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Critiques de Renaud (II) (104)
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Santiag, tome 1

Une nouvelle fois, j'ai été attiré par une couverture mais cette fois-ci pour plusieurs raisons.

D'abord le titre m'a intrigué : Santiag (j'ai tout de suite pensé à des bottes de cow-boy). Puis les couleurs (le rouge domine), une femme (avec une cigarette à la main) qui regarde une voiture des années cinquante flamber et enfin le nom d'un scénariste dont j'aime le travail et la variété des sujets traités, Jean Dufaux.



L'histoire commence de manière assez énigmatique. Un homme quitte sa femme pour se rendre à un rendez-vous où il remettra des documents à une autre femme (celle de la couverture) et à un homme avant que sa voiture n'explose.



Nous découvrirons que cet homme était en fait un policier du nom de Santiag (ou surnommé ainsi), qu'il était marié avec une femme d'origine indienne, de la tribu des Navajos et qu'il avait pour collègue un amérindien, Chamaro.



Chamaro découvre des corps d'hommes blancs torturés dans une mine désaffectée et pense que l'histoire est entrain de se répéter comme quelques années avant où de tels crimes ont été imputés à la communauté indienne et à ses rites ancestraux. Il doit mener son enquête au milieu de blancs très hostiles dans cet Ouest américain qui n'a rien du rêve américain.



Et voilà que santiag réapparaît et semble porté la justice, s'attaquant à ceux qui s'en prennent à sa famille mais aussi aux protagonistes des crimes passés. Tout laisse à croire qu'il s'agit d'un fantôme.



Dufaux et Renaud nous font nager en plein thriller fantastique, dans un monde mystique de croyances indiennes où la place des morts est importante. Il faut s'accrocher danc cette histoire qui aurait pu être une fin en soi, la boucle semblant achevée.



Le scénario est complexe (mais comme souvent chez Dufaux et ce n'est pas un reproche). Le graphisme et les couleurs sont magnifiques. L'ouest américain est mis en évidence, les couleurs sont lumineuses. Les deux auteurs nous promènent dans ces paysages. On y vit le contraste entre la vie traditionnelle rappelant celle du début du XXème siècle et celle plus moderne de ceux qui continue la conquête et l'occupation des territoires ancestraux, sans tenir compte des occupants premiers et de leurs traditions.



J'ai eu parfois l'impression de retrouver l'atmosphère de certains romans de Tony Hillerman avec ses héros policiers Jim Chee et Joe Leaphorn.



J'ai apprécié cette lecture qui me laisse un peu sur ma fin et je crois qu'il va falloir que je lise les autres BD de la série pour savoir s'il y a une suite à cette chasse fantastique.





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Venus H., tome 1 : Anja

Sincérement, j'ai voulu tester cette bande dessinée sans conseil d'amis ou de proches. Elle était dans un bac de prêt au sein de ma bibliothèque de ville, alors je me suis dis, pourquoi l'emprunter.



Sincérement, le scénario est intéressant mais je ne comprend pas l'interêt de l'histoire. Peut-être que les dessins sont bons, mais je ne sais pas, à quoi sert réellement cette bande dessinée ? Franchement, je me pose encore la question....
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Venus H., tome 3 : Wanda

Ce tome qui clôture la trilogie de Vénus H. m’a déçue dans son intrigue et son dénouement, fades. Le lecteur découvre l’histoire de Wanda, la troisième escort girl employée par Mademoiselle H., son passé, l’enfant (une fille prénommée Dominique) dont elle a accouché et qui, devenue adolescente, a fugué en volant la cargaison de drogue de malfrats réputés violents. Wanda décide de la retrouver et de se sacrifier pour sauver sa fille de ceux qui la cherchent et ne lui veulent pas que du bien. Une lecture en demi-teinte dont je ne garderai pas un souvenir impérissable. Dommage.
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Venus H., tome 2 : Miaki

L’intrigue du tome 2 de cette trilogie est plus intéressante et bien mieux portée et construite que celle du 1er tome, fade. On suit le parcours d’une jeune escort girl asiatique Miaki, travaillant elle aussi pour Mademoiselle H. et qui, entre trahisons, coups de bluff et contrats avec des clients hauts placés, va acheter sa liberté et sortir de l’emprise du réseau qui l’emploie. Une lecture agréable qui m’a tenue en haleine et dont les dernières pages m’ont (agréablement) surprise.
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Venus H., tome 1 : Anja

BD piochée dans les rayons de la bibliothèque. Le nom de Dufaux ne m’était pas inconnu et j’ai donc pris le premier tome de cette saga dans les rayonnages un peu par hasard, sans savoir vraiment ce qui m’attendait. Une intrigue mièvre au potentiel érotique moindre et au scenario mille fois vu et revu (le combo escort girl, chantage, recherche du vrai amour et scandale politique). Heureusement les dessins bien exécutés sauvent ce tome à l’intrigue assez fade.
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Jessica Blandy, tome 1 : Souviens-toi d'Eno..

Une BD a l'air sympa mais finalement sans grand intérêt. Jessica, toujours a moitié nue, se ballade dans une intrigue qui saute du coq à l'âne à la manière d'une série télé....Tout cela n'est pas très crédible et les dessins parfois incohérents ou baclés...
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D'encre et de sang, tome 2

Je n'avais que très modérément adhéré au tome 1 et bien, le second tome est pire.

J'ai trouvé ça très mauvais. Les quelques reconstitutions de Bruxelles sont les seules choses un peu positive dans cette BD.

J'ai trouvé le dessin très mauvais, irrégulier, mal maitrisé, peu fini et gratuitement racoleur.

Le scénario est bidon et bouclé en deux coups de cuillère à pot.

Je ne vais pas m'étendre inutilement mais certains éléments sont tellement ridicules que ça en serait même risible si ça ne traitait pas de sujets aussi douloureux que celui de la Shoah par exemple.

Je vais essayer d'oublier vite fait cette BD.
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D'encre et de sang, tome 1

Je suis assez partagée...

Je suis positivement impressionnée par le travail de recherche qui a été abattu par les auteurs et qui rendent un Bruxelles des années 40 très crédible.

Le scénario est assez décousu et je pense qu'il se cherche : une Autrichienne, détestant les collabos et voulant venger son amoureux Juif qui a été arrêté par les Allemands pendant l'Anschluss, arrive dans une Bruxelles sur le point d'être désertée par les Allemands afin d'infiltrer, à la demande de la Résistance, le journal national afin d'enquêter et de retrouver Léon Degrelle (rien de moins). Elle est alors confrontée à une histoire de Juives torturées/violées/assassinées...

Ca fait beaucoup de sujets qui sont malheureusement assez mal dosés. Certains sont pourtant intéressants mais sont juste ébauchés et les lacunes du scénario semblent avoir été comblées par un dessin volontiers (et inutilement) racoleur....

Je pense qu'il faut attendre de lire la suite et d'avoir une vision d'ensemble avant d'émettre une opinion définitive mais je suis assez dubitative.
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D'encre et de sang, tome 1

Une petite bibliothèque …

Dans un petit village …

Un rayon BD plutôt fourni …

Une couverture alléchante …

Voilà comment je me suis retrouvée à lire « d’encre et de sang ».

Première surprise avec un bien bel hommage aux édinautes, ceux qui ont choisi de participer au financement de l’édition de cette BD (1).

Un scénario exigeant souhaitant nous narrer les dernières heures de l’occupation allemande de Bruxelles. Un sujet peu abordé avec en toile de fond une histoire d’amour, les recherches sur un serial killer qui sévit dans la ville, des règlements de compte avec des journalistes vendus au régime nazi et l’histoire d’un journal « le Soir » devenu pendant quelques temps « le Soir volé », journal à la botte des nazis et même une fois « le faux Soir »qui a osé publié un pied de nez à l’occupant (2).

Scenario riche … même trop riche pour aborder l’ensemble en une cinquantaine de pages.

Les croquis soignés, très académiques facilitent la compréhension et enjolivent les personnages … on peut certes être résistante et jolie comme un cœur mais l’esthétisme est poussé à son paroxysme … même quand il s’agit des corps de victimes de ce qu’on suppose être des assassinats !

Le tome 2 ne fait pas partie du fonds de la bibliothèque …

C’est dommage j’aurais bien aimé pouvoir aller jusqu’au bout de cette découverte !



(1)

Les éditions Sandawe était une maison d’édition belge de bande dessinée communautaire fondée en novembre 2009 par Patrick Pinchart, ancien rédacteur en chef du journal de Spirou, et Lionel Frankfort. Elle était basée sur le concept du crowdfunding du (financement participatif). Son activité prend fin en avril 2019.



(2) un petit exemple d’un extrait d’un d’article :

« On peut dire sans crainte d’être démenti même par la propagande de Moscou, que la campagne d'hiver fait suite à la campagne d'été, grâce à la campagne d'automne. (...) si bien que le déroulement de ces trois campagnes dans l'ordre montre que l'état-major allemand n'a perdu à aucun moment le contrôle sur la succession des saisons, élément dont l'importance ne saurait être sous-estimée. »
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D'encre et de sang, tome 1

Dans cette duologie se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale en Belgique, je m'attendais à une histoire centrée sur l'occupation allemande, mais Gihef et Renaud m'ont montré que c'était bien plus que ça. En 1944, la vie à Bruxelles était difficile, avec l'occupation allemande qui touchait tous les aspects de la société. Notre espionne autrichienne se retrouve plongée dans cette réalité lorsqu'elle infiltrée un journal pour la résistance. Elle découvre des informations choquantes et sanglantes, liées à un tueur en série qui sévit dans la ville. Bouleversée par ce qu'elle voit, elle décide de mener l'enquête, convaincue que ces crimes ne peuvent pas être excusés par la guerre.

L'histoire racontée dans cette bande dessinée est intéressante, avec des nuances sur la résistance et l'espionnage. Cependant, j'ai ressenti un manque d'éléments pour pleinement comprendre et m'immerger dans l'histoire. J'avais l'impression d'arriver au milieu d'un épisode sans avoir toutes les informations nécessaires. Les auteurs ont réussi à parler d'un fait réel, le tueur en série de Bruxelles pendant la guerre, mais il manquait quelque chose pour rendre le récit plus addictif et pour impliquer davantage mes émotions.

Les dessins étaient plaisants, bien que j'aie ressenti un manque d'expressions faciales et d'émotions. Les portraits étaient détaillés, mais les proportions dans les portraits en trois quarts m'ont dérangée.

