Fils du Soleil est à l`origine un recueil de nouvelles publié par Jack London en 1912. Quand les avez-vous découvertes et qu`est-ce qui vous intéressait dans ces textes assez méconnus de l`écrivain américain ?
Fabien Nury : J`ai lu ces nouvelles parmi d`autres titres de Jack London réédités chez Phébus Libretto. L`univers décrit m`a impressionné, et rappelé Le creux de la vague de Robert Louis Stevenson. Et je trouvais aussi intéressant, pour une adaptation, de ne pas s`attaquer à un titre mythique : de la sorte, notre démarche peut ainsi provoquer une découverte chez le lecteur. Je m`étais déjà attelé à un exercice similaire avec Atar Gull, d`Eugène Sue (ndlr : voir l`adaptation signée Fabien Nury et Brüno : Atar Gull, ou le destin d`un esclave moderne).
Le recueil est à l`origine composé de huit histoires assez indépendantes. Votre BD se base sur deux de ces nouvelles « le fils du Soleil » et « Les perles de Parlay ». Est-ce une adaptation fidèle de ces histoires ou bien avez-vous tenu à garder une certaine liberté vis-à-vis de celles-ci ?
Fabien Nury : Je crois que nous sommes très fidèles à l`esprit du texte. Mais cela demeure une adaptation libre, dans la mesure où les nouvelles choisies sont narrativement reliées entre elles, ce qu`elles n`étaient pas à l`origine. Il y a aussi des éléments d`une troisième, Aloysius Pankburn.
Le personnage principal, David Grief est surnommé "Le fils du soleil". Que fait un blond aux yeux clairs sur les îles du Pacifique et d`où lui vient ce surnom ?
Fabien Nury : Il fait du commerce, bien sûr ! Son surnom vient à la fois de son apparence et de sa réussite, sa « puissance ».
Présente-t-il quelques différences avec le personnage du roman de Jack London ?
Fabien Nury : Oui, il est nettement plus romantique. Ses motivations pour aller risquer sa vie sur l`île de Parlay sont différentes de celles du texte d`origine.
La bande dessinée fait penser à une aventure de pirates sans pirates. Il y a d`ailleurs peu de « méchants » à proprement parler, peu d`ennemis à abattre. Etait-ce une intention de votre part ?
Fabien Nury : Il n`y a pas beaucoup de gentils non plus… C`est d`ailleurs l`un des intérêts des textes de Jack London, d`échapper à cette classification simplificatrice, pour une fois : « pirates », « méchants »… On doit pouvoir mettre en scène un récit d`aventure sans rester enfermé dans ces archétypes.
Eric Henninot : C`est ce qui m`a beaucoup plu dans le scénario de Fabien, les personnages sont complexes, leurs motivations souterraines voire inconscientes. le fils du soleil n`est pas si lumineux qu`il veut bien le laisser penser.
Les îles du pacifique sont magnifiquement rendues. Quels ont été vos supports et vos sources pour votre BD ?
Fabien Nury : Eric a beaucoup travaillé…
Eric Henninot : le travail de documentation a été en effet très important. J`aime beaucoup accumuler les visuels afin de me plonger le plus possible dans un univers et d`essayer d`en retranscrire ensuite l`atmosphère sur mes pages. Quitte à le distordre légèrement comme sur l`île de Parlay qui n`est pas à proprement parlé réaliste. Récemment j`ai rencontré en dédicace une personne ayant vécu là bas qui m`a dit avoir retrouvé l`ambiance des lieux qu`il connaissait. Il ne pouvait pas me faire plus plaisir. Cela m`a beaucoup touché, car si c`est une préoccupation, je ne sais jamais si j`y parviens vraiment.
Envisagez-vous de publier d`autres tomes autour des aventures de David Grief ?
Fabien Nury : Pourquoi pas ? Ce n`est pas à l`ordre du jour, mais on ne sait jamais.
Retrouvez les lectures de Eric Henninot sur sa page.Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Le Dahlia noir, de James Ellroy.
