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4.4/5 (sur 202 notes)

Biographie :

Contre l'accumulation de déclarations catastrophistes sur l'état de la langue française, un collectif de linguistes prend la parole. Non, le français n’est ni réglementé par l’Académie française, ni "envahi" par l’anglais. Ils formulent 30 propositions pour sortir de ces débats.

"Nous sommes atterrés par les erreurs et la désinformation des puristes qui s'appuient sur un état fantasmé du passé pour prôner une détestation des usages actuels, déclare Maria Candea, professeure de sociolinguistique et linguistique française. Cette mythologie mélange de véritables problèmes d'accès aux compétences en rédaction avec la diffusion d'une peur paralysante des fautes, et finit par créer une culpabilité et une insécurité par rapport à sa propre langue et un dégoût de la grammaire présentée comme un labyrinthe monstrueux."

Dans cette tribune, elle porte la voix d'un collectif de spécialistes de syntaxe, sémantique, pragmatique, histoire de la langue, histoire de l'orthographe, grammaire, analyse des discours, sociolinguistique, sociophonétique et stylistique réunis pour l'écriture d'un essai : Le français va très bien, merci (Tracts, Gallimard) .
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Le français se porte très bien, selon les "linguistes atterrés". SQOOL TV


Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Depuis une vingtaine d’années, plusieurs propositions ont été faites de traduire Molière en français contemporain. C’est un signe. Cela avait déjà été fait pour Montaigne, né un siècle avant, et, il est vrai, beaucoup plus difficile à lire. Mais Molière ? Cela a soulevé des protestations, car on touchait au symbole. Pour certains, traduire Molière en français contemporain, ce serait pour ainsi dire traduire du bon français en mauvais français.
En tenant ce type de discours, on entretient une illusion, on fossilise l’image qu’on donne du français. Car on ne lit pas Molière dans la graphie d’origine ! Si on le faisait, on découvrirait des signes étranges pour nous, comme le tilde au-dessus de la voyelle pour indiquer qu’elle est nasale : nous voyõs. Moi s’écrivait moy et français françois, prononcé fransoué. Eh oui, la prononciation aussi a changé. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les lectures reconstituées par Benjamin Lazar sur Youtube. La fameuse « langue de Molière » y apparait presque comme une langue étrangère.
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L'orthographe n'est pas la langue.
Il ne faut pas confondre langue et orthographe. L'orthographe, c'est d'abord le code graphique qui permet de la transcrire. Elle permet à tous et à toutes de partager un code graphique commun, qu'on considère comme le seul acceptable. Le mot "orthographe" est issu d'un emprunt au grec "orthos" qui signifie « droit », « correct ». L'orthographe, c'est donc l'écriture « correcte » de la langue. Ce terme ne se répand d'ailleurs qu'au XVIIè siècle, lorsqu'on décide de fixer la graphie du français. Avant cela, tout le monde écrit un peu comme il l'entend. L'orthographe des textes de Montaigne ou Rabelais variait d'un imprimeur à l'autre. C'est l'école de la Troisième République qui va en répandre la pratique et l'assoir par la même occasion comme une norme sociale qu'on va progressivement confondre avec la faculté même d'écrire, voire avec la langue elle-même.
Mais la complexité d'une phrase ou la subtilité d'un mot de vocabulaire n'a aucun rapport avec la difficulté de son orthographe. Sinon, le mot "œuf" serait plus complexe et subtil que le mot paradigme.
Au-delà de sa fonction phonographique (transcrire les sons), l'orthographe peut également servir à marquer la morphologie, à travers les flexions verbales, par exemple. Cette fonction permet de distinguer « ils mangent » de « il mange ».
L'orthographe contemporaine contient enfin des marques étymologiques empruntées à l'histoire du mot. Certaines ont été conservées du latin mais la plupart avaient disparues au Moyen Âge et ont été réintroduites au fil de l'histoire. Ces marques complexifient l'écriture mais permettent de créer des familles de mots ("sang, sanguin, sanguinaire") et de distinguer certains homophones qui pourraient être confondus à la lecture ("sang, sans, cent").
Le problème, c'est que notre orthographe présente aujourd'hui un certain déséquilibre entre ces trois fonctions. A tel point qu'il est devenu pratiquement impossible d'écrire sans faire aucune faute. Et les francophones se toisent du haut de leur maitrise de l'orthographe, ce qui parait tout à fait incongru dans d'autres langues.
Si notre orthographe est devenue si difficile d'accès, c'est parce qu'elle n'a pas été réformée (contrairement à ce qui s'est fait pour la plupart des langues européennes) depuis la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie française en 1835. Cela fait presque deux siècles que toutes les tentatives successives de réformes ont échoué et la dernière en date, celle de 1990, peine à s'imposer dans les pratiques, bien qu'elle soit l'orthographe de référence officielle de la plupart des systèmes éducatifs francophones, y compris l'Education Nationale française depuis 2008.