En résumé, cette duologie est une belle découverte, mais ce sont les faits historiques plutôt que les personnages qui resteront gravés dans ma mémoire.

Mon avis détaillé :




Lien : https://lesparaversdemillina..
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D'encre et de sang, tome 2

Dans cette duologie se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale en Belgique, je m'attendais à une histoire centrée sur l'occupation allemande, mais Gihef et Renaud m'ont montré que c'était bien plus que ça. En 1944, la vie à Bruxelles était difficile, avec l'occupation allemande qui touchait tous les aspects de la société. Notre espionne autrichienne se retrouve plongée dans cette réalité lorsqu'elle infiltrée un journal pour la résistance. Elle découvre des informations choquantes et sanglantes, liées à un tueur en série qui sévit dans la ville. Bouleversée par ce qu'elle voit, elle décide de mener l'enquête, convaincue que ces crimes ne peuvent pas être excusés par la guerre.

L'histoire racontée dans cette bande dessinée est intéressante, avec des nuances sur la résistance et l'espionnage. Cependant, j'ai ressenti un manque d'éléments pour pleinement comprendre et m'immerger dans l'histoire. J'avais l'impression d'arriver au milieu d'un épisode sans avoir toutes les informations nécessaires. Les auteurs ont réussi à parler d'un fait réel, le tueur en série de Bruxelles pendant la guerre, mais il manquait quelque chose pour rendre le récit plus addictif et pour impliquer davantage mes émotions.

Les dessins étaient plaisants, bien que j'aie ressenti un manque d'expressions faciales et d'émotions. Les portraits étaient détaillés, mais les proportions dans les portraits en trois quarts m'ont dérangée.

En résumé, cette duologie est une belle découverte, mais ce sont les faits historiques plutôt que les personnages qui resteront gravés dans ma mémoire.

Mon avis détaillé :

https://lesparaversdemillina.com/dencre-et-de-sang-t1-et-t2-de-gihef-et-renaud/
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Venus H., tome 3 : Wanda

Tout ne se négocie pas dans la vie, Mambo.

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Ce tome fait suite à Venus H., tome 2 : Miaki (2007). L’ensemble de la série a été écrit par Jean Dufaux, dessiné et mis en couleurs par Renaud Denauw. Ce tome est sorti en 2008 et compte cinquante-quatre planches de bande dessinée. Il est le dernier de la série. Puis Renaud & Dufaux ont à nouveau collaboré pour les trois tomes de la série La route Jessica, tome 1 : Daddy !, une sorte d’épilogue à leur série Jessica Blandy (24 tomes de 1987 à 2006).



Dans un salon très spacieux, deux femmes sont en train de se déshabiller mutuellement sur un canapé en s’embrassant. Dans cette pièce richement meublée, une douzaine de personnes sont en train de les regarder, des hommes en complet, des femmes en robe de soirée. La moitié tient une coupe de champagne dans la main, il y a plusieurs bouteilles sur la table basse, ainsi que des plateaux de canapés. Wanda observe la scène, Oleg Kozca lui ayant passé un bras autour de l’épaule. Elle organise des spectacles, des rencontres privées, où l’organisation des corps ne laisse rien au hasard. Elle a affaire à des regards blasés, à des imaginaires corrompus par la satiété. Il ne faut cependant pas s’y fier : c’est un monde cruel où chacun guette les failles de son voisin. Rien ne s’oublie, rien ne se pardonne. Et la faille s’élargit. Elle reste donc vigilante. Elle intervient parfois. Elle se donne rarement. Il faut la mériter. Oleg Kozca jouit de ce privilège : la tenir contre son corps, la déshabiller parfois. La posséder si l’envie lui en prend. Il n’a jamais réussi à la faire jouir. Aucun homme ne réussit à la faire jouir. Mais elle crée l’illusion. C’est son métier, l’illusion. Elle y est incomparable. C’est pour cela que mademoiselle H. l’a engagée. Elle est une fille obéissante, en apparence. Cela demande un long travail, l’apparence. Mais elle y est arrivée. Elle donne le change. C’est tout ce qu’elle donne d’ailleurs. Les hommes croient qu’elle s’occupe d’eux. En fait, elle actionne de mécanismes, des mécanismes sans surprises. C’est ce que les hommes sont, ni plus ni moins : des mécanismes. Ils croient rugir, c’est simplement une bielle qui s’affole. Ainsi, elle croyait dominer le monde quand soudain, cette nuit-là…



Wanda monte dans une chambre avec l’homme que lui a désigné Oleg Kozca. Elle répond à son téléphone qui sonne inopinément. Kozca décide de les quitter, laissant Wanda faire son métier. Dehors, il est interpellé par un homme qui lui déclare qu’il est envoyé par Souloud, car ce dernier a des ennuis. Une partie du matériel a disparu. Oleg Kozca est un homme d’affaires. Les hommes d’affaires aiment l’ordre. Même si cet ordre amène le désordre. Et les sacs bleus amènent toujours le désordre. Il monte en voiture pour rejoindre Souloud. Le lendemain, sur un banc parisien, Wanda rencontre madame Garnier. Cette dernière l’a appelée parce que leur fille Dominique a fugué, il y a trois jours. Son mari voulait appeler la police. Wanda lui indique qu’elle connaît une personne qui peut les aider à retrouver leur fille. Elle s’allume une cigarette, alors que madame Garnier vient de lui rappeler qu’il s’agit également de la fille de Wanda.



Avec les années passées, le lecteur sait qu’il découvre le dernier tome de la série, sans pour autant déterminer si ce nombre correspond au plan initial des auteurs ou s’ils ont dû y mettre un terme faute de ventes. Il découvre Wanda, qu’il avait vu passer dans le tome précédent, et il relève qu’il ne lui est pas présenté d’autres employées de Vénus H., ou presque. Il remarque aussi que ni Anja, ni Miaki ne font une apparition dans cette histoire. Pour le reste, il retrouve les composantes de la série : une très jolie femme faisant commerce de son corps pour le compte de la mystérieuse société Vénus H. de la tout autant mystérieuse Madame H., Mambo l’intermédiaire de cette dernière, monsieur Zacharian et son aide So li, également employés de Madame H., des séquences de service sexuel, la haute société, et des beaux quartiers dans Paris. Il retrouve donc ce plaisir pour partie malsain à côtoyer une call girl de luxe dont la dynamique de vie perd son point d’équilibre, et qui doit sortir de sa normalité pour pouvoir préserver quelque chose ou quelqu’un à qui elle donne la priorité au péril de sa vie. Les milieux dans lesquels elle évolue ne peuvent pas tolérer ces écarts de conduite, ne peuvent pas laisser faire des comportements personnels allant à l’encontre du cadre établi.



Dès la première page, le lecteur retrouve l’étrange coupe de cheveux, voire sculpture, de Wanda, qu’il avait pu découvrir dans le tome précédent. Dans ce tome, c’est la seule à avoir une chevelure si singulière, mais les autres ne sont pas fades pour autant, chaque personnage disposant de la sienne en accord avec sa personnalité : d’une belle coupe masculine avec la raie sur le côté, à une coupe afro, en passant par des cheveux en bataille, des coupes onéreuses et des coupes bon marché. L’artiste se montre toujours aussi investi dans chaque case, avec un équilibre délicieux entre le niveau de détails et la lisibilité. Le lecteur prend le temps d’admirer l’aménagement de la pièce qui accueille la partie fine, jusqu’à l’évocation du motif du tapis. Par la suite, il admire d’autres intérieurs : le salon petit bourgeois des Garnier avec un tapis beaucoup plus basique, le donjon avec la représentation du Soulier de Satin (1929) de Paul Claudel (1868-1955), le restaurant luxueux dans lequel dîne le ministre Gérard d’Aublay, le café tout simple où M. Garnier rencontre l’inspecteur Lebel, l’appartement luxueux de Wanda et sa chambre à coucher, l’appartement de maître Abel et sa décoration chargée, l’intérieur du pavillon de banlieue surnommé la Guérite. Il prend tout autant de plaisir à ralentir sa lecture pour apprécier les vues en extérieure : les toits parisiens avec leur zinc, les colonnades du parc Monceau, un pont parisien, un marché découvert, des escaliers de la butte Montmartre, un magnifique massif de joncs, etc. Les personnages sont habités par une sorte de grâce discrète, ce qui les déréalise légèrement.



Le scénariste a repris la structure de deux tomes précédents : une employée de Vénus H., un enjeu qui s’avère très personnel, un trafic illégal (cette fois-ci le contenu d’une mystérieuse mallette bleue). Cette intrigue sert de support au chemin que doit parcourt Wanda : elle n’est pas bâclée ou bancale, mais elle ne constitue par l’intérêt principal du récit. Elle est proprement résolue en fin de tome, avec l’usage de conventions associées au genre polar, y compris une coïncidence bien pratique, sans qu’elle n’apparaisse impossible pour autant. Cette fois-ci, Wanda fait très rapidement le choix conscient de contrevenir aux règles pour sauver un être qui lui est cher. Le lecteur voit une personne à qui la société (Vénus H., mais aussi son métier choisi en toute connaissance de cause, et assumé) lui dicte un comportement. Cette femme n’entretient pas d’illusion sur les conséquences de sa transgression : le prix à payer sera très élevé. Mais la fin justifie les moyens. Le récit devient alors un polar beaucoup plus noir, très intense. Les conventions aguicheuses ou faciles (scène de nudité, rapport sexuel tarifé, partie fine dégénérée, violence physique) sont traitées avec retenue, en particulier en termes de représentation. Le lecteur les voit bien comme des conventions narratives propres à un genre, et dans le même temps les auteurs font en sorte d’assurer une cohérence de ton, une narration factuelle et pragmatique qui permet au lecteur d’y croire.



