectrices et lecteurs.

Commenter  J’apprécie          443
Grand large

Comment continuer à vivre lorsqu'un enfant disparaît. Vivre avec cette culpabilité qui vous ronge. Vivre en peintre raté. Suivre la spirale de l'alcool. Et néanmoins essayer de survivre ; pour Clara, en garde alternée ; pour Rose, qui a un jour croisé votre regard.



Dourvac'h utilise son crayon à la manière de son personnage Bruno qui peint ses aquarelles, par petites touches, avec pudeur. Je regrette néanmoins la chute qui ne m'a pas pleinement convaincue.



Commenter  J’apprécie          432
Grand large

Grand large, c'est un mélange de souffle et d'asphyxie, de couleurs délicates déposées sur la toile avec finesse et d'un vent destructeur couleur de désespoir qui décoiffe le moral et bat les falaises, c'est un babil d'enfant et un balbutiement d'ivrogne, c'est une trame réaliste -un deuil une solitude, un désir de réparation- et une envolée onirique- sont convoqués Caspar David Friedrich, Nerval, Icare et l'homme-avion de la Tour Eiffel.



J'ai aimé ce récit personnel et vibrant, ce style habité, aéré, aérien, cette structure impressionniste, pleine de blancs et d'ellipses, qui s'adresse à l'intuition, à l'émotion, à l'enfance...



Il faut se laisser porter par le récit comme l'homme-oiseau se laisse porter par la bourrasque, comme le rêveur se laisse charmer par son songe au point d'y pénétrer et d'y trouver ce qui lui manque.



La clé des songes , comme les grands yeux des petites filles peintes par le narrateur, ouvre les portes de corne et d'ivoire d'une réalité cachée...plus vraie parce qu'on en a rêvé d'abord..



Merci, Dourvac'h, pour ce bol de grand air, cette disponibilité à la magie qui n'a rien d'un "happy end" mais qui nous apprend à penser le chagrin autrement!
Commenter  J’apprécie          415
Grand large

Hier soir, j’ai passé ma soirée à lire Grand Large de Dourvac’h. Je me suis laissée emporter par les vagues, les reflux de l’océan. Je me suis crue à l’Ile de Ré. J’ai pris un bon bol d’air et cela m’a fait du bien.



Bruno est un père aimant, attentionnée et pourtant un jour son fils Aurélien disparaît. On ne se remet jamais d’un tel drame. Grâce à sa petite Clara, drôle, espiègle, attachante, il tente de ne pas vaciller. C’est difficile et compliqué de continuer à vivre avec cette culpabilité de ne pas avoir été assez vigilant.



Il ne se résout pas à faire le deuil, pas de corps juste un bonnet retrouvé.



Alors il peint pour faire revivre son fils perdu.



L’auteur écrit tout en émotion, poésie, il nous entraîne au gré du large, de la tempête des cœurs, des fêlures qui laissent passer la lumière, des non-dits, des esquives de la police qui promet de retourner sur les lieux du drame pour chercher une nouvelle piste mais sans conviction.



Bruno ne désarme pas, c’est de sa fragilité qui fait la beauté du personnage, alors il cherche son fils…

Un livre percutant, émouvant, qui emmène le lecteur jusqu’au bout de lui-même…



Merci à Siabelle, fidèle amie, qui m’a recommandé cette lecture, alors malgré mes appréhensions par rapport au thème, j’ai plongé et suis revenue à la surface.

Commenter  J’apprécie          406
Grand large

Court roman sur la recherche d’un enfant perdu, disparu en l’espace de quelques secondes, perte immense que Bruno peintre de son état a du mal à se remettre. Quel parent ne le serait pas ? En plus du chagrin, il y a la culpabilité d’un père qui pour un moment d’inattention a perdu son trésor, la chair de sa chair. C’est la déchéance, l’alcool, le sentiment de son inutilité. L’amour est pourtant à sa portée mais aura-t-il la force de chasser ses démons. Sa petite fille l’inspire dans le choix de ses tableaux. Sa douceur, son espièglerie, son innocence d’enfant lui est un baume au cœur qui l’entraîne à aller de l’avant.

Roman tout en prose, plein de poésie qui touche au cœur et nous rend malheureux pour Bruno. L’auteur a su retranscrire les sentiments de ce père perdu dans les affres de l’alcool et de la perte de son enfant.