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Un scénariste de BD : Alan Moore.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Les Mangeurs d’étoiles, de Romain Gary.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
American Tabloid, de James Ellroy.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Le comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
La terre aux loups, de Robert Margerit.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Je ne vois pas pourquoi je me soucierais de « réputation » : je préfère de loin Zola à Flaubert, mais de là à dire que l`un est surfait… C`est avant tout une question de sensibilité, alors pourquoi devrait-on établir une « cotation » des auteurs, comme à la Bourse ?
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
« Il était écrit qu`il me faudrait rester fidèle au cauchemar de mon choix. » Joseph Conrad.
Et en ce moment que lisez-vous ?
Un auteur de romans noirs, John d`MacDonald. Une trentaine de ses romans ont été traduits en français, on les trouve d`occasion. Les énergumènes, le combat pour l`île, une part du gâteau… Ce sont d`extraordinaires séries noires, concises et brutales mais aussi humaines, et c`est un maître narrateur.
Découvrez
Fils du Soleil de
Fabien Nury et
Eric Henninot aux éditions
Dargaud :

Retrouvez les réponses de
Eric Henninot sur ses lectures sur
sa page auteur.
(tournage réalisé en 2018) Matthieu Bonhomme est un dessinateur de grand talent, connu notamment pour son L'homme qui tua Lucky Luke ou encore ses séries Esteban et le Marquis d'Anaon.
L'artiste nous présente une double planche du 1er tome de Charlotte Impératrice, avec Fabien Nury au scénario, son dessin, ses techniques, sa vision du travail de dessinateur...
Rencontre.
Charlotte Impératrice - 3 tomes en librairie : https://www.dargaud.com/bd/charlotte-imperatrice
Debout les damnés de la terre !
Debout les forçats de la faim !
La raison tonne en son cratère, c’est l’éruption de la la fin.
Du passé faisons table rase, foule esclave debout ! Debout !...
Le monde va changer de base
Nous ne sommes rien, soyons tout...
C’est la lutte finale
Groupons-nous, et demain...
L’Internationale sera le genre humain
- Feu ! FEU !
Pages 92-93, Futuropolis, 2017.
[Chante le peuple russe venus de toutes les provinces pour saluer la mort de celui qu’on leur présente comme LE héros depuis plus de trente ans. Ils seront accueillis sous les feux des tirs de l’Armée rouge qui a décidé que les funérailles du « plus grand homme que la terre ait jamais porté » se passerait autrement...]
- Et puis après tout... Qu'est-ce qu'une poignée de diamants...quand on a tout un pays à voler?
À tous les membres du Parti...
À tous les travailleurs de l’Union soviétique...
Le cœur de Joseph Vissarionovitch Staline...
...compagnon d’armes de Lénine et génial continuateur de son œuvre...
...guide sagace du Parti Communiste et du peuple soviétique...
...a cessé de battre.
Extrait de discours officiel – 8 mars 1953
Page 56 et quatrième de couverture, Dargaud, 2017.
– Quand Staline m’a pris ma femme, j’ai failli me laisser aller... sombrer dans le sentimentalisme bourgeois... Staline m’a aidé à tenir...
Page 64, Futuropolis, 2017.
[Viatcheslav Molotov, Ministre des Affaires étrangères de Staline... Jusqu’où peut aller l’aveuglement ?]
Les aînés ont le pouvoir, les cadets ont l’humour.
– Je ne joue pas pour Staline.
– Tu devrais avoir honte ! C’est le plus grand homme que la terre ait jamais porté.
Page 8, Dargaud, 2017.
Tous les enfants du monde doivent un jour voir leurs parents morts. Car la seule alternative serait que les parents voient leurs enfants morts. Et ce n'est pas ce que Le Seigneur voudrait.
Contrairement à ce que ta maman t'a dit, la violence règle bien des problèmes.
"Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses."
Clint Eastwood dans "La bon, la brute et le truand" (Sergio Leone, 1966)
Et il a trop bu, trop fumé...trop vécu.