Les personnages, leur comportement, leurs réactions montrent bien qu’il s’agit de leur monde, de leur quotidien, qu’ils connaissent ces règles implicites, et les conséquences qui en découlent. Tout comme Wanda, ils ne sont jamais dupes de devoir se comporter comme leur dictent les usages, leur condition sociale, leur place dans l’ordre des choses. Ils ont accepté la réalité dans tout ce qu’elle a d’arbitraire, d’injuste, de moche. Monsieur Garnier sait qu’il n’est pas armé pour affronter la brute qui vient le rudoyer. Son épouse sait qu’elle ne dispose d’aucune qualité, d’aucun savoir-faire qui lui permettrait de retrouver sa fille. Dans une scène feutrée, maître Abel explique au ministre Gérard d’Aublay que le bilan de ce dernier est positif : le déficit budgétaire a été limité, l’inflation reste stable, les entreprises redeviennent compétitives et la sécurité sociale reprend des couleurs. Il ajoute que le ministre ne l’a pas fait exprès, mais qu’il a su bénéficier de circonstances particulièrement favorables. Le vent tournait dans le bon sens, et il ne lui a pas tourné le dos. C’est remarquable, même pour un ministre. Il y a là un constat d’une terrible honnêteté : cet homme qui est ministre réussit grâce aux circonstances, et pas à son talent. Très consciente de la manière de fonctionner de l’univers, Wanda décide de ne pas jouer le jeu, de faire preuve de volonté et d’aller contre ce que lui dicte, ou lui prescrit son environnement, en étant toute aussi consciente qu’elle ne peut pas changer la marche du monde ou son fonctionnement. Cet état d’esprit l’oblige également à voir la dépravation des individus, sans plus de voile pour l’atténuer, ainsi que leur folie, leur anormalité monstrueuse.



Un dernier tome, planifié ou non par les auteurs. Quoi qu’il en soit, le lecteur retrouve toute la séduction vénéneuse de cette série : une femme superbe se livrant à une forme de prostitution de luxe, une narration visuelle exquise savamment dosée, élégante, une situation conflictuelle qui ne peut pas bien se terminer. Le tome deux présentait la seule employée qui avait réussi à s’en sortir, celui-ci contribue à la mythologie avec une visite des plus glauques de la Guérite. Il s’agit d’un polar bien noir qui fait usage de quelques conventions du genre, tout en générant un malaise plus profond qu’il n’y paraît car Wanda sort des sentiers battus et ne peut faire autrement que de voir certaines facettes du monde pour ce qu’elles sont. Terrifiant.
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Venus H., tome 2 : Miaki

C’est tout ce que l’on me demande d’ailleurs : d’être une forme, juste une forme.

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Ce tome fait suite à Venus H., tome 1 : Anja (2005). L’ensemble de la série a été écrit par Jean Dufaux, dessiné et mis en couleurs par Renaud Denauw. Ce tome est sorti en 2007 et compte cinquante-quatre planches de bande dessinée. La trilogie se conclut avec Venus H., tome 3 : Wanda (2008).



Une jeune femme asiatique marche dans les rues de Paris, tout en essayant de se décider. Quai Voltaire, elle marche, Sur la passerelle des Arts, elle hésite encore. Square Barye, elle se décide. En contrebas, à quelques marches de la surface de la Seine, se tient un homme. Elle l’interpelle par son prénom : Serge ! Il se retourne. Elle l’abat d’une balle en plein cœur. Son cadavre tombe à l’eau et commence à être emporté par le courant. En son for intérieur elle songe à ce proverbe : prenez patience, attendez sur la berge, vous finirez toujours par apercevoir le cadavre de votre ennemi flotter au fil de l’eau. Intérieurement, elle ajoute : c’est nettement moins zen lorsque l’ennemi est un homme que vous avez aimé. Le corps est déjà loin, emporté lentement par le fleuve. Elle explique comment tout ceci a commencé. À Paris à la fin septembre. La ville garde dans ses flancs, la chaleur de l’été, mais déjà la Lune gagne de l’espace. Sister Moon sort sa palette trompeuse et ses feutres de métal. À présent, les couleurs vont griffer, et les filles qui passent sont peintes sur un fond d’amertume. Au bar du Raphaël, les amours s’impatientent et c’est bien ainsi. Miaki est assise au comptoir, avec Zochi, un homme d’origine asiatique à ses côtés. Elle écrase sa cigarette dans la paume de la main droite de son interlocuteur qui lui sert donc de cendrier. Elle l’asticote en lui faisant remarquer qu’il est facile à contenter, qu’il prend déjà du plaisir.



Monsieur Zochi répond qu’il réserve son plaisir pour le moment où il pourra goûter au Kiriki Tiketi. Elle développe : il goûtera à ce poisson japonais comme récompense des services qu’il a rendu à monsieur Zatoga. Zochi jouera le rôle du clown blanc, fardé, vieilli, avec des larmes peintes, et un tout petit cœur qui bat comme un tambour. Le Kiriki Tiketi, c’est un poisson, mais c’est surtout une dépendance. Après absorption, certaines portes s’ouvriront. Il lui appartiendra. Il se soumettra avec un plaisir, une évidence jamais rencontrés. Son corps ne sera plus qu’un objet. Un objet avec lequel elle pourra jouer, s’amuser, s’irriter, elle ou la personne qui les rejoindra. Un peu plus tard, Wanda rejoint Miaki au bar ; Zochi est en train de se préparer dans sa chambre. Monsieur Free arrive : il leur remet la boîte contenant un poisson frais, un Kiriki Tiketi. Il indique que les prix ont encore augmenté. Miaki lui fait observer que Ja Zek ne détient pas le monopole d’approvisionnement en Kirki Tiketi. Une fois dans la chambre, Miaki se couche sur le grand lit, et Wanda la dénude. Dans un coin, Zochi avec un maquillage de clown observe : il lui est interdit de se dénuder, de se toucher. Interdit d’espérer. Il ne lui est permis seulement de s’écraser, de ramper, de lécher.



Le premier tome s’était avéré impressionnant : visiblement revigoré par le fait de démarrer une nouvelle série, le tandem donnait la sensation d’être plus focalisé que sur les derniers tomes de leur précédente série. Dès la première page de ce deuxième tome, le lecteur retrouve ces dessins fins, précis, subtile équilibre entre les éléments détourés par un trait très fin, peut-être même pas encré, et des éléments réalisés en couleur directe. À l’évidence, le scénariste écrit spécifiquement pour cet artiste : il lui a mitonné une histoire comprenant des éléments qu’il aime représenter, tels que les architectures parisiennes et les jolies femmes élancées. Au cours de ces jours-là, Miaki commence par une balade à pied dans Paris l’amenant sur le quai Voltaire, la passerelle des Arts, le square Barye, que Renaud reproduit avec exactitude. Il dessine les façades des immeubles du quai dans le détail ; il opte pour une vision plus imprégnée de l’atmosphère lumineuse pour la deuxième case. Il agrège ces deux modes pour le troisième lieu. Par la suite, le lecteur peut se projeter dans d’autres sites parisiens : l’Arc de Triomphe vu d’une terrasse, la place de fontaine des Innocents (Paris Centre), le café du Pont-Neuf (Paris Centre), le café Polidor (6e arrondissement), les couloirs et une chambre de l’hôtel Raphaël (16e arrondissement), une chambre de l’hôtel Lancaster (8e arrondissement), les toits de Paris avec Montmartre au loin, ainsi qu’une grande église non nommée. La sensation qui se dégage de ces passages dépasse celle d’un tourisme de masse : ces lieux sont utilisés par les personnages. Ils ne restent pas à l’état de jolis décors, mais deviennent de véritables lieux de vie à un instant précis, pour un usage particulier.



De la même manière, l’artiste ne se contente pas de représenter des visages génériques prêts à l’emploi : il crée de véritables individus qui partagent des points communs dont une certaine touche romanesque. En l’occurrence, ils respectent tous les canons de la beauté : silhouette mince sans surcharge pondérale, visage bien découpé, coiffure étudiée, tenue vestimentaire recherchée. La beauté physique fait partie des éléments visuels que le dessinateur aime représenter, ainsi que les lieux chics ou luxueux. Dans ce deuxième tome, il joue moins avec les chevelures que dans le premier : seuls ressortent Wanda avec sa coiffure assez haute sur la tête, et l’un des tueurs avec une mèche d’une longueur déraisonnable. Il y a trois scènes de sexe dont seulement deux où Miaki est dénudée de manière plus factuelle que sensuelle, dans un érotisme très doux neutralisant toute dimension malsaine : les auteurs font en sorte de ne pas occulter la réalité de son métier d’escort-girl de luxe, mais sans transformer le lecteur en voyeur. Le dessinateur sait rendre mémorable des moments en restant dans un registre réaliste, sans exagération, sans en rajouter dans les détails repoussants : une cigarette écrasée dans une main, un homme en train de lécher une botte en cuir à talon aiguille, une vieille dame en train de prier dans une église, une séance d’intimidation avec monsieur Zatoga dans son fauteuil et Miaki debout devant lui, les remarques désagréables d’un homme tenaillé entre désespoir et agressivité, la concentration de Miaki essayant de se détendre en nageant, son calme apparent en expliquant ce qu’il s’est passé à monsieur Zatochi.



La dernière page du tome précédent annonçait que le suivant s’intitulerait Miaki, et le lecteur en avait déduit que le récit porterait sur une autre employée de la mystérieuse société Vénus H. Au cours de l’intrigue, le lecteur voit Miaki être contactée par Anja, en miroir de la même scène vue par cette dernière dans le tome 1. Dans le même ordre de dispositif, le lecteur fait la connaissance avec Wanda, celle qui donne son titre au dernier tome et il suppose qu’il verra la même scène de son point de vue. Comme pour le tome 1, le scénariste a construit une intrigue dans laquelle un riche individu emploie les services d’une des filles de Vénus H. pour obtenir une possession qui sinon lui échapperait. Comme dans le tome 1, le lecteur éprouve la sensation que l’intrigue sert plus d’environnement qu’elle ne serait l’intérêt principal de la bande dessinée. Pour autant, l’intrigue est solide et bien ficelée et elle assure parfaitement sa fonction de mettre des individus dans une situation conflictuelle et périlleuse. Comme dans le tome 1, l’enjeu est d’observer des individus qui évoluent dans un milieu très aisé, sans pour autant être fortunés eux-mêmes, de voir quel prix ils payent, et comment ils deviennent de simples outils dans les mains des puissants. Que ce soit Miaki, Serge ou Marcus Bryar, ils ont parfaitement conscience de leur condition. C’est d’ailleurs ce qui leur permet de durer dans ce milieu, de savoir quelle est leur place. Du coup, comme dans le tome 1, un autre enjeu est de savoir s’il est possible e s’extraire de ce milieu, et quel est le prix à payer.