J’ai beaucoup aimé aussi retrouvé les paysages de cette mer que j’adore et m’inspirent aussi très souvent ses sentiments de Grand large. Ce vent qui nous porte et nous emmène très loin comme un oiseau épris de liberté.

Première découverte de cet auteur qui m’a été conseillé par une amie babéliaute Siabelle. Belle écriture.

Commenter  J’apprécie          376
Grand large

C'est par un très beau hasard et sur les conseils de mon amie-lectrice Cricri124 que je choisis le livre «Grand Large» qui semble m'appeler, aussi grâce à sa superbe couverture qui le représente si bien.



J'ouvre donc mon livre et je suis très heureuse d'aller faire la connaissance de Bruno. Il est un peintre et il est également un «papa». On se laisse porter par sa voix et il nous raconte son histoire, ainsi que le drame qui survient dans sa famille. Sa vie bascule, quand son fils ne revient pas d'une balade, et qu'on ne retrouve pas le corps.



Captivant, Passionnant, Enveloppant.



Je me laisse vraiment transporter, je suis très subjuguée par la manière dont il raconte. Je remarque une écriture énigmatique, puissante et imagée. Je suis très conquise par ce héros attachant qui vit beaucoup d'états d'âme. Je suis alors sous le charme de sa plume, à la fois vibrante, poétique et musicale. En sa compagnie, tu vas à la rencontre des personnages hauts en couleurs, tels que sa petite fille Clara, sa rencontre inattendue avec Rose : elles l'aident à ne pas trop sombrer, ainsi que les tableaux qu'il peint. On le voit se débattre, à la quête de lui-même et, soudain, il décide d'aller à la conquête de son fils Aurélien, pour essayer de comprendre sa disparition.



« Peut-être… et que le vent me guide »….



Le livre «Grand large», c'est une rencontre avec soi-même, ainsi qu'avec son environnement. C'est un récit à la fois très touchant, très émouvant et très troublant, où notre héros Bruno est à la recherche de la vérité. C'est également un appel : à l'écho de la nature et à l'écoute de nos sens. Mais aussi à suivre son instinct, coûte que coûte, même si parfois on se sent seul contre le monde entier. C'est ainsi avec Bruno, ce héros fragile et rebelle qu'on accompagne du début jusqu'à la fin, et que je suis très triste de quitter. On se laisse alors amener, on se laisse ainsi malmener, on se laisse dès lors naviguer, vers le «Grand Large»…



C'est un véritable coup de coeur, c'est un très beau livre qui se laisse lire, qui se dévore, qui se déguste ; si bien dépeint, ce portrait du «Grand large» dont d'autres lecteurs pourraient suivre les traces.



Siabelle
Commenter  J’apprécie          3739
Heiraten (Noces)

Entre le poème- conversation et le poème tout court, entre la neige et le lac, entre Julie et Gerti, entre les rochers des Diables et le balcon des anges, voici Heiraten...



Les "Noces" du récit et de la poésie.



Je n'ai pas "aimé" bêtement ma lecture : j'ai été envoûtée, bercée, magnétisée par le chant de Dourvac'h.



Oui, le chant: une pincée de tchèque, un fidl de yddish, ein bischen d'allemand et surtout sa langue à lui, toute de suggestions, de langueur maladive et de douceur..Subtile et triste, cultivée et enfantine, pleine de fêlures et de rires cristallins, pleines de larmes et de sourde angoisse.



L'histoire est simplissime.



Franz Kafka rencontre Julie, dans une pension sous la neige, près d'une grande forêt où un sculpteur un peu fou a sculpté de géantes têtes de démons. Tous deux sont jeunes, tous deux sont phtisiques, tous deux sont juifs. Mais elle est gaie et toute naïve, lui est sombre et comme hanté par la mort à l'oeuvre dans son faible corps, par l'ombre terrible du père, par ses livres qui le dévorent comme une fièvre.

Elle veut l'épouser: elle a déjà perdu un premier fiancé à la guerre. Elle veut un anneau. Il le lui achète mais bientôt par faiblesse, par lâcheté, par fatigue, il cède à l'interdiction menaçante de son père, - ou est-ce à la peur de la mort et de l'amour charnel? à la rencontre avec Milena, l'âme-soeur?

