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Citations de Encyclopédie des nuisances (46)


Les individus dépossédés n’ont pas à choisir entre la tranquillité et les troubles d’un âpre combat, mais entre des troubles et des combats d’autant plus effrayants qu’ils sont menés par d’autres à leur seul profit, et ceux qu’ils peuvent répandre et mener eux-mêmes pour leur propre compte.
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La désertification des campagnes, l'entassement dans des banlieues sans nom et dans des villes invivables, la standardisation des existences, la vie totalement dominée par les impératifs économiques, le temps dit libre et les loisirs devenus eux-mêmes marchandises, le sentiment croissant de l'absurdité d'une telle vie et la fuite en avant continuelle pour tenter de l'oublier, voilà le lot commun de notre époque.
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Toute société est d'abord, en tant qu'organisation de la survie collective, une forme d'appropriation de la nature. A travers la crise actuelle de l'usage de la nature, à nouveau se pose, et cette fois universellement, la question sociale. Faute d'avoir été résolue avant que les moyens matériels, scientifiques et techniques, ne permettent d'altérer fondamentalement les conditions de la vie, elle réapparaît avec la nécessité vitale de mettre en cause les hiérarchies irresponsables qui monopolisent ces moyens matériels.
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Malheureux ceux qui ont besoin d’honnêtes spécialistes et de dirigeants éclairés !
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Le saut qualitatif du refus, partout nécessaire, que constituerait le choix de poser hardiment les problèmes de la vie réelle en affirmant sans ambages qu'ils sont insolubles dans le cadre social existant, ce choix parait hors de portée des conflits du moment, non parce que la possibilité en aurait été ignorée - la question sociale affleure dans toutes les conversations autour des nuisances, et la question des nuisances surgit dans toutes les conversations - mais plus simplement, parce qu'il n'a jamais été fait. Il n'y a pas de précédent et c'est ce qui manque. Mais plus rien ne manque pour que se crée un précédent.
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L'EXTRÊME DÉGRADATION de la nourriture est une évidence qui, à l'instar de quelques autres, est en général supportée avec résignation : comme une fatalité, rançon de ce progrès que l'on n'arrête pas, ainsi que le savent ceux qu'il écrase chaque jour. Tout le monde se tait là-dessus. En haut parce que l'on ne veut pas en parler, en bas parce que l'on ne peut pas. Dans l'immense majorité de la population, qui supporte cette dégradation, même si l'on a de forts soupçons, on ne peut voir en face une réalité si déplaisante.
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La futile idéologie des "droits de l'homme" n'est pas autre chose qu'une épitaphe sur la tombe de tout ce que tous les États ont enterré. L'abolition de la séparation ville-campagne a été atteinte par l'effondrement simultané de l'une et de l'autre. La séparation travail-loisir s'est défaite quand le travail est devenu si massivement improductif et inepte (dans le dérisoire "secteur tertiaire") et quand le loisir est devenu une activité économique si ennuyeuse et si fatigante. Les inégalités devant la culture ont été abolies presque partout et pour presque tout le monde avec le nouvel analphabétisme - le vieux projet de la suppression de l'ignorance s'est transformé en suppression de l'ignorance dépourvue de diplômes. L'argent est en passe d'être aboli d'une manière spéciale par la monétique, à travers laquelle, confiants et bien éduqués, les citoyens-enfants devront laisser la gestion de leur petite tirelire à des machines plus compétentes qu'eux, et qui savent indubitablement mieux qu'eux et ce qui leur convient et de quoi ils devront s'abstenir. (extrait de l'article Abolir)
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Le pauvre aujourd'hui est d'abord suspect avant d'être considéré comme un paresseux.
