Citations de Souad (68)
J'ai choisi de survivre et de le laisser vivre.
Mais on ne peut pas oublier son enfant, surtout cet enfant là.
Toute ma vie, je me sentirai brûlée, autrement. Toute ma vie, je devrai me cacher, porter des manches longues, moi qui rêve de manches courtes comme les autres femmes, porter des chemises à cols fermé, moi qui rêve de décolletés comme les autres femmes. Elles ont cette liberté là. Moi je suis prisonnière dans ma peau, même si je marche libre, dans la même ville libre.
Et aussitôt le feu était sur moi, tout va très vite dans les images. Je commence à courir pieds nus dans le jardin, je tape mes mains sur mes cheveux, je crie et je sens ma robe qui flotte derrière moi.
Souad est mon 1er "sauvetage" de ce genre, mais le travail n'est pas fini. L'empêcher de mourir est une chose, la faire revivre en est une autre.
Devant leur maison toujours close sur le secret et le malheur, ils descendent de voiture, silencieux, et je m'en vais de même.
C'est étrange de penser qu'on se donnait tellement de mal pour accoucher des brebis alors que ma mère étouffait ses enfants.
Et cet homme qui criait sa peine, qui déchirait sa chemise, je ne l'oublierai jamais. Il était si beau avec ses cris d'amour pour sa femme.
Est-ce que mon frère aimait sa femme? L'amour est un mystère pour moi à ce moment-là. Chez nous, on parle de mariage, pas d'amour. D'obéissance et de soumission totale, pas de relations d'amour entre homme et femme. Seulement d'une relation sexuelle obligatoire entre une fille vierge achetée pour son mari. Sinon l'oubli ou la mort. Alors où est l'amour?
Vu d'ici, ma soeur a subi un sort pire que le mien. Mais elle a eu de la chance parce qu'elle est morte. Au moins, elle ne souffre pas.
Notre vie quotidienne était une mort possible, jour après jour. Elle pouvait venir pour rien, par surprise, simplement parce que le père l'aurait décidé. Comme ma mère décidait d'étouffer les bébés filles.
Un récit poignant qui nous "force" à nous retrancher dans nos opinions personnelles, et, à regarder notre société autrement. Dans ce roman nous nous mettons très facilement à la place de Souad ce qui, à des moments, nous gênerait presque car nous nous mettons à sa place à travers le récit mais nous lisons ce roman dans une société qui n'est pas la même que celle dans laquelle évolue le roman. Personnellement ce roman m'a bouleversée! Un grand Bravo à l'auteur qui a eu le courage de nous dévoiler un bout de sa vie.
"Pour la première fois de ma vie, je suis quelqu'un parce que j'ai décidé moi-même de faire ce que je fais.
Je suis vivante. Je n'obéis ni à mon père ni à personne d'autre. Au contraire, je désobéis."
Je demande au jeune médecin s'il sait où se trouve ce fameux village où on brûle comme des torches les filles coupables d'êtres amoureuses.
Aujourd’hui encore, il m’arrive d’y penser. J’aurais préféré mourir, c’est vrai, que d’affronter cette deuxième vie que l’on m’offrait si généreusement. Mais survivre dans mon cas, c’est un miracle. Il me permet maintenant de témoigner au nom de toutes celles qui n’ont pas eu cette chance, qui meurent encore de nos jours pour cette seule raison : être une femme.
Je suis sur un lit d'hôpital, recroquevillée en chien de fusil sous un drap. Une infirmière est venue arracher ma robe. Elle a tiré méchamment sur le tissu, la souffrance m'a paralysée. Je ne vois presque rien, mon menton est collé sur ma poitrine, je ne peux pas le relever. Je ne peux pas bouger les bras non plus. La douleur est sur ma tête, sur mes épaules, dans mon dos, sur ma poitrine. Je sens mauvais. Cette infirmière est si méchante qu'elle me fait peur quand je la vois entrer. Elle ne me parle pas. Elle vient arracher des morceaux de moi, elle met une compresse et elle s'en va. Si elle pouvait
me faire mourir, elle le ferait, j'en suis sûre. Je suis une sale fille, si on m'a brûlée c'est que je le méritais puisque je ne suis pas mariée et que je suis enceinte. Je sais bien ce qu'elle pense.
Je suis une fille et une fille doit marcher vite, la tête courbée vers le sol, comme si elle comptait ses pas. Son regard ne doit pas se lever, ni s'égarer à droite ou à gauche de son chemin, car si son oeil rencontrait celui d'un homme, tout le village la traiterait de « charmuta ».
Il est revenu, c'est tout ce qui compte pour moi. Il est là, et je l'aime encore plus. Ce qu'il fait de mon corps n'est pas important, c'est dans ma tête que je l'aime. Il est toute ma vie, tout mon espoir de quitter la maison de mes parents, d'être une femme qui marche avec un homme dans la rue, qui monte à côté de lui en voiture, pour aller dans les magasins acheter des robes et des chaussures, et faire le marché. (p87)
Je l'ai cru, tellement je voulais le croire. Parce que je l'aimais, et j'avais aussi de bonnes raisons d'espérer puisqu'il m'avait déjà demandée à mon père. (p92)