Pour la consoler, la distraire, il lui conte l'histoire d'un autre de ses amours perdus: Gerti, rencontrée au sanatorium.

Franz et Julie ne s'épouseront jamais. L'anneau de Julie n'aura jamais son pendant sur la main décharnée de Franz...



C'est tout.



Mais c'est ne rien dire du charme intense de ce petit livre ciselé, musical, amoureusement construit, illustré, présenté.



J'avais lu et aimé déjà Grand large :plus breton, plus romanesque, plus narratif -mais déjà plein de poésie et très impressionniste dans ses couleurs et sa palette...



Dourvac'h joue ici d'autres gammes: on pense à Caspar David Friedrich, à Adolphe, aux grands mythes du romantisme allemand, la Lorelei, le Roi des Aulnes,Lenore, et aux mythes juifs et tchèques -ces rochers diaboliques sont les Golems de la forêt- mais surtout son livre est ancré dans l'histoire d'un auteur qui est devenu comme son frère.



Il est Franz, il marche avec Julie dans la neige, il tient sa main et se désole de ne pas l'aimer assez, de ne pas l'aimer mieux, elle qui est si gaie, si tendre...



En lisant Heiraten j'avais mille images dans les yeux, et la musique klezmer berçait mon coeur de ses violons tour à tour frétillants et déchirants.



On doit relire Heiraten, presque tout de suite: c'est trop court, trop parfait;



On a l'impression d'avoir rêvé..
Commenter  J’apprécie          313
Heiraten (Noces)

Les Éditions Stellamaris (Brest) ont édité en 2015 ce beau livre « Heiraten (Noces) » : c'est aussi un bel objet avec ses pages glacées qu'on peut commander sur le site web de l'éditeur. C'est difficile de trouver les mots, disons que c'est un gros coup de coeur, une lecture vraiment incroyable, l'auteur Dourvac'h nous transporte littéralement et dès la lecture finie, on est à la fois désarmé et conquis.



Lorsqu'on entre dans le livre, c'est un peu faire entrer le soleil à travers les ombres, on entend même le bruit de la forêt, on se laisse bercer par la voix intérieure de Franz K. et on se sent rapidement projeté déjà dans son univers sombre et des ombres mystérieuses. « Eh bien, qui vient troubler ainsi ma retraite ? ». Il partage en trois parties ce que Franz K. vit au quotidien à travers deux rencontres magiques et tragiques : Julie W. & Gerti W. « La vie a bien besoin de ressembler à un fin de trait de lèvres, de ceux qui nous ouvrent le ciel étoilé. ». L'histoire se déroule de 1918-1920, de Schelesen à Prague... Franz K. rencontre Julie W: « Une jeune fille qui m'aime et que j'aime… ». Noces éternelles entre l'amour impossible et la mort invisible. Nous découvrons que Franz K. est un amoureux de la littérature, il aime créer des histoires et il sait bien les raconter à ses interlocuteurs. Il se remémore aussi sa rencontre avec la jeune Gerti, qui se déroule en 1913 sur les rivages de Riva. L'auteur sait très bien faire naître des images, comme lorsque Franz lui relate ses petits contes. « Notre petite Princesse Gerti ne voudrait-elle pas courir l'aventure, elle aussi ?… Sur ce visage adolescent, ce matin-là je vis fleurir le plus doux des sourires – pareil à ce premier soleil qui levait les brumes du lac par-dessus son épaule ».



Une longue recherche a été faite pour écrire ce livre, « Heiraten », et lui donner toutes ses richesses. Ses illustrations nous permettent aussi de nous amener au mieux dans cet univers et nous le rendre exceptionnel. Les langues allemandes, tchèque, yiddish sont introduites dans les dialogues et tout est écrit afin de refléter les mentalités de ces temps anciens. L'avertissement de l'auteur le justifie ainsi : « Autant de mélodies humaines reflétant la prodigieuse diversité culturelle de leur époque… »



On ressent un être profond à la fois tourmenté et dont l'auteur sait très bien saisir l'intériorité en nous faisant vivre cette expérience inoubliable. C'est grâce à son contact qu'on apprend à le connaître à travers les différentes facettes de sa vie et sa relation avec son Père… Ce père déclarant à son fils Franz : « Chaque jour, toute sa vie, travailler pour nourrir sa famille comme je le fais… », puis le jugeant : « Ne pas perdre son temps à écrire des histoires ! ».