Si notre orthographe ne parvient pas à faire peau neuve, c'est parce qu'elle est devenue un marqueur social extrêmement puissant qui donne l'illusion de pouvoir juger des facultés linguistiques de quelqu'un sans entrer dans la complexité de la syntaxe, du vocabulaire ou de tout ce qui constitue la véritable qualité d'un texte écrit.
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Ce qui donne aujourd’hui l’illusion d’une dégradation, c’est qu’il existe une myriade de scripteurs amateurs, qui écrivent directement sans être relus et que ces productions sont aujourd’hui à la vue de tout le monde
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Si certaines variantes grammaticales, lexicales ou de prononciation sont plus valorisées que d’autres (la langue de la Cour avant la Révolution, celle des élites parisiennes par la suite), c’est pour des raisons de distinction sociale et non pour leur beauté, clarté ou élégance. Ce sont des facteurs sociaux et historiques qui conduisent à valoriser tel accent et à discriminer tel autre.
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Selon Paul Valéry, l’orthographe française va du « cocasse » à l’« absurde ». Elle n’a pas été conçue avec un plan d’ensemble, comme un jardin à la française. Son état actuel résulte plutôt d’une succession d’ajustements, comme nénufar (mot arabe d’origine perse) devenu nénuphar en 1935 dans le Dictionnaire de l’Académie française. Or, comme pour nénuphar, bon nombre d’explications étymologiques qui ont dirigé notre orthographe sont fallacieuses. Bonheur, malheur ne viennent pas du latin hora (dont dérive heure), mais de augurium (« chance »), qui a donné heur (comme dans Je n’ai pas eu l'heur de lui plaire). Leur h n’est donc pas historique. Dompter vient du latin domitare, qui ne contient pas de p. Forcené est indépendant de force : il est relatif à quelqu’un qui est en dehors (for) du sens (sen-). Le c n’est pas d’origine. Legs appartient à la famille de laisser (sans g), pas de léguer. Poids a été rattaché indument au latin pondus, alors qu’il vient du latin pensum, sans d. Posthume n’a rien à voir avec humus (sinon que son orthographe fait penser à enterrer), il dérive du latin postumus, superlatif de posterus. Le h n’a donc pas de raison d’être. Asile, abime, cime, cristal s’écrivent avec un i, alors que leur ancêtre comportait un y (asylum, abyssus, cyma, crystallus). Mais lacrymal, lys transforment un i latin en y (lacrima, lilium, hic). Le x (khi) grec est transcrit par c dans acariâtre, caméléon, caractère, carte, colère, colique, corde, cristal, école, estomac, mécanique, mélancolie. Mais par ch dans archaïsme, archange, chaos, chlore, chœur, choléra (qui a le même ancêtre que colère), chrétien, chrome, chronique, chrysalide. Aspect, respect, suspect ont gardé de leur origine un c muet. Mais pas objet, préfet, projet, sujet, rejet. De même, tous les pluriels en x, comme bateaux, neveux ou même hiboux, n’ont rien d’étymologique. Ils proviennent d’une erreur de recopiage. Les moines copistes utilisaient une abréviation pour le -us final très fréquent en latin : le signe . On a progressivement confondu cette abréviation avec la lettre x et on a ajouté un u pour que cela corresponde à la prononciation. Ces choix graphiques ne se justifient ni par la prononciation, ni par le souci de distinguer des homophones comme dans père/paire. Leur mémorisation est donc le seul moyen efficace de les apprendre. Ils ne laissent pas de place à un réel raisonnement. Pire, ils biaisent ce raisonnement en ne s’alignant pas sur des principes généraux enseignables.
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Si les étudiants français, et même les candidats au baccalauréat peuvent utiliser la calculatrice en sciences, pourquoi ne pas autoriser les correcteurs d’orthographe en lettres ?
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« Face aux puristes qui prétendent éradiquer des façons de parler, rendre mutiques des catégories entières de gens, discréditer quiconque n’ose pas suivre leurs pseudo règles, les linguistes permettent à chacune et à chacun de se réapproprier sa langue. » (p.58 et 59)
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Si l'on retient un mot, c'est qu'il nous apporte quelque chose (une nuance sémantique, un contexte). La langue a le sens pratique, elle emprunte pour s'enrichir.
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La complexité d’une phrase ou la subtilité d’un mot de vocabulaire n’a aucun rapport avec la difficulté de son orthographe. Sinon, le mot œuf serait plus complexe et subtil que le mot paradigme
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tous les pluriels en x, comme bateaux, neveux ou même hiboux, n’ont rien d’étymologique. Ils proviennent d’une erreur de recopiage. Les moines copistes utilisaient une abréviation pour le -us final très fréquent en latin : le signe [qui ressemble à un x]. On a progressivement confondu cette abréviation avec la lettre x et on a ajouté un u pour que cela corresponde à la prononciation.
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