Un collectif de linguistes démonte, en dix petits chapitres, les lieux communs sur la langue française, qui, si l’on en croit de nombreux discours largement relayés par les médias, serait en danger de mort, malmenée par l’usage des nouveaux moyens de communication et envahie par les anglicismes. En introduction, elles expliquent le métier de linguiste, qui consiste à observer, comprendre et décrire la langue et son évolution, à l’aide de méthodes d’observation et de méthodes scientifiques. Chaque chapitre énonce un lieu commun, étayé par une citation. Par exemple, au chapitre 5, « l’orthographe, c’est la langue », avec cette citation de Finkielkraut : « La réforme de l’orthographe, c’est vraiment changer la langue en effaçant les traces. Comme s’il ne devait rien subvenir du passé dans le présent ». Les autrices expliquent ensuite de façon très étayée pourquoi l’orthographe française n’est souvent ni logique ni étymologique (elle irait, selon Paul Valéry, qui n’était pourtant pas un analphabète, du « cocasse » à « l’absurde »). Ainsi, les pluriels en x (comme « bateaux ») proviennent tout bêtement d’une erreur de recopiage au Moyen-Age. Elles ajoutent que, contrairement à une idée reçue tenace, il n’y a jamais eu « d’âge d’or de l’orthographe » ; ce qui change aujourd’hui, c’est que tout un chacun écrit sans cesse, à la vue de tous. Or, si l’usage de l’écrit s’est démocratisé, il n’en est pas de même pour l’orthographe, qui n’a jamais été maîtrisée que par des scripteurs peu nombreux. Chaque chapitre se termine par une proposition, par exemple, dans le même chapitre : « Et si on revoyait la place de l’orthographe en tant qu’outil de sélection ? », par exemple en acceptant que les correcteurs orthographiques soient autorisés aux examens, comme les calculatrices en maths et en physique. Elles évoquent dans d’autres chapitres la soi-disant invasion du français par l’anglais, le prétendu « massacre » de la langue par les jeunes, les pauvres et les Belges, le « péril mortel » (selon l’Académie française) que ferait subir à la langue la féminisation des noms de métier et l’usage de l’écriture inclusive, et bien d’autres thèmes encore.
Un petit essai très revigorant, qui va à l’encontre de ce qu’on entend à longueur de journée et qui invite à réfléchir plutôt que de stigmatiser.
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