Ce récit « Heiraten » est comme une pièce musicale que l'on vit à différentes tonalités, qu'on traverse sur le chemin des ombres, là où la lumière éphémère se glisse dans la pénombre. Il est inévitable d'éprouver beaucoup de tendresse pour ces personnes qui ont existé et auquel l'auteur donne une seconde vie. Ce livre vous fera vivre des émotions telles des vagues sombres et des lumières.



« - Franz, tu peux être ou redevenir enfant, toi aussi… regarde-moi un peu et prends exemple ! Elle fait une horrible grimace en déformant sa grande bouche magnifique… Je souris : Julie me fait repenser à l'histoire que G*** préférait… Je racle ma voix la plus mâle… comme dans les lectures publiques… ».



Je me permets aussi de signaler pour vous la longue liste de toutes les oeuvres de Franz Kafka et les livres à propos de sa vie et ses oeuvres, dont je vous donne ici le lien : https://www.babelio.com/liste/12561/Franz-KAFKA-1883-1924-une-trop-breve-existence. Pour en savoir un peu plus, il y a aussi le site web de l'auteur : http://dourvach.canalblog.com/.



Enfin, cette belle citation parle vraiment d'elle-même : « Un grand auteur est celui dont on entend et reconnaît la voix dès qu'on ouvre l'un de ses livres. Il a réussi à fondre la parole et l'écriture. » (Michel Tournier). Elle m'a fait penser à « Heiraten » et à son beau petit monde livresque : https://www.babelio.com/liste/12378/Le-Tour-du-tres-petitmonde-de-DOURVACH-en-5-li



Siabelle
Commenter  J’apprécie          3032
L'été et les ombres

Je vous présente une très belle découverte : un premier roman-Jeunesse que nous offre l'auteur, Dourvac'h. Son titre : « L'été et les ombres » publié pour la première fois en 2009. Vraiment conquise par sa belle plume qui est efficace, poétique et harmonieuse, aussi charmée par la magie des mots car on déguste sa belle prose musicale. L'auteur possède une façon d'écrire très visuelle, il nous happe complètement et nous transporte avec lui dans cet univers rêveur qu'est «Outremonde».



«L'été et les ombres»… puisque c'est en été que les deux adolescents se rencontrent et se présentent par leurs surnoms : « Val » (pour Valentin) et « Chris » (pour Christine). Ils aiment se retrouver en dehors de chez eux, au coeur de la forêt où ils construisent ensemble leur petit monde, bien à eux. C'est un refuge à part, qu'ils partagent (sans s'en douter) avec le lecteur. On s'attache beaucoup à ces deux personnages qui nous touchent, tout au long de l'histoire que nous raconte Val le narrateur. Il habite le hameau de Saint-Cernin, c'est un garçon de treize ans. On l'accompagne tout au long de ses journées...



Passionnant, déstabilisant, enveloppant.



Je trouve le roman magnifiquement bien écrit : c'est vraiment une écriture très fluide, les mots sont soigneusement choisis. Et puis on se laisse emporter par ce riche décor à la fois féerique, enchanteur et sauvage. Tu te laisses porter par la voix de Val, dans ses débats livresques avec sa douce Chris, où il se dégage une tendre affection, entre eux. Il se confie aussi dans ses émotions, sur ce qu'il vit. C'est vers la fin de l'été, qu'un drame arrive, et c'est l'incompréhension pour Val, car ils se séparent. Elle quitte la colline et il se doute de quelque chose ; Chris ne sait pas vraiment comment révéler à Val ce qui lui est arrivé. On perçoit bien une tristesse, un vide également pour Val, qui s'en sort du mieux qu'il peut, par le retour à son quotidien. On ressent très vite une part d'ombre, une face bien cachée de Chris. le lecteur voudrait deviner avec Val ce qui tourmente tant sa Chris bien-aimée... Quelques années plus tard, à la fin d'un été, ils se retrouvent... Val, mûri, apprend de Chris la sombre vérité qu'il soupçonnait. L'auteur sait à la fois surprendre et aborder des thèmes difficiles : ces traumatismes auxquels, même jeunes, on peut faire face... Je suis très heureuse de la fin de l'histoire, on découvre des secrets qui se dissimulaient dans la pénombre de l'été, avec toutes ses ombres…