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En même temps que la domination moderne s'efforce de tout abaisser pour se perpétuer, elle s'enfonce elle-même dans l'inconscience historique qui est à sa base. D'une part, chez ses sujets, le sentiment d'une totale dépossession face à un système omnipotent et incontrôlable, et la peur qui l'accompagne, entretiennent la soumission, lorsque s'est perdu le respect des hommes et des classes qui dirigent ce système. D'autre part, tous ceux qui s'emploient à maintenir la population dans la réalité de sa servitude et l'apparence de sa citoyenneté, et qui se croient encore maîtres de ce monde, se trouvent à leur tour assujettis aux effets de ces nouvelles formes de domination : les forces de la fausse conscience antidialectique qu'ils ont déchainés les abaissent au rang même de ces machines auxquelles ils confient maintenant leur sort.
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Comme pour nous rappeler quelle fragile exception reste l'espèce humaine, la langue française propose le mot abêtissement, évocateur des multiples menaces de régression qui ont toujours existé sur le chemin de l'émancipation par rapport à l'état animal. De nos jours, l'ensemble des travaux et des divertissements d'une société concourent à un abêtissement qui semble parfois irrémédiable, sans que les facultés humaines ainsi perdues soient aucunement compensées par le retour à quelque qualité animale que ce soit : la bêtise civilisée est une inintelligence sans instinct, pas même celui de conservation.
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Ce n’est pas dans la classe dominante, où tout le monde désormais travaille d’arrache-pied et joue des coudes pour rester dans la course économique, que l’on se risquera à juger tout cela à partir de goûts personnels, sans parler d’avancer quelque vérité historique que ce soit. Il faut donc qu’à l’autre pôle de la société des individus que ne presse aucun intérêt carriériste d’aucune sorte, pas même en tant que “contre-experts“ ou opposants officiels, se chargent d’énoncer toutes les bonnes raisons, tant subjectives qu’objectives, de s’opposer à cette nouvelle accélération de la déraison.
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Ceux qui bradent ainsi leur individualité deviennent leur propre juge et adoptent volontiers le verdict que prononce contre eux la société. Ils découvrent qu'il est plus facile de vivre sans ce moi qu'ils ont déjà sacrifié le cœur léger, parce qu'il ne procurait que la conscience de sa petitesse. Faire comme tout le monde, participer à la même agitation vaine, faire la queue, voilà qui vient remplacer tant bien que mal les besoins rationnels. Aujourd'hui, il faut refouler ses désirs et certains souvenirs, mais aussi tous les symptômes du refoulement.
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L'organisation mondiale de la société qui s'est mise en place, avec une vitesse toujours croissante, dans la deuxième moitié du XXème siècle est parvenue à abolir six sur sept des péchés capitaux. Nous le prouverons en peu de mots.
L'ORGUEIL est évidemment mort chez l'électeur-administré, chez l'automobiliste-sondé, chez le téléspectateur-pollué, chez l'habitant des H.L.M. et le vacancier de l'autoroute. Personne, ayant accepté de survivre ainsi, ne peut garder la possibilité même d'un mouvement fugitif d'orgueil.
L'AVARICE n'a plus aucune base, puisque la propriété tend à se concentrer dans l’État, qui dilapide par principe. La véritable propriété individuelle, accessible à si peu de gens, est fort rongée par le contrôle tatillon et le droit d'intervention de mille autorités collectives ou corporatistes. (...)
La LUXURE a disparu presque partout, avec le mouvement de liquidation des personnalités réelles et des goûts réels.Elle a reculé devant le flot d'idéologie trop visiblement insincère, de froide simulation, de comique prétention du robot à la passion automatique. (...)
Devant les trouvailles de l'industrie agro-alimentaire, la GOURMANDISE a rendu les armes. (...)
La COLÈRE a eu tant de raisons, et si peu de manifestations, qu'elle s'est dissoute dans la lâcheté générale. Un électeur a-t-il, de bonne foi, l'occasion de se mettre en colère devant le résultat final d'une élection, qui est en vérité toujours le même, donc exactement prévisible et garanti ? Malvenu à jouer l'innocence déçue et bafouée, un électeur est en tout cas un coupable. Il ne pourrait avoir de colère que contre lui-même, et c'est une position inconfortable qu'il veut ordinairement s'éviter.
