" Angus, tu es injuste quand tu me dis que je n'agis pas avec toi comme avec les autres. Parce que je fais tout pour me comporter avec toi comme si tu étais normal. " Au fond je crois que c'est le "comme si" qui me dérange...
" - Jolie et intelligente ? Et le qu'en-dira-t-on alors ! Que devient-il ? Si elle est jolie, elle voudra être vue avec un mec beau. Et si elle est intelligente, elle voudra que son mec soit intelligent.
- Je suis intelligent...
- Mais tu n'es pas beau.
- Si elle est aussi intelligente que je le crois, alors elle se moquera bien que je sois laid.
- Je ne veux pas te faire de mal, Angus, mais il y a des limites... Et toi, tu les dépasses. "
J'étais, d'après ma mère, la garçon le plus laid que la terre ai porté. Si laid qu'elle n'a jamais pu m'embrasser.
(...)
Les médecins voulaient s'assurer que la forme de ma tête n'avait pas déformé le ventre de ma mère, bien qu'ils aient déjà conscience qu'elle ne pourrait plus avoir d'enfants. Elle m'a avoué par la suite qu'elle n'aurait, de toute façon, certainement pas retenté l'expérience : une erreur suffisait bien.
N'était-ce pas le rôle d'une mère de consoler son enfant, de panser ses plaies ? Et moi, je ne pouvais même pas me réfugier contre son cœur.
Je m'étais faufilée au milieu de la nuit jusqu'à la chambre de la directrice. Elle ronflait et cela me choqua de la part d'une bonne sœur. Ces femmes étaient censées être humbles et discrètes en toute circonstance. Il ne m'était pas venu à l'esprit qu'elles puissent redevenir des êtres humains comme les autres, une fois la nuit tombée.
La directrice était petite, au visage sévère, si bien qu'elle me fit aussitôt penser à un de ces petits chiens au poil doux, mais hargneux au possible. Tout le temps de mes études, je ne pus m'empêcher de la voir ainsi.
Le sang qui s'écoulait de ma tempe ne la fit pas réagir. Elle tournait la tête vers l'écran de télévision, plus important qu'une blessure sur le visage de son fils.