Pour moi un très beau livre un peu mystérieux : dès qu'on y entre, on retrouve ce petit quelque chose de magique, qui nous interpelle, qui vient nous chercher et qu'on ne voudra plus quitter. Comme il ne faut pas perdre l'essentiel de ce qu'on ne voit pas toujours : la magie, la bonté et l'émerveillement. Donc un gros coup de coeur, car la magie s'est opérée pour moi, même une très belle rencontre de coeur, comme un conte qui peut toucher les jeunes comme les adultes. Je ne souhaite pas que ce tendre roman reste méconnu ou tombe dans l'oubli. Aussi je vous invite à découvrir le beau petit monde livresque de Dourvac'h, un écrivain talentueux qui fait partie de mes auteurs préférés. Il est également un auteur/lecteur, un membre de Babelio.



Siabelle
Commenter  J’apprécie          2924
Heiraten (Noces)

Heiraten, (Noces, ou au sens strict : "S'unir avec" en langue allemande) est le récit bouleversant des rencontres amoureuses de Kafka avec deux jeunes filles dont Julie W., nouées avec ce brin d'espoir, « la mort attendra bien encore un moment ».p44

Le texte est un pur cristal, comme un verre dans la lumière floue du matin, comme le cristal de Roederer, fragile bouquet de parfums, de sentiments indicibles, un moindre faux pas et tout se brise, pour ces âmes clouées à un corps trop frêle.

"Nul ne lira ce que j'écris ici; nul ne viendra m'aider", Max Brod n'a pas détruit l’œuvre de Kafka, et les documents sont restés intacts même les plus secrets.



Et nous lisons ce qu'il a écrit, malade de la tuberculose, comme Julie W, comme Gerti W.



Dourvac'h a restitué dans Heiraten, tous les éléments de ces rencontres, des photos, des lettres, notamment de Kafka, jusqu'à émailler son texte de paroles en allemand ou en Yiddish, apportant une étrangeté comme une sorte de grâce, entourant le son de leurs voix.



Texte d'un romantisme absolu, les mots sont fragiles, ils portent une ferveur amoureuse et une menace douloureuse, "t'écouter c'est entendre la plainte de chacun des arbres, endurer leurs plus humbles tracas."

Plus on avance dans le texte plus la sincérité et la puissance de leur amour paraît éclatante et inébranlable, "toi que j'aime jusque dans ta beauté tragique."



Tout bascule, "car fuir, est impossible", "viendra l'hiver je le sais bien. "



"Je lui tiens la main le silence nous sépare, tu comprends,"dit Kafka à Julie, et plus loin encore, "nous ne pouvons nous marier puisque père t'a déjà insulté", et  viendra la peur , "nous ne pouvons nous marier puisque j'ai si peur de mourir, et parce que tu devrais mourir à ton tour, et alors! dit Julie !"



Dans ce récit, l'extrême sensibilité de Kafka est traduite d'une façon lumineuse, loin des clichés souvent exprimés par de bons érudits, pas mécontents de mettre sur le dos de Kafka, la seule partie noire de son œuvre.



Ce n'est pas une fiction imaginée par un fougueux romantique breton. Les dialogues sont en harmonie avec les écrits de Kafka, la mélancolie qui étreint Julie et Kafka, dans la recherche d'une issue, se heurte à leur maladie, à leur fragilité. L'aventure avec Gerti W est une diversion de plus, car « il ne sait pas parler du bonheur ».



Désespéré il en appelle à la mort, "La maladie se débarrassera de moi.Tout devra disparaître. Max comprendra bien ça."

C'est bien Kafka lui même qui va dans sa solitude, perdre sa fiancée, éprouver une dernière fois, l'amour impossible et la mort prévisible. Mort tragique que connaîtra 20 ans plus tard Julie et les trois sœurs de Franz dans les camps Nazis.



Que les lecteurs de Kafka se bousculent pour éprouver ce très beau texte, d'une poésie et d'une pudeur farouche, "Je n'ai plus froid... et tu es là, ça me suffit. Berces moi".



Commenter  J’apprécie          269




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Dourvac`h (47)Voir plus

Quiz Voir plus

Rapprochements hasardeux (1)

L'Amour fou

Breton
Le Breton

16 questions
154 lecteurs ont répondu
Thèmes : échos , noms , titres , hasardCréer un quiz sur cet auteur

{* *}