La pression sociale et psychologique qui pèse sur ces individus les amène à développer des stratégies comportementales pour vivre avec. Le lecteur observe avec fascination Miaki pendant une séance de natation, faisant un effort mental considérable pour surmonter ce qu’elle doit endurer dans sa profession, pour retrouver un semblant de sérénité en faisant la part des choses, en se rappelant comment revenir au point d’équilibre entre ce qu’elle endure et les bénéfices qu’elle en tire, comment évacuer les humiliations et les souffrances. Il établit une comparaison avec le propre comportement de Serge, un homme de main sans état d’âme, et avec le scénariste Marcus Bryar. Il se rend compte de la mise en abîme quand ce dernier exprime la pression qu’il ressent sous forme de paranoïa : tout le monde est en train de le guetter, à épier chacun de ses gestes, chacun de ses mots, à se jeter sur le moindre mot qu’il écrit. Il estime que les autres n’en auront jamais assez : des mots, encore des mots ! Et ça donne des séquences et puis un film… Et va-s-y qu’il en écrive d’autres, et d’autres encore, toujours plus… Pour l’argent, il n’y a qu’à signer. Des tas de signatures, des tas de séquences. Et lui, il grince, à chaque mot qu’il tape il y a un clou qui s’enfonce dans sa tête, et ça frappe dur… Le lecteur se dit qu’à travers les mots de ce personnage, l’auteur doit exprimer une phase par laquelle il a pu passer, la sensation d’avoir des vampires en train d’aspirer les productions de son esprit. Il retrouve l’intensité de souffrance psychologique des deux premiers tiers de la série Jessica Blandy. Il retrouve également la propension du scénariste à intégrer de brefs passages relevant de la poésie en prose, pas toujours convaincants.



Ce deuxième tome confirme que le passage de la série Jessica Blandy à celle-ci s’est avéré motivant pour les auteurs qui ont retrouvé l’art de mitonner des récits bien noirs, mettant en scène des personnages déformés par leur mode de vie, dans des environnements luxueux bénéficiant d’une représentation soignée et élégante, pour une histoire vénéneuse sans être racoleuse, accablante sans sombrer dans l’ultraviolence voyeuriste ou le gore.
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Venus H., tome 1 : Anja

Il arrive parfois aux hommes de prendre leurs responsabilités.

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Ce tome est le premier d’une série comptant trois tomes, chacun consacré à une femme différente, ayant pour point commun d’avoir travaillé pour la société Vénus H. L’ensemble de la série a été écrit par Jean Dufaux, dessiné et mis en couleurs par Renaud Denauw. Le premier tome est sorti en 2005 et compte cinquante-six planches de bande dessinée. Ce duo de créateurs avait déjà réalisé ensemble les séries Jessica Blandy (24 tomes), Les enfants de la salamandre (3 tomes), Santiag (5 tomes). Le récit s’ouvre avec une préface de deux pages, un dialogue entre deux hommes, évoquant Corinthe, Madame H., son compagnon, la villa et les filles, sa fermeture, le destin d’Anja, une exception.



Anja est assise sur une chaise du jardin du Luxembourg, et ses pensées la présentent comme si, morte, elle considérait ce moment en jetant un regard en arrière. Elle s’appelle Anja. Elle est morte par un beau matin du mois de mai. C’était un jeudi. On a retrouvé son corps calciné dans la carcasse d’une voiture qui ne lui appartenait pas. Plus rien ne lui appartenait en fait. Pas même sa propre mort. Il paraît que c’était un accident. Certains y ont cru. D’autres… Son père est reparti en Norvège, le cœur brisé. Comment aurait-il pu se douter… Il faut qu’elle raconte. Elle se trouvait dans les jardins du Luxembourg. Elle attendait un client. Assise sur la chaise en métal, enveloppée dans sa gabardine, elle s’allume une cigarette. Un ballon finit sa course à ses pieds. Un jeune garçon arrive et demande à le récupérer. Elle lui demande ce qu’il lui donne en échange. Il s’exécute et lui donne une barre de chocolat. Elle lui rend son ballon. Elle aime bien les enfants. Mais pour les garçons, c’est comme pour les hommes. Elle ne donne jamais rien pour rien. C’est Mademoiselle qui lui a appris ça.



Son client arrive, lui aussi enveloppé dans un long manteau, avec une canne à la main, et un chapeau. Il se découvre en arrivant près d’Anja et la salue. Le docteur Seran s’assoit sur une chaise à côté d’elle et explique la mission : il s’agit de séduire un homme. Pas n’importe quel homme. Il lui tend une photographie et elle reconnaît que c’est du gros gibier, même pour elle. Il faut qu’il tombe amoureux d’elle. Il lui demande si elle a appris son rôle. Son père tient une galerie d’art à Oslo : elle connait donc un peu le milieu. Elle suppose que c’est pour ça qu’il l’a choisie. Il répond : pour ça et pour d’autres talents qu’elle semble parfaitement maîtriser. Elle le rassure : maîtriser est le mot ; quand le cœur se tait, le reste suit. Le lendemain, elle se rend à la galerie d’art qu’il lui a indiquée. Le docteur se trouve-là en compagnie du propriétaire Azzad Massi, et de l’acheteur potentiel Jacques Audry. Seran explique à ce dernier qu’un collectionneur privé a chargé mademoiselle Anja de vendre une de ses toiles : un Lucian Freud, un autoportrait du début des années quatre-vingt. Audry est impressionné : la coïncidence est troublante car il se fait qu’il a une passion pour Lucian Freud, une passion mais pas d’argent. Cependant il a des amis à la fondation Maeght qui pourraient être intéressés.



Après des années de collaboration, Renaud & Dufaux avaient mis fin à la série Jessica Blandy, publiée de 1987 à 2006. Juste avant ce dernier tome, il décide de lancer une autre série ensemble. En fonction de ses inclinations, le lecteur avait pu trouver que ladite série gagnait en qualité esthétique de tome en tome, mais pouvait avoir perdu une partie de sa noirceur désespérée initiale. Il retrouve le duo avec ce très bel écrin : belle dimension de l’objet, couverture et conception graphique soignées, introduction sous forme de dialogue évoquant une agence de charme d’élite qui a couru à sa perte dans des circonstances tragiques. La séquence d’ouverture en impose. Pour commencer, le scénariste indique d’entrée de jeu que la protagoniste est décédée dans un accident de voiture, la thèse de l’accident étant contestée. L’enjeu de l’intrigue s’en trouve ainsi déplacé : il ne s’agit pas de savoir comment tout va finir, mais de comprendre pour quelles raisons la fin en sera tragique. L’artiste est au meilleur de sa forme : associant des formes détourées par un trait d’encage fin et léger, et des zones réalisées en couleur directe. Le lecteur découvre l’élégance d’Anja tranquille et assurée en train d’attendre, et le tapis de feuilles mêlées à la terre, comme moins tangible qu’elle, les enfants jouant an arrière-plan, une femme passant avec deux sacs de course. À l’évidence, Anja n’évolue pas dans le même monde banal et un peu fade que le commun des mortels.



En fonction de sa familiarité avec ces auteurs, le lecteur peut retrouver tout ce qu’il en attend : une jolie jeune femme, des magouilles, des contraintes, voire des menaces physiques et la probabilité de violences brutales. Anja semble être une jeune femme sans passé, élancée, une belle blonde, un peu glacée, avec une coiffure très étudiée, et des tenues vestimentaires recherchées. Les dessins la montrent comme une jeune femme avec une belle assurance, et une forme de tristesse. Pas vraiment une allumeuse, plutôt une très belle femme élégante, une séductrice raffinée. Elle se retrouve nue à deux ou trois reprises dans des poses langoureuses sans être artificielles. Les hommes sont pour la plupart élégants, dans des tenues plus classiques en costume cravate. Les expressions de visage restent dans un registre naturaliste, sans exagération, sans touche romantique à l’eau de rose, sans cynisme surjoué. Il n’y a que la coiffure de Bertin qui s’avère aussi gonflée et sculptée que celle d’Anja pour un effet un peu bizarre.



L’artiste fait preuve d’une implication tout aussi remarquable dans la représentation des décors, en extérieur comme en intérieur. Le lecteur identifie aisément les sites parisiens : les allées du jardin du Luxembourg, des façades haussmanniennes, le boulevard périphérique, une galerie couverte, une vue imprenable sur l’Arc de Triomphe depuis une terrasse d’appartement, une magnifique vue sur les toits de Paris, une belle promenade en péniche, un moment d’attente au pied de la pyramide du Louvre avec l’arc de triomphe de la place du Carrousel en arrière-plan, et, hors de Paris, le très beau parc du château des d’Aubigny. En intérieur, le lecteur prend le temps de traîner dans des endroits somptueux : la galerie avec ses briquettes apparentes sur les murs, l’appartement spacieux et très lumineux d’Anja, la terrasse intérieure d’un restaurant select, une chambre d’un hôtel de luxe, la coursive en plein air du Café Marly donnant sur le Louvre, etc. Même s’il n’est pas sensible à ce travail d’orfèvre du dessinateur, le lecteur en prend pleinement conscience dans les planches 42 & 43 en vis-à-vis quant à l’occasion d’une discussion attablée, Renaud choisit de s’en tenir à des camaïeux bruns en arrière-plan : le contraste avec les autres planches est saisissant.



Comme à son habitude, l’artiste est pleinement investi dans chaque planche, soucieux avant tout d’en donner pour son argent au lecteur, soignant chaque détail, tout en préservant une lisibilité optimale. Cette approche renforce la conscience qu’Anja évolue dans des cercles de la société très aisés. Le scénariste plonge son rôle principal au cœur d’une affaire d’abus de bien sociaux, avec une mécanique solide. Il utilise des artifices narratifs conventionnels, comme le dessinateur : une jolie femme qui se retrouve dénudée, un juge incorruptible, une poule de luxe qui tombe amoureuse, un interrogatoire avec une balance rouée de coups, une mystérieuse organisation de call-girls, chantages feutrés et intimidations menaçantes. Il construit une page (planche 23) composée de quatre bandes chacune comprenant deux cases. Celle de gauche montre Anja au lit avec son amant, celle de droite un individu en train d’être violemment passé à tabac, pour l’effet de contraste choc. Mais Jean Dufaux met à profit ces codes pour une mise en scène de la société avec un regard personnel. Au fil du récit, des références culturelles sont mentionnées : un tableau de Jean Rustin (1928-2013), un autre de Lucian Freud (1922-2011), le roman Nadja (1928) d’André Breton (1896-1966), le chant des partisans chanté par Yves Montand (1921-1991), le voyage à Corinthe au travers d’une citation latine (Non licet omnibus adire Corinthum.). Le lecteur sent que le scénariste a souhaité fournir des points d’ancrage dans le monde de l’art, très spécifiques, pour son intrigue. De même, il apparaît en filigrane une peinture d’un cercle de la société fortuné, à la fois une forme de dégout, à la fois une forme de fascination et d’envie. Un homme influent explique à un autre qu’il s’agit de morale, mais de celle du plus grand nombre, celle sur laquelle s’appuie le plus petit nombre. Ceux qui décident de ce qui est bon ou mauvais pour le plus grand nombre. On paye le plus grand nombre par un salaire. Le plus petit, par des privilèges et ceux-ci ne peuvent se répartir que sur un petit nombre.