La PARESSE n'est plus guère possible : il y a partout trop de bruit. Les pays modernes peuvent avoir un nombre élevé de gens sans emploi, et bien d'autres qui travaillent à beaucoup de choses tout à fait inutiles. Mais ils ne peuvent conserver personne de paresseux; ils ne sont pas assez riches pour cela.
On nous objectera peut-être que cet exposé, malgré sa profonde vérité, est un peu trop systématique, parce que la réalité dans l'histoire est toujours dialectique; et que c'est une schématisation appauvrissante de présenter ainsi tous les péchés capitaux voués à la même perte. Cette objection n'est pas fondée : nous n'avons nullement oublié l'ENVIE, qui survit contradictoirement , et qui est comme la seule héritière de toutes ces puissances anéanties.
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On peut tout faire avec la technologie de pointe, sauf s'asseoir dessus. L'usurpation qui gouverne au nom du progrès doit sans cesse en fabriquer de nouvelles preuves. Exposée à toutes les comparaisons que suggèrent les regrets, les frustrations ou les espérances, elle est obligée de se justifier toujours par d'autres accomplissements; l'inaction la plus raisonnable, la mieux motivée lui devient un danger. (...) La société moderne, faute d'être aimée, se contente d'être redoutée, mais la crainte qu'elle suscite peut à tout moment se retourner contre elle, parce qu'elle n'est plus en mesure d'offrir la sécurité en contrepartie de la passivité.
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Après le plaisir d'être compris, donc exactement critiqué, par des gens intelligents, il n'y en a pas de plus grand que celui de n'être pas compris par ceux auxquels quelques certitudes dogmatiques ou obsessions confuses tiennent lieu de pensée.
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Certes pour posséder la conscience d'un changement possible de la vie, il faut en refuser radicalement l'organisation existante. Mais pour pratiquer ce refus il faut tout aussi bien pouvoir déjà s'appuyer sur la conscience d'une autre vie possible.
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Si on cumule la totalité du temps de travail social dépensé pour le transport (construction, fonctionnement et entretien des moyens de transports ainsi que les retombées diverses, hospitalières et autres), on constate que les sociétés modernes y consacrent plus du tiers de leur temps de travail global, bien plus que ce qu'aucune société préindustrielle, pas même celle des nomades touareg, n'a jamais dépensé pour se mettre en mouvement. Au-delà d'une certaine vitesse, les transports rapides sont contre-productifs, ils coûtent à ceux qui les utilisent plus de temps qu'il ne leur en font gagner, ce que ne les rend pas moins profitables à leurs propriétaires. Les salariés perdent leur temps à gagner leur vie, et les consommateurs perdent leur vie à gagner du temps.
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Les moyens doivent varier avec les occasions, étant entendu que tous les moyens sont bons qui combattent l’apathie devant la fatalité économique et répandent le goût d’intervenir sur le sort qui nous est fait.
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Les écologistes sont sur le terrain de la lutte contre les nuisances ce qu’étaient sur celui des luttes ouvrières, les syndicalistes : des intermédiaires intéressés à conserver les contradictions dont ils assurent la régulation, des négociateurs voués au marchandage (la révision des normes et des taux de nocivité remplaçant les pourcentages des hausses de salaire), des défenseurs du quantitatif au moment où le calcul économique s’étend à de nouveaux domaines (l’air, l’eau, les embryons humains ou la sociabilité de synthèse) ; bref les nouveaux courtiers d’un assujettissement à l’économie dont le prix doit maintenant intégrer le coût d’une « environnement de qualité ».
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Anticipant sur la disparition prochaine du genre de voyage qui lui semblait digne d'être entrepris, Herman Melville notait, avec cette qualité d'humour qui lui est propre, que seuls les lieux qui ne sont pas inscrits sur les cartes sont réels; et cela sonne à présent comme une prophétie, du moins auprès des gens qui refusent de trouver leur chemin dans un monde fléché et quadrillé de part en part.
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