A priori, le lecteur peut être refroidi par ce qu’il peut percevoir comme des conventions de BD datant de la fin des années 1980 ou début des années 1990, et un polar un peu convenu dans des milieux aisés. Pour autant, il se retrouve vite subjugué par la qualité de la narration visuelle, très soignée et élégante, descriptive avec un souci d’authenticité, de plausibilité et de lisibilité. Il se laisse également entraîner par ce drame annoncé dès la première page, et sent le venin pernicieux de l’intrigue s’infiltrer en lui : un polar sondant la fascination qu’exerce la haute société sur le commun des mortels, la corruption inéluctable qui accompagne le pouvoir par exemple économique.
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La route Jessica, tome 3 : Le désir et la vio..

Les souveniris, ça encombre.

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Ce tome est le dernier de ce triptyque qu'il faut avoir commencé avec le premier. La première édition de celui-ci date de 2011. Il a été réalisé par Jean Dufaux pour le scénario, et par Renaud (Denauw) pour les dessins et les couleurs. Il y a eu une série dérivée en 2 tomes : Crotales en 2014, par Renaud & Gihef, mettant en scène les personnages de Soldier Sun et de sa fille Agripa.



Une voiture avance sur une route traversant un champ de blé pour gagner une église totalement isolée. Soldier Sun et sa fille Agripa descendent de la voiture et s'avancent vers les trois individus en imperméable gris qui se tiennent debout sur le perron. La fille reste en retrait et le père discute avec les trois hommes. Ils lui indiquent que Jessica Blandy se trouve dans le village de leur communauté. Sun leur fait une offre de service pour l'éliminer : pas la peine, un guerrier qui tiendra le glaive du seigneur va venir et les débarrassera de cette femme. Sun abat les trois hommes avec son arme à feu, puis pénètre dans l'église. Sa fille trouve qu'il met beaucoup de temps pour juste allumer un cierge en souvenir de son épouse. Elle lève la tête et constate qu'il a également pavoisé le clocher avec le drapeau américain. Ils remontent en voiture et se dirigent vers la communauté de Corpus Christi où se trouve Jessica.



À la ferme de Corpus Christi, le frère Absalon, responsable de la petite communauté se tient devant le corps allongé du frère Liam, un tout jeune homme malade. Dans la pièce se trouvent également cinq femmes en habit sombre et strict, et Jessica Blandy. Rebecca, une jeune fille, entre et indique qu'il y a une infirmière qui loue une chambre chez Mister Sandau. Frère Absalon autorise Rebecca à aller cherche l'infirmière mais cette dernière ne devra en aucun cas toucher Liam, ni même l'approcher à moins d'un mètre. La jeune fille prend le canot à moteur et entre dans la maison de Sandau car la porte n'est pas fermée. Elle entend du bruit et se dirige vers la cave. Elle descend l'escalier et y trouve le propriétaire poings et pieds liés, avec un bâillon sur la bouche. Elle lui enlève, il la prévient, mais il est abattu d'une balle dans la tête par Blanche. Cette dernière demande à Rebecca ce qu'elle est venue chercher. Elle explique, et Blanche décide qu'elle sera cette infirmière. Dans son inconscience, Liam prononce le prénom de Rebecca. Blanche se dirige vers la communauté à bord du canot à moteur. Frère Absalon et Jessica sont sortis de la pièce où se trouve Liam et ils discutent. Elle le remercie de l'voir accueillie. Elle explique qu'elle n'est pas de bonne compagnie, qu'elle a l'impression parfois qu'elle entraîne le diable à sa suite. Ici, elle estime qu'elle a une chance de se faire oublier, mais sa présence en dérange certains. Absalon lui répond qu'elle ne passe pas inaperçue et qu'ils n'ont pas l'habitude de recevoir des étrangers. Mais il n'a pas oublié l'aide apportée par son père alors qu'ils tentaient de s'établir dans la région. C'est grâce à lui qu'ils ont pu acheter des terres et s'installer en paix. Plus loin, des garçons bêchent un champ sous le regard des filles et de Rafaele qui, lui, observe Abigaël.



Dès le premier tome, il est clairement indiqué sur la tranche que cette Route Jessica est en 3 tomes. Le lecteur s'attend donc à découvrir une fin en bonne et due forme, une résolution à l'intrigue principale et aux conséquences qui en découlent. Effectivement, le scénariste mène à leur terme les principaux fils narratifs. Qui a passé un contrat auprès de Soldier Sun et d'Agripa ? Que veut Carrington ? Quel sera le sort de Blanche ? Razza traîne--il encore dans les parages ? Le lecteur aura même la réponse à l'énigme : Qui a mordu dans la noix ? Le petit singe, la jolie dame ou l'homme velu ? Dans sa structure, le récit ressemble, même plus que les deux précédents, à un album classique de la série. Jessica Blandy retrouve une place principale dans le récit, sans être de toutes les pages : elle apparaît dans 27 pages sur 52. Elle constitue un élément essentiel dans la résolution des intrigues, mais elle n'accomplit pas tout toute seule, et certains personnages jouent également un rôle essentiel dans ces résolutions. Le lecteur retrouve également ce qui fait la personnalité de la série : des tueurs sans état d'âme au point d'en être anormaux par leur absence totale d'empathie, de la violence sèche sans volonté d'esthétisation, quelques éléments typiques des États-Unis comme cette communauté qui fait penser à des Amish acceptant un peu plus de technologie, ou encore les flamants roses de Miami, sans oublier la beauté irrésistible de Jessica, et une touche de surnaturel.



Le lecteur présume que le scénariste a écrit ce triptyque pour répondre à la demande du dessinateur, et peut-être des lecteurs. Comme d'habitude, il fait en sorte de donner de varier les environnements pour que Renaud puisse laisser s'exprimer son talent. Ainsi il découvre un champ de blé mordoré dans une case de la largeur de la page qui occupe la moitié de la page. Cette image a été réalisée à 95% en couleur directe, seule la silhouette de la voiture et celle de l'église sont détourées. Ce dessin communique bien la sensation d'immensité du paysage, de calme, avec une petite brise agitant les blés. En page 6, il voit la route en terre qui permet d'accéder à la ferme de la communauté. Par la suite, il se sent transporté sur le lac à bord du canot à moteur, dans la cave de frère Sandau avec ses murs en pierre, à nouveau dans les blés où Rafaele compte fleurette à Abigaël (une belle cachette), la cuisine modeste de la maison des parents d'Abigaël, le feuillage de la forêt aux abords de la ferme, les bancs très sommaires de l'église, cette étonnante vue générale de la ferme le soir avec un léger brouillard (planche 40), le vol de flamants rose au-dessus d'une belle pelouse bien entretenue, bien verte, cette grande demeure abandonnée dont les meubles sont recouverts par des draps. À chaque fois, l'artiste mêle détourage au trait très fin avec la mise en couleur directe de type aquarelle pour un rendu précis baignant dans une ambiance lumineuse adaptée, pour un effet émotionnel unique.



Renaud soigne tout autant les personnages et leur jeu d'acteur. Il suffit de regarder Soldier Sun pour ressentir sa force, la violence qu'il est prêt à faire parler, son expérience en la matière. Jessica Blandy est toujours aussi belle, sans même qu'elle s'en donne la peine, ce qui provoque à nouveau la chute d'un homme, sans qu'elle n'en ait rien voulu. Frère Absalon est vêtu d'habits simples et résistants, avec des postures qui dénotent un homme portant des responsabilités, ainsi qu'une vraie sollicitude. Blanche est toujours aussi théâtrale, à la fois dans son apparence très étudiée, sa coupe de cheveux si particulière, et toujours habillée de blanc. Carrington a les gestes de quelqu'un habitué à être obéi sans discuter, habitué au pouvoir que donne l'argent. Le lecteur note de petits gestes naturels qui en disent long : la tête courbée d'Absalon face à la maladie de Liam, le regard curieux et libre de Rafaele, les expressions trop assurées d'Agripa, l'agressivité du regard de Blanche, une main qui se pose sur le genou de Jessica, le regard matois et méchant de Carrington, etc.



Renaud à l'art et la manière de donner corps aux éléments du scénario, de les rendre réels et plausibles. Du coup, les bizarreries de l'intrigue ressortent plus fortement. Cette représentation réaliste amène le lecteur à s'interroger sur le choix fait par Dufaux de ne pas mettre en scène une communauté Amish, mais plutôt un ersatz. Surtout qu'il reprend un aspect bien rétrograde qui est celui de la place de la femme, mais sans développer de quelque manière que ce soit les tenants de la foi de cette communauté. Il y a aussi cette église perdue au milieu de champs immenses, en fait quasiment inaccessible aux fidèles. Une fois qu'il commence à s'interroger sur tel ou tel point de l'intrigue, le lecteur se trouve dans un mode où il a du mal à s'arrêter. Quel intérêt de faire intervenir le fils de Sandau si ce n'est pour rappeler que Blanche est prête à éliminer tout le monde, ce qu'on sait déjà ? Et d'ailleurs comment a-t-elle su quel produit injecter à Liam ? Et comment fait-elle pour continuer à marcher avec une balle dans la rotule ? D'un autre côté, le paradoxe de la présence du nom de Jessica Blandy sur la liste de personnes à abattre est levé de manière satisfaisante. Le scénariste ramène également Razza dans le récit, ce qui apporte une logique à ce triptyque, tout en faisant s'interroger sur l'étrange méthode qu'il fait mettre en œuvre pour se venger de Jessica. D'ailleurs, elle lui a fait quoi, déjà ? Puis arrivent les deux dernières pages, et le lecteur a du mal à y croire. Il ne s'agit pas seulement d'une fin ouverte, mais elle donne l'impression que c'est le début d'une nouvelle série dont il vient de lire le prologue en 3 tomes.



Ce troisième tome vient conclure cette courte saison consacrée à Jessica Blandy après la première série qui avait compté 24 tomes. Le lecteur a pris grand plaisir à retrouver les planches de Renaud dont la qualité ne cesse de croitre. Il est parti dans l'idée que le titre annonçait une histoire autour de Jessica sans qu'elle n'y participe forcément. Il a suivi deux équipes de tueur, Soldier Sun & Agripa d'un côté, Blanche de l'autre, travaillant pour deux commanditaires différents, avec des assassinats froids et méthodiques. Finalement Jessica Blandy est bien présente au temps présent du récit dès le deuxième tome, et elle finit même par se battre contre Blanche dans un combat physique de 4 pages. Finalement le scénariste révèle qui sont les commanditaires et quel est leur objectif respectif, tout en donnant l'impression de mettre en œuvre des artifices prêts à l'emploi sans les développer, et parfois même sans en tirer tout le parti possible.
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La route Jessica, tome 2 : Piment rouge

Sans respect, il n'y a que des perdants.

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Ce tome fait suite à La route Jessica, tome 1 : Daddy ! (2009). C'est la deuxième partie d'un triptyque : il faut donc avoir commencé par le premier tome. La première édition de celui-ci date de 2009. Il a été réalisé par Jean Dufaux pour le scénario, et par Renaud (Denauw) pour les dessins et les couleurs. L'histoire se termine dans La route Jessica, tome 3 : Le désir et la violence (2011). Il y a eu une série dérivée en 2 tomes : Crotales en 2014, par Renaud & Gihef.



La femme nommée Jessica Blandy s'est arrêtée ici, à Taxco de Alarcón, une ville du Mexique. Elle prend un verre à une unique table sur une terrasse. Un homme en costume avec une mallette approche : il l'informe que l'adolescent Rafaele a rejoint la bande d'Anita Royola, dit Piment Rouge. Il va bientôt recevoir son premier contrat, et alors plus personne ne pourra le récupérer. Dans une autre ville du Mexique, Soldier Sun prend un verre avec un informateur. Celui-ci lui explique qui est Anita Royola, fille du gouverneur, enfance dorée, habile au fusil, mariée à vingt ans à un riche industriel décédé peu de temps après dans de mystérieuses circonstances. Personne n'ose lui tenir tête. Son frère El Presidio est mort dans des circonstances mystérieuses. Elle a été surnommée Piment Rouge car si on la caresse, les mains brûlent. Si on l'embrasse, la bouche est en feu. Et si on l'aime, on ne sera que cendres. Soldier Sun rejoint sa fille Agripa au marché, où elle est en train de regarder les piments rouges. Son père lui annonce que le terrain est miné, ça sera plus difficile qu'il ne le pensait. Il lui demande si elle a entendu parler d'une bande armée qui se fait appeler Atapulta.



La nuit dans une ville du Mexique, Rafaele est en train de passer un sinistre rite d'initiation : il doit recouvrir de terre un homme vivant allongé dans une fosse. Il ne parvient pas à accomplir cette tâche, car le jeune homme au fond de la tombe le regarde d'un air suppliant. Autour d'eux, de nombreuses croix en bois marquent l'endroit de tombes identiques avec l'inscription Atapulta peinte en rouge dessus. Anita Royola se réveille tout habillée sur son lit : elle a encore fait le même cauchemar, avec une tête de squelette portant du rouge à lèvres et un chapeau avec des marguerites. Elle entend qu'on l'appelle. Deux de ses gardes indiquent qu'un homme se tient devant la grille d'enceinte et veut lui parler. Soldier Sun lui fait signe en indiquant qu'il veut lui parler d'El Presidio. Royola prend le revolver de Peppe et s'approche de l'intrus en le menaçant depuis l'autre côté de la grille. Sun l'informe qu'il peut lui dire qui a tué son frère. Elle lui dit de passer par derrière, elle va l'attendre sous les arches. Sun obéit et il est attaqué par trois nervis. Il se défend plutôt bien en en assommant un d'entrée de jeu. Un autre a sorti un couteau et malgré son esquive, Sun se retrouve avec une estafilade superficielle à la joue, puis une autre au ventre. Il ramasse un tuyau que maniait un de ses agresseurs et s'apprête à les dérouiller, quand Royola l'interrompt. Il lui explique qu'il a besoin de son aide pour éliminer Jessica Blandy.



Le lecteur revient en sachant qu'il va assister à un nouveau carnage avec des tueurs assez particuliers. Soldier Sun reste un individu d'une quarantaine ou cinquantaine d'années, en excellente forme physique, sans un iota d'empathie pour les autres êtres humains, tuant de manière efficace et raisonnée : un professionnel rapide et compétent. Sa fille Agripa est tout aussi compétente, mais voue un culte à son père, relation malsaine quasi incestueuse. La coupe de cheveux de Blanche est toujours aussi impeccable, et son obsession pour les seringues est toujours aussi morbide. Elle montre, elle aussi, un signe de déséquilibre mental, en plus de tuer avec facilité. Comme à son habitude, Renaud aime bien dessiner les jolies femmes et le scénariste lui a cousu un récit sur mesure. Le lecteur retrouve donc Jessica Blandy le temps de courtes séquences : 6 pages sur un total de 54. Elle est toujours aussi svelte, avec un caractère posé, en étant ferme dans ses décisions. Elle ne change de toilette qu'une seule fois : 2 robes d'été. Agripa est habillée comme une allumeuse, comme une petite fille qui joue avec ses charmes. Anita Royola change de toilettes plus régulièrement, passant d'un jean avec un haut d'été, à un bikini riquiqui qu'elle n'hésite pas à enlever devant trois de ses hommes de main qui ne ressentent alors qu'une forte crainte, dépourvue de toute concupiscence.



Avec les assassinats vient la violence, une composante présente depuis le début de la série. Cela commence dès la planche 5, avec cet individu enterré vivant, et ce jeune adolescent qui ne parvient pas à le regarder en face alors qu'il jette une pelletée de terre sur lui, et cet autre adolescent qui le menace d'une arme à feu. Ça continue avec le test de Soldier Sun : coups de poing, nez cassé, estafilade avec un couteau, coup de pied : les dessins de Renaud son factuels et secs comme à son habitude, avec une mise en scène qui établit la logique des déplacements de chacun, l'enchaînement des coups de ces 4 bagarreurs. Par la suite, Soldier Sun loge une balle dans la rotule d'un homme de Royola : du sang, une douleur intense visible sur le visage de l'homme au point qu'il est étonnant qu'il ne s'évanouisse pas. C'est d'ailleurs une des caractéristiques du scénario que de concevoir des moments visuels marquants, même en exagérant un peu la situation. Cela se remarque, parce que pour le reste la narration visuelle s'inscrit dans un registre naturaliste avec une légère touche touristique. Ainsi le lecteur éprouve des difficultés à croire qu'Anita va vraiment se baigner pour aller contempler des cadavres lestés de pierre en train de se décomposer dans l'eau. De même la pente du promontoire rocheux depuis lequel elle plonge semble un trop incliné pas assez à pic pour qu'elle ne risque pas de tomber sur les rochers plutôt que dans l'eau. Il en va de même pour Anita se tenant nue sur une plage après sa baignade, devant ses hommes de main, ou Salina Santilla contemplant des piments en train de sécher, en écho au surnom d'Anita Royola.



Jean Dufaux traite la psychologie de ses personnages un peu de la même manière. Déjà dans le tome précédent, il n'était pas facile de croire à la plausibilité de la relation entre Agripa et son père : l'admiration quasi incestueuse d'elle pour lui, le fait qu'il fasse équipe avec elle, la mettant en danger, et ayant une partenaire compétente mais aux réactions parfois immatures, ou étranges. Dans ce deuxième tome, il fait de même pour Anita et son admiration sans borne pour son père décédé. D'un côté, le lecteur veut bien se laisser entraîner parce qu'il a déjà eu l'exemple d'Agripa sous les yeux, et que ça fait partie implicitement de la suspension d'incrédulité consentie. D'un autre côté, il aurait apprécié que le scénariste prenne deux ou trois cases supplémentaires pour développer cette adulation de manière à la rendre plus fondée. À ce rythme, il se dit que Blanche est partie pour révéler une relation du même type dans le prochain tome. Passé ces détails plus ou moins sensibles pour le lecteur, il se plonge dans la traque menée par Soldier Sun et sa fille pour éliminer Salina Santilla, comme cela avait été annoncé dans la dernière page du tome précédent. Ce personnage est apparu pour la première fois dans Jessica Blandy, tome 6 : Au loin, la fille d'Ipanema... (1990), une aventure particulièrement éprouvante pour Jessica, et elle était revenue dans Jessica Blandy, tome 18 : Le contrat Jessica (2000). Dans le même temps, les deux dernières apparitions de Jessica se déroulent au temps présent et le lecteur peut apprécier qu'elle aille mieux, qu'elle soit dans une phase constructive : elle a arrêté de boire, et elle veut retrouver son fils adoptif. Le lecteur se plonge donc avec plaisir dans la suite de cette histoire, bien tordue, avec des personnages abîmés et dangereux… jusqu'à la dernière page. Il reste interdit devant Soldier Sun décidant de ne pas éliminer Jessica Blandy dans l'avant-dernière page, en découvrant la suite de la liste des contrats dans la dernière page.



Pour le lecteur qui a suivi la série depuis le premier tome, c'est toujours un plaisir de retrouver les magnifiques planches de Renaud, toujours aussi convaincant pour représenter les femmes fatales, et pour emmener le lecteur dans des endroits magnifiques : la ville de Taxco sur un flanc de montagne, le marché alimentaires et ses étals, les arches du jardin de Royola, des plages pour touristes avec un bon budget, une plage privée, le car traversant un désert avec ses cactus, les piments à sécher, le magasin de vêtements, etc. Les scènes de violence sont malsaines à souhait, pour peu que le lecteur accepte de consentir un petit peu plus de suspension d'incrédulité, ou d'y mettre un peu du sien. Le récit exhale alors les saveurs vénéneuses que le lecteur est venu chercher.
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La route Jessica, tome 1 : Daddy !

Comprendre ce qui se cache derrière les apparences

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Ce tome fait suite à la série Jessica Blandy qui s'est achevée avec Jessica Blandy, tome 24 : Les gardiens (2006). La première édition de cette bande dessinée date de 2009. C'est la première partie d'une trilogie réalisée par les mêmes auteurs que la série Jessica Blandy ; Jean Dufaux pour le scénario et Renaud (Denauw) pour les dessins et les couleurs. Elle compte 54 planches.



Dans un bel appartement avec balcon de Miami, par une belle fin d'après-midi ensoleillée, Agripa, une belle jeune femme nue, appelle son père Soldier Sun pour l'informer que tout s'est passé comme prévu, et qu'elle peut se débrouiller toute seule pour se débarrasser du corps, car il y a une pièce dans l'appartement où le locataire entrepose son matériel de bricolage. Elle va y trouver ce dont elle a besoin, mais ça va prendre du temps. Elle va commencer par les yeux car elle est superstitieuse : elle a toujours l'impression qu'ils la regardent quand elle travaille, ce qui la rend fébrile, peu sûre d'elle. Son père lui intime de se mettre au travail, et d'arrêter de se plaindre car elle sait bien que ça l'agace, et il ne voudrait pas la punir à nouveau. D'une voix hésitante, elle lui répond qu'elle aime bien quand il la punit. Soldier Sun raccroche et accepte le cocktail que lui apporte Molly, une belle femme blonde. Il en prend une gorgée et ils font l'amour.



Adam Pendler se trouve dans l'étude de Jeremy Cuzak et lui remet le dossier qu'il a constitué sur Jessica Blandy. Tout se trouve dans ce dossier, l'enquête s'est étalée sur plus de six mois. Certains témoignages se recoupent, d'autres ne mènent à rien. Il y a deux ans, miss Blandy a quitté New York. Elle était accompagnée de Gus Bomby, un ancien détective privé à qui on a retiré sa licence. Elle semblait souffrir de troubles psychiques assez graves qui nécessitaient une analyse suivie. Elle s'est adressée pour cela au docteur Bernardht qui possède un cabinet sur a cinquième avenue. Jusqu'au jour de son départ, elle s'y est rendue régulièrement, à raison de deux visites par semaine. Dans le dossier, se trouvent les premiers entretiens de Bernardht avec sa patiente. Il y a également un feuillet écrit par le psychothérapeute après le départ de sa patiente évoquant le fait que Jessica a recouvré la vue. Pendler continue : le soir même, une voiture a renversé Elisabeth, l'épouse de Bernardht, alors qu'elle se rendait au théâtre. Elle a succombé à ses blessures pendant son transport à l'hôpital, c'était un samedi. Pendler conclut : il a retrouvé la trace de Bernardht. Ce dernier se trouve à Miami, et il vient d'envoyer un de ses agents à l'appartement qu'il a loué sous le nom de J.H. Bains. L'individu toque à la porte et c'est Agripa qui lui ouvre en peignoir de bain. Il fait en sorte de rentrer à l'intérieur et parvient jusqu'à la chambre à coucher où il découvre les giclées de sang qui maculent les murs. Interloqué, il se retourne vers la jeune femme : elle tient une tronçonneuse d'une main ferme et assurée.



Après avoir réalisé ensemble une série en 3 tomes Vénus H. (2005-2008), Renaud & Dufaux reforment leur tandem pour revenir au personnage dont ils avaient réalisé 24 tomes de 1987 à 2006. Le début de récit fait comprendre que Jessica Blandy ne sera pas présente au centre du récit : elle n'apparaît effectivement que dans 5 pages. Au lieu de cela, le lecteur fait connaissance avec Adam Pendler, un détective, travaillant pour Jeremy Cuzak, lui-même travaillant pour monsieur Carrington qui veut mettre la main sur la jeune femme car il est convaincu qu'elle détient le secret de l'immortalité. Ce n'est pas la première fois qu'un élément surnaturel est inclus dans une aventure de cette héroïne. Il est d'ailleurs rapidement fait allusion à un autre élément de ce type : le personnage de Razza, déjà présent ou dont la présence se faisait sentir dans les tomes 15 à 17. Les notes du psychothérapeute indiquent que Jessica a également ressenti son influence dans les tomes 23 & 24. Certains éléments de la vie passée de l'héroïne sont évoqués, mais finalement il est possible de suivre l'intrigue sans rien en perdre, même sans avoir lu les tomes correspondants. Même la prise de contact avec Earl Memphis ne nécessite pas d'avoir lu Jessica Blandy, tome 16 : Buzzard Blues (1999) pour comprendre l'enjeu. En revanche, dans ce cas-là, le personnage semble un peu superficiel.



Malgré l'absence du personnage principal, le lecteur retrouve les principales caractéristiques de la série initiale, à commencer par les dessins précis et la sensation de se rendre dans plusieurs lieux chacun avec leurs caractéristiques propres. Renaud conjugue le détourage des éléments avec un trait encré fin et précis, et une mise en couleur à l'aquarelle, venant compléter chaque surface selon la méthode de la couleur directe. Alors qu'Agripa appelle son père, le lecteur voit le balcon de l'appartement à l'avant dernier étage d'un immeuble, apposé à une case d'une belle grande plage avec un unique palmier, et un grand parasol abritant un fauteuil dans le lointain, tout le contraste des cités bétonnées en bordure de mer, et d'un grand espace naturel. D'une séquence à l'autre, il peut ainsi apprécier l'aménagement de l'appartement de J.H. Bains, le luxe du bureau de Jeremy Cuzak avec les meubles (de magnifiques pieds en forme de rapace pour le bureau lui-même) et les colonnes décoratives, un petit pont au-dessus d'un ruisseau dans un parc, l'étendue gazonnée devant la mer avec les flamants roses, l'intérieur d'un club de jazz avec une fresque carrelée et des motifs de flamants roses, le cabinet très lumineux du psychothérapeute avec le paravent, les rues pleines de piétons de Miami, quelques pièces de la villa des Cuzak, etc. Comme d'habitude, il prend le temps de regarder les images car l'artiste ne se contente pas de poser des meubles et des décorations, du tout-venant ou du préfabriqué industriel : il fait œuvre de décorateur avec du goût. Il montre des lieux plausibles et habités, aménagés par des individus avec une personnalité, et attentifs à leur lieu de vie. De même, le lecteur peut prendre le temps de jeter un coup d'œil aux figurants : les jeunes hommes faisant un peu de musculation croisés par Agripa et son père, les clients du club de jazz, les anonymes sur les trottoirs, tous vêtus différemment, tous occupés avec leur interlocuteur, ou perdus dans leurs pensées.



Régulièrement, le regard du lecteur est attiré par un détail : le motif de chat sur le mur derrière un lit, les dents de la tronçonneuse, les nénuphars sur une pièce d'eau, les essences de végétaux correspondant bien à la flore de cette région du monde, un modèle de voiture, les copeaux de bois dans un grand pot de fleurs pour protéger la terre, la coupe de cheveux de Blanche, les lignes électriques aériennes et leurs poteaux, des modèles de chaussure dans une vitrine, etc. Renaud donne à voir bien plus que le strict nécessaire, sans le faire de manière ostentatoire ou démonstrative, sans alourdir la narration visuelle. Le lecteur éprouve la sensation d'évoluer dans chaque endroit, en côtoyant des personnes plausibles, différenciées, et souvent pas commodes. La mise en couleurs naturaliste apporte une ambiance lumineuse adaptée à chaque endroit, chaque moment de la journée, ainsi qu'un peu de relief, des ombres portées discrètes, à nouveau sans alourdir les cases, en phase parfaite avec les traits encrés. Le lecteur retrouve d'autres caractéristiques de la série initiale : des femmes parfois dévêtues, des relations sexuelles, des individus bien dérangés, des meurtres sadiques. D'ailleurs ça commence avec une jeune femme qui s'apprête à se débarrasser d'un cadavre à la tronçonneuse.



Le lecteur ne sait pas trop quoi attendre de cette histoire en trois parties. Il espère que cette nouvelle saison bénéficie d'une direction plus consistante que la fin de la série initiale. Il retrouve quelques-uns des tics d'écriture du scénariste, à commencer par le goût pour les scènes choc, même s'il vaut mieux ne pas trop s'interroger sur leur plausibilité. Il est peu probable qu'un individu louant son appartement, y stocke une tronçonneuse, une scie sauteuse en les laissant libres d'usage du locataire. Passée cette incongruité, le récit revient à des situations plus faciles à accepter. Un riche individu souhaite retrouver Jessica Blandy coûte que coûte et une deuxième faction rivale est tout aussi motivée pour y arriver avant, en faisant le nettoyage par le vide. Le lecteur retrouve ces individus ayant une représentation de la réalité en décalage avec la sienne, et avec ce qui passe pour être la normalité : monsieur Carrington faisant enfreindre les lois à ses employés grâce au pouvoir de son argent, Soldier Sun & sa fille Agripa assassinant sans vergogne. Même s'il ne donne pas accès aux pensées de ces deux personnages, le scénariste parvient à montrer la monstruosité de leur relation, sa dynamique malsaine et toxique, l'emprise du père sur sa fille totalement fascinée par son aura, et profitant de la validation que lui donne cette autorité pour tuer autrui. Le lecteur ne peut pas résister à la fascination morbide de voir ces individus agir pour atteindre leur objectif, débarrassés de toute empathie, se comportant de manière monstrueuse avec autrui, sans devoir supporter le moindre remord, la moindre once de culpabilité.



Pas sûr que le lecteur soit attiré par une couverture aussi sensationnaliste et racoleuse, pour découvrir une saison supplémentaire d'une série dont le personnage principal en est quasiment absent. S'il a lu la série initiale, un simple coup d'œil à l'intérieur suffit à lui faire sauter le pas : les pages sont magnifiques, et l'implication de Renaud est totale. Puis il apprécie de retrouver certains éléments constitutifs de la série initiale à commencer par les meurtres sadiques, les relations sexuelles, les individus pas très bien dans leur tête. Il ne sait pas trop s'il a envie de retrouver Jessica Blandy qui a l'air d'avoir réussi à laisser derrière elle une partie de ses traumatismes. En revanche il a retrouvé la sensation dérangeante provoquée par ces prédateurs efficaces et monstrueux.
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Venus H., tome 1 : Anja

Oui, cette BD est réellement de glace à l'image d'un dessin aux tons grisâtres. Entre érotisme très soft et thriller sur fond politique, cette BD n'arrive pas à trouver son souffle.



La fin de ce récit est navrante et j'avoue ne pas avoir compris les motivations d'Anja dans cet acte désespéré. Pour laver son honneur et ses fautes passées? La dernière page de ce roman photo est tout fait risible. On atteint des sommets dans le comble.



Je reconnais cependant une certaine fluidité dans le scénario de l'excellent Dufaux.



Vénus H. se voulait entrer dans le monde de la prostitution de luxe et apporter un regard sans complaisance. Je préfère cent fois Djinn. C'est dit.
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Santiag, tome 1

Cette étrange série aurait pu très bien s'arrêter après le premier tome qui constitue une histoire indépendante. Mais non, il faut rallonger la sauce au risque de devoir décevoir... Pas de nuances ou de crédibilité dans ce thriller fantastique qui ne laisse aucune place à la réflexion.



Depuis le royaume des morts, un fantôme blanc vient épauler les indiens dans leur combat pour la sauvegarde de leur culture tout en voulant parallèlement retrouver sa femme et sa fille bien aimées.



Bref, nous avons là une sorte de Gorn bis au milieu des plaines arides de l'Ouest américain. Une curiosité et à lire comme telle.
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Jessica Blandy, tome 24 : Les gardiens

Les anges morts ne me font pas peur.

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Ce tome fait suite à Jessica Blandy, tome 23 : La chambre 27 (2004) qu'il est indispensable d'avoir lu avant, car c'est la deuxième partie de l'histoire débutée dans le tome précédent. Cette histoire a été publiée pour la première fois en 2006, écrite par Jean Dufaux, dessinée, encrée et mise en couleurs par Renaud (Renaud Denauw). Elle compte 54 planches. Elle a été rééditée dans Jessica Blandy - L'intégrale - tome 7 qui contient les tomes 21 à 24. Ce tome est le dernier de la série. Cette dernière a connu un épilogue en 3 tomes intitulé La route Jessica, réalisé par les mêmes auteurs, à commencer par La route Jessica, tome 1 : Daddy !.



Dans la baie de new York, un cadavre flotte bloqué par un pilotis de bois, celui de Peter Lamax, un des cinq gardiens. À l'embarcadère du ferry, Edie Cox, une belle rousse élancée, attend assise sur un banc. Le ferry accoste, et les passagers descendent. Elle se mêle à la foule, avec une seringue à la main. Elle s'approche par derrière de l'un des passagers et le pique à l'omoplate, à travers ses habits. Il a brusquement un saignement de nez, et il s'écoule par terre. Edie Cox jette la seringue dans une corbeille de rue, et elle s'éloigne tranquillement, les mains dans les poches de son imperméable, la satisfaction d'un travail bien fait. Ailleurs, dans sa petite maison, Jessica Blandy a sorti une chaise sur la terrasse et elle regarde la mer, assise, tout en armant un pistolet : elle se méfie. Elle se lève : elle n'attend plus, elle a décidé de passer à l'action. Dans un petit café de New York, les trois autres gardiens encore vivants sont réunis pour faire le point : Knive, Samuel Horton, Victoria Charman. Ils commencent par évoquer le décès de Peter Lamax et de Ron Taylor. Ils n'ont plus de mission à proprement parle puisque leur commanditaire est décédé, et la résurrection de Missie Lizzie qu'ils devaient empêcher est advenue. Charman et Horton se rendent compte qu'ils ont tous les deux la même chanson en tête : Surf's up (1971) des Beach Boys.



Une fois la discussion terminée, Victoria Charman rentre chez elle à pied, et elle se rend compte qu'elle se retrouve dans une partie de la ville qu'elle ne connaît pas. Elle est prise à partie par trois voyous qui s'en prennent à elle, bien décidés à la violer avant de l'assassiner. Jessica Blandy intervient, pistolet à la main, car elle suivait Victoria depuis trois jours. Dans l'ombre, Edie Cox observe l'échauffourée, constatant que les agresseurs ne sont que des amateurs. Les deux femmes vont prendre un verre pour se remettre, et rencontrer Gus Bomby. Ce dernier se moque d'elles et de leurs croyances dans le retour surnaturel de Missie Lizzie, et les autres billevesées concernant la chambre 27. Il finit par indiquer qu'il a retrouvé la personne que Jessica l'avait chargé de dénicher : Ada Torrenson, la mère de l'enfant. Elle est d'ailleurs revenue à New York : elle accepte de les recevoir, mais ne parlera que s'ils ont un code ou un mot de passe à lui présenter.



Dernier album de la série et deuxième moitié du récit, dont la première n'était pas entièrement convaincante pour elle-même. Le lecteur attend donc des réponses satisfaisantes pour l'intrigue et une résolution convaincante. Le scénariste s'y attèle avec rigueur. Le lecteur peut donc rencontrer Missie Lizzie et assister à plusieurs de ses conversations. Les cinq gardiens lui sont présentés. Il est question de leur mission initiale, et de leur devenir, de la menace qu'ils représentent encore pour Missie Lizzie, de la résurrection de cette dernière, et des circonstances de sa mort, il y a de cela de nombreuses années. D'un côté, cet album ne vient pas mettre un terme aux aventures de l'héroïne, elle pourrait en avoir d'autres après ; de l'autre côté, le scénariste relie entre eux plusieurs éléments des tomes passés. Victoria Charman était apparue la fois précédente dans Jessica Blandy, tome 10 : Satan, ma déchirure (1994). Le nervi Oggie évoque les événements de Jessica Blandy, tome 21 : La Frontière (2002). Razza refait une apparition avec son singe Damastra, vus pour la dernière fois dans Jessica Blandy, tome 18 : Le contrat Jessica (2000), personnage récurrent des tomes 15 à 18. Le mystérieux monsieur Chance fait également une apparition : c'est le commanditaire du tueur dans Jessica Blandy, tome 22 : Blue Harmonica (2003). Enfin, Dufaux assume totalement la dimension surnaturelle régulièrement présente, car cette histoire ne peut pas être rationnalisée par une maladie mentale, ou une forme d'hallucination collective.



Dès la première page, le lecteur plonge dans une ambiance particulière. Il retrouve bien sûr les dessins précis et méticuleux dont il a l'habitude. Au fil des pages, il peut ainsi admirer le panoramique sur les gratte-ciels de Manhattan vus depuis l'océan, le débarcadère et les bancs pour attendre, les rues désertes tard le soir avec ce passage sous une arche maçonnée, les différences d'aménagements entre les deux pubs, la circulation automobile avec les taxis Yellow Cab, les pièces monumentales avec la baie vitrée gigantesque de l'étage du gratte-ciel où se trouve Lizzie, un grand parc lors d'une promenade au coucher du soleil, une grande artère de New York de jour avec des étalages sur le trottoir, un hôtel de luxe avec sa décoration somptueuse. Il remarque également l'installation d'ambiances particulières, avec un travail personnel sur la couleur : les teinte rose orangée pour l'ouverture en extérieur, la lumière artificielle teintée de vert pour le second bar, le contraste entre ce rose en extérieur et ce vert en intérieur séparés par la baie vitrée dans le gratte-ciel où se trouve Lizzie, le retour du rose lors de la promenade dans le parc, des teintes dorées dans le palace, et une approche plus naturaliste dans la dernière séquence. Il n'y a que le dessin en pleine page de la planche 17 qi semble un peu fade : les ombres chinoises des gratte-ciels, contre le coucher de soleil, avec des rectangles lumineux pour les bureaux encore allumés.



Le lecteur retrouve toujours avec plaisir la silhouette élancée et élégante de l'héroïne, et aimerait bien la réconforter au lit comme le fait Victoria. Le dessinateur reste du côté de l'érotisme discret, montrant la nudité, sans gros plan, mettant en avant la douceur et l'attention que se portent les deux amantes. Il retrouve également Gus Bomby et sa dégaine un peu crado. Il fait connaissance avec Missie Lizzie dont l'aura n'est pas si impressionnante que ça. Il observe les personnages secondaires et les figurants, Renaud soignant chaque individu, par exemple les bagues de l'un des agresseurs de Victoria, ainsi que le reste de ses vêtements, les quelques tenues de Jessica, toujours aussi élégante, le costume coûteux de l'oncle de Lizzie, etc. Il fait connaissance avec une nouvelle femme : Edie Cox, une belle rousse très mince. Elle exerce le métier de tueuse à gages. Renaud l'a affublée d'une chevelure bouclée, très ondulée, et bizarrement volumineuse. Dufaux développe sa personnalité pour en faire un personnage complexe. Elle n'est pas infaillible, elle sent bien qu'elle ne maîtrise pas la situation, et qu'elle n'a pas le dessus sur la jeune Lizzie. Elle évoque également son absence de relation sexuelle, les hommes sentant qu'elle n'aime pas s'abandonner, oublier, crier. Elle éprouve la sensation que son corps devient froid et que personne ne parvient à la réchauffer, pas même elle-même avec ses propres caresses. La couverture promet un baiser entre elle et Jessica : il a bien lieu. Le lecteur perçoit bien la dimension métaphorique : Edie se réchauffe au contact de Jessica pleine de vie.



En fonction de sa sensibilité, le lecteur est plus ou moins intéressé par cette histoire de petite fille revenant comme une incarnation démoniaque. Le scénariste ne ménage pas ses effets avec une assassin qui travaille avec des seringues emplies de poison, une agression de rue très malsaine, un meurtre au pistolet à bout portant, un mystérieux gugusse qui remet à Jessica Blandy, bien opportunément, un bouton et un bout de phrase (dont le scénariste a du mal à se souvenir car ce n'est pas le même qu'en page 12, quand elle le réutilise en page 31), et même un commando d'une dizaine de mercenaires dont un équipé d'un bazooka… dont il ne se sert pas finalement. Ça fait quand même un peu bizarre : un agrégat de trucs choquants et cools, mais très hétéroclites. Comme à son habitude, Dufaux intègre une chanson à cette histoire : Surf's up, des Beach Boys. Il laisse toute latitude au lecteur pour établir les liens pouvant exister entre elle et son histoire. Pourtant, sous cette surface de bric et de broc, il subsiste des comportements très malsains. Visiblement Edie Cox commence à porter le fardeau de son métier : mettre fin à des vies humaines. Jessica Blandy a conservé sa sérénité grâce aux trous dans sa mémoire provoqués dans le tome 22, et c'est sa capacité d'empathie qui lui permet d'avancer dans les épreuves. Le thème de fond de la série, entre déviance mentale et chaleur humaine, reste bien présent, mais le lecteur doit faire l'effort de le considérer sous une intrigue clinquante.



Dernier tome de la série : les créateurs tiennent plusieurs de leurs promesses. La narration visuelle est toujours aussi immédiatement accessible, et discrètement sophistiquée. L'intrigue entamée dans le tome précédent arrive à son terme, en répondant à toutes les questions. Le scénariste a décidé d'assumer franchement les éléments surnaturels, qui ne peuvent plus être interprétés par des phénomènes psychologiques, ce qui peut plus ou moins plaire au lecteur, certains événements étant trop beaux pour être vrais, comme l'aide apporté par monsieur Chance.
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